Des écrans qui donnent la nausée et la migraine à leurs propriétaires, c’est l’actu de la semaine, dans Vitamine Tech. 


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    Imaginez. Vous êtes assis dans votre canapé. Il est tard, vous avez réduit la lumière dans votre salon puisque vous allez bientôt vous coucher, mais vous cédez une dernière fois à l'appel du portable avant de vous mettre au lit. Vous ouvrez le réseau social de votre choix, mais à peine avez-vous eu le temps de passer quelques posts ou photos en revue que vos yeux vous brûlent, votre crâne vous fait mal ou encore que votre estomacestomac se soulève. Utilisateurs, utilisatrices, si vous avez déjà rencontré cette situation, laissez-moi vous rassurer : vous n'êtes pas seuls.

    Car en effet, les cas de nausée, de migraine ou de fatigue oculaire devant les écrans n'ont fait que se multiplier au cours des dernières années. Que ce soit avec votre ordinateur, votre iPad, ou bien votre smartphone, il est probable que vous ayez déjà rencontré ce phénomène que l'on appelle « sensibilité à la modulation de largeur d'impulsions ». Alors oui, là, comme ça, ça ne vous dit peut-être rien et ça sonne probablement un peu compliqué comme nom. Mais vous allez voir que ce qu'il désigne est relativement simple et intuitif, une fois que l'on sait à quoi on a affaire.

    Allumé ou éteint : le pixel est binaire

    La modulation de largeur d'impulsions, aussi appelée MLI ou PWM en anglais, c'est le nom donné au processus qui vous permet d'adapter la luminosité de vos écrans ; en particulier, les écrans OledOled, mais pas exclusivement. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, baisser la luminosité d'un écran ne signifie pas réduire l'intensité lumineuse de ses pixels. À l'inverse d'un composant analogue, généralement coûteux et encombrant, un pixel ne s'embarrasse pas de nuance. Il n'a que deux étatstats : allumé ou éteint. Pour donner l'illusion que votre écran est moins lumineux, il va donc falloir tricher un peu, et c'est là que la MLI s'avère très utile.

    Lorsque votre portable est au maximum de sa luminosité, l'ensemble des pixels est allumé, pas de MLI. Mais dès que l'on passe en dessous de la barre des 100 %, quelque chose d'étonnant se produit, quelque chose théoriquement imperceptible à l'œilœil nu : votre écran se met à clignoter. Oh, il ne reste éteint que 10 % du temps, lorsque vous êtes à 90 % de luminosité. Mais plus vous réduisez l'intensité lumineuse de votre écran, plus celui-ci demeure éteint longtemps. Baissez la luminosité à 50 % et celui-ci ne sera plus allumé que la moitié du temps. 20 % et il est désormais éteint 80 % du temps. Si vous ne l'avez jamais remarqué, c'est bien normal et plutôt rassurant. Ça signifie que votre matériel fonctionne bien. Car, bien évidemment, cette alternance d'écran allumé et éteint se fait à un rythme effréné, généralement au-delà de 100 HzHz et bien souvent, jusqu'à 240 Hz, soit 240 cycles on-off par seconde.

    Il est communément admis qu'au-delà de 60 Hz, l'œil humain ne perçoit plus le passage de l'un à l'autre, mais les voit comme un seul et même phénomène continu. Non plus du noir ou du blanc, mais du gris. Non plus un portable mi-allumé mi-éteint, mais un portable à 50 % de luminosité. C'est une astuce vieille comme le monde puisque l'on retrouve un principe équivalent dans les thaumatropes.

    Des nausées dues aux clignotements malgré tout perceptibles

    Si ce nom ne vous dit rien mais que vous êtes fans de cinéma, vous aurez peut-être croisé ce jouet optique dans le film Sleepy Hollow de Tim Burton, ou Le Prestige, de Christopher Nolan. Il se présente comme un disque de carton, sur chaque face duquel sont peintes des images complémentaires, comme une cage d'un côté et un oiseauoiseau de l'autre. On fait tourner ce disque très rapidement, souvent en pinçant deux ficelles qui partent de son bord, et si l'on se débrouille bien, les deux images donnent l'impression de ne plus former qu'une seule : l'oiseau se retrouve en cage. Cette illusion met à contribution notre persistance rétinienne et c'est exactement sur le même principe que s'appuie la MLI.

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    Le mode « nuit » des smartphones ne servirait pas à grand-chose

    Mais alors, si notre œil ne parvient pas à percevoir ces changements, comment se fait-il qu'ils causent tout de même des symptômes aussi désagréables que des nausées, des maux de têtes ou encore de la fatigue oculaireoculaire ? Eh bien, ainsi que le révèlent plusieurs études scientifiques parues au cours des dernières années, le clignotement ne jouerait pas dans la même cour qu'un simple passage d'une image à une autre. S'il nous est possible de visionner un film de 3 heures sans nous inquiéter de la succession rapide d'images à l'écran (en général, entre 24 et 60 par seconde), le clignotement, lui, échappe beaucoup moins facilement à notre détection. Une étude de 2015 suggère ainsi que nous pourrions le percevoir jusqu'à 500 Hz ! 500 cycles on-off par seconde ! Ce seuil de détection, qui porteporte le joli nom de seuil critique de fusionfusion du papillotement, suggère que notre vision est bien plus aiguisée que l'on ne pourrait le penser et que la fréquence de MLI de 100 Hz, dont se contentent nombre de nos écrans LEDLED et Oled, est bien en deçà de ce dont notre œil a besoin.

