Avant de mourir dans l'atmosphère de Saturne, la sonde Cassini a enregistré des ondes dans le plasma interplanétaire entre Saturne et ses anneaux et surtout la lune Encelade. Un groupe de chercheurs a traduit les fréquences de ces ondes sous forme audible, permettant en quelque sorte d'écouter le chant de Saturne.

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    « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. » Blaise PascalBlaise Pascal écrirait-il toujours cette pensée existentielle s'il était né à l'ère de la radioastronomie et de l'exploration spatiale ? Nous ne le saurons jamais même si nous pouvons raisonnablement penser que oui. Toujours est-il qu'au pied de la lettre, nous savons aujourd'hui que ces espaces, peut-être infinis, sont en réalité bruyants, parcourus en tout sens par des ondes électromagnétiques et même des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles agitant le tissu de l'espace qu'elles font vibrer. Et pour ceux qui feraient remarquer que ces ondes ne sont en réalité pas des ondes sonores, ce que nous pouvons leur concéder, on rappellera tout de même que de telles ondes se sont formées et propagées au moment du Big BangBig Bang dans le plasma du jeune univers observable et que leur mémoire a été gardée par le rayonnement fossile.


    Une présentation des ondes dans le plasma autour de Saturne enregistrées par la sonde Cassini et dont les fréquences ont été transposées dans la bande audible et en comprimant la durée du signal de 16 minutes à 28,5 secondes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA, Jet Propulsion Laboratory

    Une MHD complexe entre Saturne et Encelade

    Toujours est-il aussi qu'une équipe de planétologues spécialisés dans l'étude des plasmas interplanétaires et des magnétosphères de l'université de l'Iowa (États-Unis), celle-là même où a travaillé le célèbre James A. Van Allen,  vient de mettre en ligne une vidéo permettant d'écouter ce que les philosophes grecs pourraient encore appeler un exemple de la musique des sphères (elle accompagne deux publications dans Geophysical Research Letters). En l'occurrence, il s'agit de la traduction dans le domaine sonore audible des ondes se propageant dans le plasma de la magnétosphère de SaturneSaturne, détectées et enregistrées par la défunte sonde Cassini, deux semaines avant sa fin programmée dans l'atmosphèreatmosphère de la géante gazeuse.

    Ces ondes sont le résultat d'interactions magnétohydrodynamiques (MHD) entre Saturne et sa lunelune EnceladeEncelade (et aussi ses anneaux) et donc, comme on va le voir, entre les champs électromagnétiqueschamps électromagnétiques et les ionsions constituant le plasma interplanétaire, étudiés à l'aide de l'instrument Radio Plasma Wave Science (RPWS) qui était à bord de Cassini. On peut concevoir ces interactions comme si une sorte de circuit électrique complexe existait entre ces deux astresastres entre lesquels des courants de charges et d'énergieénergie feraient le va-et-vient. Les ondes radio dans le plasma produites par ces phénomènes sont parentes de celles observées autour de la Terre dans sa ionosphèreionosphère et sa magnétosphère, notamment en relation avec les aurores polairesaurores polaires.

    Il s'agit aussi, entre autres, de manifestations de l'existence des fameuses ondes d'Alfvénondes d'Alfvén, découvertes par le prix Nobel de physiquephysique suédois Hannes Alfvén en couplant les équations de Maxwelléquations de Maxwell de l'électromagnétismeélectromagnétisme avec les équations de Navier-Stokes de l'hydrodynamique.


    Une visualisation des ondes d'Alfvén sur ordinateur. Les flèches indiquent l'orientation d'un champ magnétique et ses lignes de champ variant dans le temps et l'espace alors qu'en jaune sont indiqués les mouvements des particules chargées d'un plasma plongé dans ce champ magnétique. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA, Jet Propulsion Laboratory

    Des ondes pour une électrodynamique cosmique

    Pour lui, la gravitationgravitation n'était pas le seul moteur des phénomènes astrophysiquesastrophysiques et cosmogoniques. Il fallait impérativement prendre en compte les champs magnétiqueschamps magnétiques et la physique des plasmas en utilisant les lois de la magnétohydrodynamique (voir le MOOC de l'Observatoire de Paris à ce sujet). C'est d'ailleurs à Alfvén lui-même que l'on doit, en 1942, le nom de cette discipline scientifique qui décrit le comportement d'un fluide conducteur de courant électriquecourant électrique (liquideliquide ou gazgaz ionisé) en présence de champs électromagnétiques.

    Contrairement aux ondes sonores où sont présentes des variations de pressionpression et de densité au sein des milieux dans lesquels elles se propagent, les ondes d'Alfvén dans un plasma de particules chargées plongées dans un champ magnétique reposent sur des déformations des lignes de champ magnétique (voir la vidéo ci-dessus). On parle d'ailleurs d'ondes de torsionstorsions. La prédiction de l'existence de ces ondes a été confirmée en laboratoire dès 1949 par Lundquist, à partir d'études portant sur du mercuremercure plongé dans un champ magnétique.