Début mai, le robot Opportunity est arrivé au bord du grand cratère Endurance. Profond d'une dizaine de mètres, Endurance est un véritable paradis pour les géologues et scientifiques de la mission, mais c'est aussi un véritable danger pour Opportunity. Les premières photographies envoyées par Opportunity dès son arrivée au bord du cratère sont superbes. Strates rocheuses régulières, damier de pierres agencées comme de véritables dalles sur les pentes du cratère et à sa périphérie, éboulis ou encore petites dunes de sable et de poussière finement sculptées au fond du cratère : le spectacle offert par Endurance est inédit.

au sommaire


    Autour du cratère Endurance…

    Après son arrivée triomphale sur les flancs du cratère, OpportunityOpportunity a commencé à faire le tour de celui-ci. Le robotrobot a analysé une roche baptisée « Pierre du lionlion » par l'équipe de la NASA. Cette roche, différente de celles qui s'offraient alors à la vue du robot, revêtait un caractère particulier. En un sens très ressemblante aux roches analysées par Opportunity dans le cratère Eagle, à cause de sa composition riche en sulfate et des concrétionsconcrétions sphériques qu'elle renferme, la « Pierre du Lion » possède tout de même des différences notables au niveau minéralogique et aussi au niveau de sa couleur. Cette roche pourrait ainsi être antérieure à celles du cratère Eagle. La pierre de 10 centimètres de largeur et 30 centimètres de long a été photographiée par la caméra microscopique du robot, forée et analysée par les instruments du bras robotisé d'Opportunity.
    Son analyse est une excellente nouvelle pour les chercheurs ! En effet, cela augure du mieux pour ce qu'Opportunity pourra découvrir en analysant les roches de l'intérieur du cratère Endurance ; la « Pierre du lion » constitue une nouvelle preuve de l'écoulement passé d'eau liquide dans Meridiani Planum.
    Le robot a procédé à une cartographie minéralogique des affleurementsaffleurements visibles sur les falaises du cratère, de l'hématitehématite (minéralminéral qui se forme en présence d'eau) mais également du basaltebasalte (minéral lié à un évènement volcanique) ont été détectés.


    La "Pierre du Lion" photographiée par la caméra panoramique de Opportunity (crédit : NASA/JPL)

    Un choix décisif pour l'avenir de la mission

    Pendant ce temps, la décision à la NASA n'était cependant pas encore prise concernant le futur de la mission du robot. Opportunity explorera-t-il l'intérieur du cratère Endurance ou restera-t-il en sûreté à l'extérieur ? En s'engouffrant à l'intérieur d'Endurance, l'aventurier électronique court en effet le risque de déraper ou de tomber à la renverse au fond du cratère à cause d'une pente trop raide. Autre risque : celui de mal pouvoir recharger ses batteries, les panneaux solaires inclinés ne pouvant pas recevoir aussi bien qu'avant les rayons du Soleil. Enfin, Opportunity une fois à l'intérieur d'Endurance court le risque de ne pas pouvoir y ressortir... Lorsque le robot a tenté pour la première fois de sortir du cratère Eagle, dix fois plus petit que le cratère Endurance, ses roues ont dérapé sur la pente et Opportunity avait dû reporter sa sortie au lendemain, privilégiant une trajectoire où la pente était plus douce.

    Malgré tous ces risques encourus, après plus d'une semaine de concertation et de délibération au sein de l'équipe de la mission, la décision a été prise : Opportunity explorera l'intérieur du cratère Endurance ! L'agence spatiale américaine a ainsi préféré voir son robot explorer ce cratère riche en informations capitales sur le passé de la planète rouge que de passer son chemin en laissant derrière la communauté scientifique toute une manne d'informations géologiques sans doute exceptionnelles.


    Le cratère Endurance photographié par la caméra de navigation d'Opportunity (crédit : NASA/JPL)

    Opportunity en mode de « sommeil profond »

