De nombreuses caractéristiques du Système solaire s'expliquent bien en supposant des migrations des planètes géantes. Elles auraient provoqué un intense bombardement de petits corps célestes dans le Système solaire interne. Il ne s'est peut-être pas produit il y a environ 4 milliards d'années comme le laissaient supposer les roches lunaires du programme Apollo.


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    Les 50 ans du début des alunissages du programme ApolloApollo marquent aussi une étape importante de la révolution de la planétologie qui va de la fin des années 1960 aux années 1980, avec l'essor des missions lunaires, martiennes et vénusiennes et finalement le Grand Tour du Système solaire effectué par les missions Voyager.

    Les échantillons de roches lunaires rapportés sur Terre par les astronautes vont être analysés par les cosmochimistes qui vont mettre en relation les données obtenues avec la connaissance de la topographie lunaire et d'autres informations fournies par l'étude du champ de gravité de notre satellite, ainsi que les premières données sismiques sur l'intérieur de la Lune.

    Les chercheurs vont constater en particulier avec les roches collectées lors des missions Apollo 15, Apollo 16 et Apollo 17 à proximité de grands bassins d'impacts que sont respectivement la Mer des Pluies (Mare Imbrium), la Mer des Nectars (Mare Nectaris) et la Mer de la Sérénité (Mare Serenitatis), que les cosmochronomètres des échantillons donnent tous des âges presque identiques, à savoir entre 4,1 et 3,8 milliards d'années. Ce sont aussi les âges des plus vieilles roches terrestres et des plus vieilles météorites d'origine lunaire retrouvées sur notre Planète bleue.


    Une des vidéos prises par la sonde japonaise Kaguya. Elle survole ici la Mer des Pluies. © JAXA/NH

    Cette découverte était surprenante car en se basant sur d'autres cosmochronomètres, les cosmochimistes étaient arrivés à la conclusion que la Terre, la Lune et les autres planètes principales du Système solaire s'étaient formées au sein d'un disque protoplanétairedisque protoplanétaire il y a environ 4,5 milliards d'années.

    Le Grand bombardement tardif, une question de migrations planétaires

    Tout s'est donc comme si un Grand bombardement tardifGrand bombardement tardif de météorites, comètescomètes et planétésimaux laissés par la formation du Système solaire s'était produit il y a environ 4 milliards d'années. Celui-ci aurait été à l'origine des grands bassins lunaires et aurait fait fondre largement la surface de la Terre, remettant à zéro certains des géochronomètres de sa croûtecroûte. Ce scénario était d'autant plus cohérent que l'on trouve dans celle-ci, et dans des matériaux provenant de son manteaumanteau supérieur, des éléments qui auraient dû s'enfoncer dans le noyau de la Terrenoyau de la Terre lors de sa différenciation. Un apport tardif des éléments platineplatine et or, par exemple, suppose justement la chute de nombreux gros astéroïdesastéroïdes.

    Pour de nombreux géologuesgéologues, cela justifiait de partager l'histoire primitive de la Terre entre deux périodes, l'une appelée HadéenHadéen et s'étendant de la naissance de la Terre à il y a environ 4 milliards d'années, et l'autre appelée ArchéenArchéen qui l'a suivie avant de prendre fin par convention il y a 2,5 milliards d'années. Avant le début de l'Archéen, la surface de la Terre devait alors être très chaude, infernale même, sans océan ni place pour la Vie, au moins au moment du Grand bombardement tardif, comme on a fini par appeler ce qui se serait produit il y a environ 4 milliards d'années.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Ce cataclysme ayant peut-être remis également à zéro de possibles océans et une croûte déjà froide il y a plus de 4 milliards d'années, on pouvait en rendre très bien compte par le fameux « modèle de Nicemodèle de Nice », proposé et développé au début des années 2000 par l'astronomeastronome et planétologue italien Alessandro Morbidelli (de l'observatoire de la Côte d'Azur à Nice). Avec ses collègues Rodney Gomes, Hal Levison et Kleomenis Tsiganis, il avait avancé en 2005 dans un retentissant article du journal Nature qu'une importante migration planétaire avait affecté les planètes géantesplanètes géantes du Système solaire il y a 4 milliards d'années environ. On pouvait de cette façon, non seulement expliquer bien des caractéristiques des orbitesorbites des corps célestes dans le Système solaire, mais aussi justement le Grand bombardement tardif.

    Il y a eu toutefois des critiques concernant la chronologie du Grand bombardement tardif, et donc de celle des migrations planétaires du modèle de Nice, lequel a de plus été complété par la suite par le modèle du Grand virage de bord, le Grand Tack.

    Une datation remise en cause par la ceinture d'astéroïdes

    Ces critiques viennent peut-être de recevoir un nouveau souffle suite à la publication d'un article dans The Astrophysical Journal (également disponible en accès libre sur arXiv) par une équipe internationale de chercheurs en géosciences et planétologie.

    Une des critiques de base est toujours la même, nous ne pourrions toujours pas être sûrs que les datations des roches lunaires ne soient en fait pas biaisées par les éjectas de la mer des Pluies (Mare Imbrium, en latin) qui est la deuxième mer lunaire par sa superficie, après l'Océan des TempêtesTempêtes (Oceanus Procellarum) et surtout la plus grande mer associée à un bassin d'impact (son diamètre étant d'environ 1.123 kilomètres).  

    La Mer des Pluies se serait bien formée il y a environ 4 milliards d'années mais les autres grands bassins d'impact seraient plus anciens. En fait, si tel est le cas, les cratères et les bassins lunaires suivraient bien une loi de décroissance dans le temps, c'est-à-dire que l'intensité du bombardement en petits corps célestes serait bien constamment décroissant depuis environ 4,5 milliards d'années, quelques dizaines de millions d'années après le début de la formation du Système solaire.

    Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont examiné de nombreuses météorites provenant des collisions entre les astéroïdes laissés par cette formation. Ils n'ont pas trouvé de trace d'un nouveau pic de collisions importantes il y a environ 4 milliards d'années. Or, selon le modèle de Nice et du Grand bombardement tardif, celui-ci aurait été une pluie de petits corps célestes en direction du Système solaire interne. On devrait donc voir la trace de cette pluie également sur les astéroïdes et petites planètespetites planètes telles VestaVesta et CérèsCérès dont on a de bonnes raisons de penser que certaines météorites terrestres en sont issues. Par exemple, les météorites HED (pour Howardites-EucritesEucrites-Diogénites) qui forment un sous-groupe des achondritesachondrites, proviendraient de Vesta.

    Selon les chercheurs, on voit bien les traces de ce qui correspondrait au Grand bombardement tardif mais il se serait produit il y a 4,48 milliards d'années tout au plus.

    S'ils ont raison, la découverte est d'importance car elle signifie que des centaines de millions d'années avant le début de l'Archéen à la surface de la Terre, des océans chauds et accueillants pour la Vie pouvaient déjà exister et que cela n'aurait pas changé depuis. Une conclusion évidemment importante pour comprendre les origines de la Vie sur Terre.