Des chercheurs de l’Institution Carnegie viennent de faire une découverte surprenante. Selon des analyses effectuées dans des météorites, le système solaire était probablement bien plus riche en matières organiques complexes qu’on ne le pensait. La théorie de la soupe primitive s’en trouve renforcée.

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    La chondrite CR de Taffassasset. Crédit : Géoforum

    La chondrite CR de Taffassasset. Crédit : Géoforum

    Une des hypothèses les plus communément admises pour expliquer l'apparition de la vie est celle proposée par Oparine en 1924 et Haldane en1929. Un premier stade d'évolution chimique aurait engendré la matière prébiotiqueprébiotique dans un milieu riche en matières organiques et dépourvu d'oxygène libre. A partir de 1952, cette idée d'une soupe primordiale a été testée en laboratoire par Urey et Miller. Ces expériences étaient conduites sur un mélange de gaz censé reproduire l'atmosphèreatmosphère primitive réductrice de la Terre juste au début de l'archéenarchéen et inspiré de la composition chimique des atmosphères de JupiterJupiter et de SaturneSaturne. On y incorporait sept molécules, de l'hydrogène (H2), du méthane (CH4), du gaz carboniquegaz carbonique (CO2), du monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (CO), de l'ammoniacammoniac (NH3), de l'azoteazote (N2) et de l'eau (H2O). Cette atmosphère reconstituée était alors soumise à des décharges électriques et à un rayonnement ultravioletultraviolet intense.

    Comme les chercheurs s'y attendaient, de petites molécules organiques se sont formées, notamment de l'acide cyanhydriqueacide cyanhydrique (HCN) et du formaldéhydeformaldéhyde (HCHO). On pensait alors que la même chose s'était produite dans l'atmosphère primitive et que ces molécules s'étaient ensuite dissoutes dans les océans. Mieux, comme de multiples expériences du même genre allaient le démontrer, on peut obtenir par ce moyen la synthèse d'aldéhydesaldéhydes, d'acides carboxyliquesacides carboxyliques et d'une dizaine des vingt acides aminésacides aminés formant les protéinesprotéines actuelles, sans compter une centaine d'acides aminés absents dans notre biosphèrebiosphère.

    L'ensemble aurait formé la fameuse soupe chaude primitive dans laquelle les membranes cellulairesmembranes cellulaires, de l'ADNADN ou plus probablement de l'ARNARN, auraient naturellement émergé pour former les premiers organismes vivants.

    Bombardement organique

    Aujourd'hui, on ne pense plus que l'atmosphère de la Terre était celle que Miller et ses collègues ont prise comme hypothèse de travail, mais l'idée d'une soupe chaude primitive persiste. Les progrès de la radioastronomie aidant, on a fini par détecter des molécules organiques complexes dans les nuages interstellairesnuages interstellaires moléculaires denses et froids, où elles sont le produit d'une chimiechimie complexe dans la gangue de glace entourant les poussières cosmiques.

    Même si l'on retient l'idée que la vie est née dans les océans à partir d'une évolution chimique prébiotique, on pense que la plupart des molécules organiques complexes seraient arrivées sur Terre sur les météoritesmétéorites et les comètescomètes lors d'une longue phase de bombardement.

    Un exemple de chondrite CR. Le cube de bois mesure un centimètre de côté. © <em>The Meteorite Market</em>

    Un exemple de chondrite CR. Le cube de bois mesure un centimètre de côté. © The Meteorite Market

    Conel Alexander et Marilyn Fogel, membres, respectivement, du Département du magnétismemagnétisme terrestre et du Laboratoire de géophysique de l'Institution Carnegie, ont étudié des météorites trouvées en AntarctiqueAntarctique en 1992 et 1995. Il s'agit de chondrites carbonées particulières dites chondritechondrite CR, formées d'agglomérats de chondreschondres primitifs liés par du carbone presque pur.

    Avec Zita Martins de l'Imperial College de Londres, et deux collègues, ils ont montré que deux d'entre elles possédaient une quantité record d'acides aminés. Dans ces deux météorites, les teneurs atteignent 180 et 249 ppmppm (parties par million), contre une moyenne de 15 ppm dans les autres météorites carbonées.

    Une soupe riche

    Cette découverte d'une concentration dix fois supérieure dans ces chondrites carbonées, plutôt rares, laisse fortement soupçonner que de la matière organique complexe était très abondante dans le flux de météorites tombant sur la Terre primitive au début de l'archéen.

    On pourrait objecter que ces météorites (faisant partie d'une des plus importante collection au monde, celle du Johnson Space Center de la NasaNasa à Houston, au Texas) ont peut-être subi une contaminationcontamination par contact avec l'environnement terrestre. Il n'en est rien. La preuve en est donnée par le rapport des abondances des isotopesisotopes du carbone, la matière organique terrestre présentant une valeur constante qui lui est spécifique. Les chercheurs de l'institution Carnegie ne l'ont pas retrouvée dans les météorites et on peut donc être sûr que les acides aminés découverts ne sont pas d'origine terrestre.