    Au même moment, Opportunity rencontrait ses premiers signes de vieillesse... Alors que le robot faisait le tour du cratère Endurance et photographiait les alentours, celui-ci avait bien du mal à recharger ses batteries et ses activités journalières étaient très réduites. Le robot se trouvant en effet sur une pente due au cratère Endurance (au niveau de ce que l'on pourrait appeler le « bourlet du cratère », ou l'éjecta), les rayons du Soleil ne frappaient pas aussi directement qu'avant sur les panneaux solaires du robot, lui fournissant moins d'énergieénergie. D'autre part, le chauffage de son bras électronique, ne fonctionnant pas correctement depuis le tout début de la mission, continuait à gaspiller inutilement de l'énergie même en plein jour. Les ingénieurs de la mission ont donc dû faire passer Opportunity en mode de « sommeil profondsommeil profond » durant la nuit pour qu'il préserve son énergie. L'énergie allouée aux systèmes de chauffage des instruments scientifiques a dû être réduite à son strict minimum. Les scientifiques sont inquiets pour le spectromètrespectromètre infrarougeinfrarouge du robot, aussi appelé Mini-TES, qui pourrait être, parmi les six instruments, celui qui souffrira le plus de ce manque de chauffage. Le Mini-TES, situé sur le mât du robot, permet notamment d'identifier à distance les minérauxminéraux constituant les roches observées. C'est donc un instrument décisif pour l'élaboration de la mission, mais son avenir est aujourd'hui compromis. En effet, la température minimale que peut subir l'instrument est de -50°C, or dans la nuit du sol 102 de la mission, la température est descendue à -46°C... Jusqu'à maintenant le spectromètre infrarouge résiste, mais l'hiverhiver qui a déjà commencé à pointer son neznez dans cette région martienne ne facilitera pas le combat que devra servir le Mini-TES à chaque nuit de « sommeil profond ».
    Les nuits de « sommeil profond » sont cependant ponctuelles. Plusieurs nuits de « sommeil profond » ont déjà eu lieu dont la première le 6 juin. C'est maintenant de plus en plus souvent que les ingénieurs sont contraints de mettre Opportunity en mode de « sommeil profond » la nuit.


    Opportunity faisant le tour du cratère Endurance (crédit : NASA/JPL)

    En avant pour le cratère Endurance !

    Malgré tout, Opportunity est rentré dans le cratère Endurance début juin, d'abord à tâtons pour permettre aux ingénieurs d'évaluer les risques. En effet, le robot a déplacé ses six roues à l'intérieur du cratère avant de remonter aussitôt en marche arrière. Cela a permis aux ingénieurs d'évaluer l'adhérence des roues d'Opportunity sur le flanc du cratère et leur dérapage sur le sol. L'expérience a été concluante et Opportunity s'est par la suite engouffré pour de bon dans le cratère. D'autres essais avaient auparavant été menés pour vérifier l'adhérence du sol lors d'une séance de « patinage contrôlé » et sur Terre, des essais ont également été effectués grâce à un robot similaire sur des pentes de 25°. Les contrôleurs de la mission ont défini une trajectoire précise qu'Opportunity suivra lors de sa descente du flanc du cratère. Celle-ci est inclinée de 20° environ, ce qui laisse une marge raisonnable au robot - certaines pentes étant inclinées de plus de 40° !

    Fort de sa connaissance du terrain mais avec plein de prudence et à pas mesuré, Opportunity a donc commencé sa mission dans le cratère Endurance. Le géologuegéologue électronique a analysé et foré le rocher « Tennessee » le 13 juin sur plus de 8 millimètres, un record de profondeur ! Ses instruments scientifiques ont par la suite porté leur attention sur plusieurs stratesstrates rocheuses : spectromètres et caméra microscopique ont permis leur analyse. Dès le 18 juin, l'outil d'abrasionabrasion de roche d'Opportunity (le RAT) a creusé un nouveau trou dans le rocher baptisé « Cobble Hill » par l'équipe de la mission. Deux autres forages ont par la suite été effectués par Opportunity sur les cibles nommées Virginia et London. L'analyse de ces strates rocheuses a montré qu'elles étaient riches en sulfate et en jarositejarosite notamment, ce qui prouve que leur origine est similaire aux roches étudiées dans le cratère Eagle. Ces strates sont consécutives à l'évaporation d'une étendue d'eau salée, preuve que l'eau liquide a bien existé dans la région de Meridiani Planum. Maintenant, s'agissait-il d'une mer ou d'un grand lac ? Quelle quantité d'eau était à l'œuvre dans le passé et quelle a été son histoire ? De nombreuses questions restent en suspend. Le robot Opportunity poursuit vaillamment sa mission à l'intérieur du cratère de 130 mètres de diamètre dans lequel il s'est engouffré au péril de sa vie.


    Le bras électronique d'Opportunity prêt à faire une nouvelle analyse de roche dans le cratère Endurance (crédit : NASA/JPL)