Adapter leur communication en émettant des signaux plus faibles pour protéger leurs bébés des prédateurs potentiels, telle est la parade adoptée par des mamans baleines franches de l'Atlantique Nord, selon une étude parue dans la revue Biology Letters


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    Communiquer plus discrètement, c'est la stratégie qui semble être mise en œuvre par les baleines franches de l'Atlantique Nord afin de protéger leurs bébés de prédateurs potentiels comme les orques et certains requins, selon une étude publiée ce mercredi 9 octobre.

    La queue d'une baleine à bosse dans l'océan Pacifique, en juillet 2019. © Luis Acosta, AFP/Archives
    La queue d'une baleine à bosse dans l'océan Pacifique, en juillet 2019. © Luis Acosta, AFP/Archives

    Des signaux acoustiques de plus faible amplitude

    D'après les travaux parus dans la revue Biology letters de la Royal Society, lorsqu'elles ont des bébés, les mères de cette espèce en danger émettent des signaux plus faibles que des femelles en gestation ou que des baleineaux. « Cela suggère que les baleines franches utilisent la dissimulation acoustique lorsque leurs bébés sont les plus vulnérables face à la prédation », soit au cours des trois premiers mois, écrivent les auteurs. Leurs observations, ajoutent-ils, sont cohérentes avec des études réalisées sur des baleines à bosse et sur des baleines franches australes.

    « Les signaux de plus faible amplitude pourraient minimiser le risque de détection (par des prédateurs) tout en permettant la communication mère-bébé », estiment les scientifiques. Les signaux plus faibles seraient détectables dans un rayon d'environ 100 mètres contre un kilomètre pour les signaux plus forts, émis habituellement.

    Avec une population totale autour de 500 individus, les baleines franches de l'Atlantique Nord sont une espèce en danger. À l'instar des autres types de baleines à fanonsbaleines à fanons (groupe des mysticètes), la mortalité des adultes est faible, les orques étant leurs seuls prédateurs. En revanche, celle des bébés, qui peuvent être la proie non seulement d'orques mais aussi de certains requins, est bien plus élevée.

     


    Les baleines boréales, ces incroyables chanteuses

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 8 avril 2018

    Les oiseaux chantent quand arrive le printemps. Les cigales chantent tout au long de l'été. Et les baleines boréales, quant à elles, chantent en plein hiver. Mais le plus surprenant nous est révélé par une récente étude : leur répertoire est étonnamment diversifié et change chaque année.

    La baleine boréale est un animal hors du commun à plus d'un titre. Elle peut vivre jusqu’à 200 ans. Et elle présente les fanons les plus longs. Elle est même capable de briser la glace. Mais ce n'est pas tout. Des enregistrements réalisés par des chercheurs de l'université de Washington (États-Unis) nous révèlent aujourd'hui qu'elle s'impose aussi comme l'un des compositeurs-interprètes les plus prolifiques du monde animal.

    Pas moins de 184 mélodies différentes enregistrées en quatre ans

    « Lorsque nous avons immergé nos hydrophones -- à l'est du Groenland, dans le détroit de Fram --, nous espérions percevoir quelques sons, raconte Kate Stafford, une océanographe de l'université de Washington. Finalement, nous avons enregistré des baleines boréales qui chantaient puissamment, 24 heures sur 24, de novembre à avril. Et elles chantaient non seulement beaucoup, mais aussi beaucoup de chansons différentes. » En quatre ans, pas moins de 184 mélodies ont ainsi été répertoriées.

    Rappelons que pour les mammifères marins, les sons revêtent une importance capitale. Ils les aident à s'orienter, à trouver leur nourriture ou encore à communiquer. Mais les seules autres baleines capables de chanter des mélodies complexes sont les baleines à bosse« Les baleines boréales préfèrent les sons plus libres du jazz », précise Kate Stafford.

