Une nouvelle étude suggère que de vastes régions de Mars seraient recouverts d’ignimbrites, des roches témoignant d’éruptions explosives cataclysmiques.


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    Dans le cratère Jezero, le rover PerseverancePerseverance roule depuis plus d'un an sur des roches bien particulières. Ces roches, qui composent une grande partie du socle de la région martienne de Nili Fossae, sont riches en olivineolivine magnésienne. Or, l'olivine est un minéralminéral qui, sur Terre comme sur Mars, est caractéristique du manteaumanteau. En retrouver en surface n'est donc pas anodin et pourrait être significatif de l'occurrence de certains processus volcaniques dans le passé de Mars.

    Ce n'est pas la première fois, cependant, que ce type de roche suscite l'intérêt des scientifiques. En 2005 déjà, Spirit, le rover de la Nasa alors en fonction, rapportait la présence de roches similaires dans le cratère Gusev, une région très éloignée de l'actuelle position de Perseverance.

    Des roches très semblables aux ignimbrites terrestres

    À l'aide de données spectrales infrarouges obtenues à partir de l'orbite martienne, des chercheurs américains ont montré que les roches observées dans les cratères Jezero et Gusev avaient bien la même composition minéralogique. Les deux sites auraient donc connu des événements géologiques similaires.

    Les chercheurs se sont ensuite attelés à comparer ces roches à celles que nous connaissons sur Terre. Leurs résultats, publiés dans la revue Icarus, montrent que la texturetexture et la morphologiemorphologie de ces roches du socle martien sont relativement semblables à celles des ignimbrites terrestres, des roches volcaniquesroches volcaniques typiques produites lors d'éruptions volcaniqueséruptions volcaniques explosives particulièrement violentes. Cette hypothèse est également soutenue par le fait que ces dépôts semblent draper la topographie préexistante.

    Comparaison des roches martiennes observées par Spirit sur Columbia Hills (a,b,c) avec des ignimbrites terrestres, au Chili (d). © Ruff et <em>al.</em>, 2022, Icarus, CC by-nc-nd 4.0
    Comparaison des roches martiennes observées par Spirit sur Columbia Hills (a,b,c) avec des ignimbrites terrestres, au Chili (d). © Ruff et al., 2022, Icarus, CC by-nc-nd 4.0

    Les ignimbrites sont en effet constituées de divers débris de laveslaves (pierres poncesponces, cendres), soudés à chaud après avoir été éjectés du volcanvolcan lors d'une éruption explosiveéruption explosive produisant des nuées ardentesnuées ardentes. Elles témoignent de la présence d'un magmamagma très visqueux et riche en gaz. Ce sont des roches volcaniques assez courantes sur Terre qui forment d'importants dépôts également appelés tuftuf.

    Une planète secouée par des éruptions cataclysmiques

    En raison de la présence d'olivine dans ces roches, cela faisait quelque temps que les scientifiques pensaient que le socle de Nili Fossae était d'origine volcanique. Mais cette nouvelle interprétation suggérant qu'il s'agit d'ignimbrites va plus loin dans la description de l'histoire de Mars. L'ensemble des données laisse en effet penser que les éruptions volcaniques auraient été bien plus cataclysmiques que ce que l'on pensait jusqu'à présent. La Planète rouge aurait ainsi connu au début de son histoire, au Noachien, plusieurs importantes éruptions explosives de ce type, en différents endroits, comme le suggère la présence d'ignimbrite à la fois dans Nili Fossae et dans le cratère Gusev. Ces éruptions très violentes auraient façonné le paysage martien, le recouvrant sur de larges zones de dépôts volcaniques successifs. À titre d'exemple, les ignimbrites recouvrent actuellement une surface de 18.000 km2 dans la région de Nili Fossae. Aucun dépôt de cette envergure n'a été identifié sur Terre.

    Exemple de nuée ardente sur Terre, lors de l'explosion du Merapi (Ile de java). © F. Lavigne
    Exemple de nuée ardente sur Terre, lors de l'explosion du Merapi (Ile de java). © F. Lavigne

    Bien que la ou les sources des ignimbrites martiennes ne soient plus identifiables aujourd'hui, il est probable que de nombreux stratovolcansstratovolcans aient parsemé la surface de la planète. Certains cratères dans la région de Nili Fossae pourraient d'ailleurs être interprétés comme d'anciennes calderascalderas, mais la différenciation avec un cratère d'impact reste difficile.

    La présence d'ignimbrites à la surface de Mars reste à confirmer par l'analyse directe des roches. Pour cela, les scientifiques devront cependant attendre le retour sur Terre des échantillons prélevés par Perseverance, prévu pour 2031.