    Alors, pourquoi est-ce que la plupart des écrans modernes utilisent une fréquence de MLI ne dépassant généralement pas les 240 Hz ? Pourquoi ne pas s'aligner sur les 500 Hz au-delà desquels le clignotement n'est plus perceptible, et rendre l'expérience plus agréable pour tout le monde ? La réponse tient dans un problème que rencontrent les écrans Old : la brûlure, ou burn-in. Vous l'avez peut-être déjà remarqué chez vous : si une image est affichée pendant une très longue période de temps sur votre écran, comme le logo d'une chaîne de télévision ou les boutons de navigation au bas de votre smartphone, elle risque de laisser une trace, une sorte de contour fantôme permanent. C'est le burn-in. On peut apparenter ce phénomène à la persistance rétinienne.

    Préservez vos yeux dans l'obscurité et veillez à ne pas trop les solliciter. © Paolese, Adobe Stock
    Préservez vos yeux dans l'obscurité et veillez à ne pas trop les solliciter. © Paolese, Adobe Stock

    Persistance rétinienne

    Si vous fixez une lampe pendant un certain temps -- ce que je ne vous conseille pas --, son image perdurera sur vos paupières et dans votre champ de vision quand vous en écarterez le regard. Vos récepteurs hyper stimulés par la lumière mettent un moment à revenir à leur état de base. Il en va de même pour les pixels de votre écran, qui peuvent s'épuiser à force d'afficher continuellement la même chose. Pour éviter cela, les fabricants ont tendance à réduire la fréquence de MLI. Ça ne change rien au temps d'éclairage des pixels -- si votre écran est à 80 % de luminosité, ils resteront allumés 80 % du temps --, en revanche, en étirant le cycle, on donne à ces derniers la possibilité de se mettre en arrêt plus longtemps avant de se rallumer.

    Augmenter la fréquence, c'est donc réduire les risques d'inconfort, mais aussi faire clignoter notre pixel plus rapidement et ainsi l'essouffler plus vite. Fun fact : c'est pour cette raison que les économiseurs d'écran ou screensavers ont été inventés. Leur objectif était littéralement de sauver l'écran, de prolonger sa durée de vie lorsque celui-ci était inutilisé, en faisant défiler des animations qui permettaient de balayer l'ensemble de l'écran et de ramener tous les pixels au même état, en quelque sorte. Si les écrans LCD sont très rarement sujet aux problèmes de burn-in, la MLI reste une façon simple et économique de réguler leur luminosité, plutôt que de recourir à un système analogue plus coûteux.

    Soyez attentifs à la fréquence de MLI et au taux de rafraîchissement de l’écran

    Enfin, il semblerait qu'une grande partie des marques ait, à ce jour, peu conscience des problèmes que peuvent entraîner une basse fréquence de MLI. Une première solution consiste donc à contacter votre fabricant préféré. Plus l'information remontera aux oreilles de SamsungSamsung et d'AppleApple, plus il y aura de chance que la technologie s'adapte en conséquence. En attendant, vous pouvez décider de laisser la luminosité de votre smartphone à 100 % en permanence, mais je préférerais vous déconseiller cette solution, en particulier si vous aimez consulter vos notifications au beau milieu de la nuit. Pour limiter l'amplitude du scintillement qui atteint vos yeux, utilisez vos écrans dans des pièces bien éclairées.

    De la même façon qu'une lampe qui clignote se remarque plus dans le noir, un écran avec une fréquence de MLI basse sollicitera beaucoup plus vos yeux dans l'obscurité. Évitez bien sûr les éclairages fluorescents dont le clignotement risque tout bonnement de perturber encore plus celui de votre écran. Ne vous placez pas trop près de votre appareil, pour éviter que votre vision périphérique, plus sensible aux variations de lumière, ne souffre trop du clignotement. Et pour finir, si vous êtes sur le point d'acheter un nouvel appareil, gardez un œil sur la fréquence de MLI et le taux de rafraîchissement de l'écran. Certains smartphones, comme le ThinkPhone de Motorola, offrent par exemple une fréquence bien plus confortable, allant jusqu'à 720 Hz. Du côté des écrans, on retrouve l'ingénieux Eazeye, un moniteurmoniteur qui propose pour sa part d'utiliser la lumière ambiante en guise de rétroéclairage. Et là, à moins de travailler dans une boîte de nuit, le clignotement de votre écran ne devrait plus être alors un souci.

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