    Sur cette carte, l’endroit où les chants des baleines boréales ont été enregistrés par des hydrophones amarrés sous la surface de l’eau. L’endroit n’est accessible en bateau qu’à la fin de l’été. © Kate Stafford, université de Washington
    Sur cette carte, l’endroit où les chants des baleines boréales ont été enregistrés par des hydrophones amarrés sous la surface de l’eau. L’endroit n’est accessible en bateau qu’à la fin de l’été. © Kate Stafford, université de Washington

    De nombreuses questions restent en suspens

    Les chercheurs imaginent ainsi que les chantschants des baleines boréales trahissent une manière qui leur est propre de séduire. Mais de nombreuses questions restent en suspens. Les mâles sont-ils les seuls à chanter ainsi comme c'est le cas chez les baleines à bossebaleines à bosse ? Et surtout, pourquoi tant de diversité dans le répertoire ?

    Selon les chercheurs, les baleines boréales pourraient, comme certains oiseaux -- les vachers ou les sturnelles --, passer d'une chanson à l'autre, car cette variété leur offrirait simplement un avantage évolutif. « Il y a nécessairement une raison », remarque Kate Stafford.

    Malheureusement, les baleines boréales ont choisi de chanter au cœur de l'hiver polaire, lorsque le soleilsoleil ne se lève jamais et que la glace recouvre la quasi-totalité de la mer. Des conditions qui rendent les études difficiles. D'autant que l'espèce vivant dans l'Atlantique nord se trouve en danger critique d’extinction. Il n'en subsisterait aujourd'hui pas beaucoup plus de 200 individus.


    Avant de chanter, les baleines doivent apprendre la grammaire !

    Pendant la période d'accouplementaccouplement, les sérénades des baleines à bosse mâles sonnent majestueusement, et semblent parfaitement improvisées à l'oreille du profane. En réalité, leurs chant est beaucoup plus structuré qu'on le pensait jusque-là, et, pour accroître leur popularité auprès des femelles, les mâles vont jusqu'à copier la partitionpartition du Dom Juan qu'ils côtoient !

    Article de Christophe OlryChristophe Olry paru le 24/03/2006

    Pour écrire leurs chansons, les baleines à bosse alternent des phrasés courts et longs, qu'elles répètent inlassablement. Ainsi, la sérénade la plus longue jamais enregistrée durait près de vingt heures... Mais alors, les baleines à bosse sont-elles des improvisatrices inégalées, ou respectent-elles des codes grammaticaux pour composer ?

    En se basant sur la théorie de l'information - une discipline mathématique étudiant le codagecodage et la transmission de données - et en concevant un programme informatique leur permettant de scinder le chant des baleines en différents motifs, des chercheurs ont établi que ces mammifèresmammifères marins obéissent à un ensemble de règles de grammaire et de syntaxe élaborées.

    Pour aboutir à cet édifiant résultat, les chercheurs ont enregistré à Hawaï les chants de baleines à bosse, les ont coupés en séquences, et ont attribué à chaque motif un symbole. En analysant la complexité et la redondance des motifs, ils se sont efforcés de les décrypter.

    Il ressort de leur étude que les baleines utilisent une syntaxe précise et forment des phrases par combinaison de plusieurs sons, avant de les répéter des heures durant. Evidemment, le chant des baleines n'adopte pas la rigueur linguistique nécessaire à l'idée que l'on se fait d'un vrai langage, mais ce résultat a le mérite de montrer que ces animaux marins utilisent un outil de communication très structuré.

    L'étude parue en ligne dans l'édition de mars 2006 du Journal of the Acoustical Society of America.

    Copier Dom Juan pour mieux séduire...

    Pendant la période d'accouplement, qui s'étend sur près de six mois, toutes les baleines à bosse y vont de leur petit refrain pour attirer les femelles. Dans cette compétition, tous les moyens sont bons, y compris voler la partition de son voisin !

    En effet, les chercheurs se demandaient depuis longtemps pourquoi les chansons des baleines à bosse se déplaçant en groupes devenaient de plus en plus complexes au cours d'une même saisonsaison. L'hypothèse avancée par Ryuji Suzuki, de l'Institut médical Howard Hughes, est la suivante : lorsqu'un mâle parvient à trouver une partenaire, ses congénères imitent le stylestyle de sa chanson pour accroître leur chance de succès.

    Chez les baleines à bosse, les Dom Juan sont donc de vrais petits chefs d'orchestre, et les groupes de mammifères de vraies petites chorales !