L'existence d'étoiles en orbite rapprochée du trou noir supermassif de la Voie lactée pose des problèmes aux astrophysiciens. Mais après des années d'étude de l'une d'entre elles, il apparait probable qu'elle a parcouru des dizaines de milliers d'années-lumière en provenance d'une galaxie naine passée trop près de notre Galaxie.


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    Hubert Reeves n'est malheureusement plus avec nous pour nous parler du trou noir supermassif de notre Voie lactée, celui que nous avons d'abord détecté sous la forme d'une source radio nommée Sagittarius A*Sagittarius A* au centre de notre Galaxie. Dans la vidéo ci-dessous, il nous expliquait que ce centre s'était longtemps dérobé à nous du fait des nuagesnuages de poussières absorbant la lumière visible des étoiles mais que, par la suite, les observations faites dans l'infrarougeinfrarouge avaient permis de voir des étoiles sur des orbitesorbites elliptiques autour d'une région de si petite taille et si peu lumineuse qu'il fallait en déduire la présence d'une massemasse importante, obscure et précisément rassemblée dans le volumevolume qu'on attendrait de la théorie des trous noirs pour une masse d'un peu plus de 4 millions de fois celle du SoleilSoleil.

    L'étude des mouvementsmouvements des étoiles en orbite proche de Sagittarius A* a donné lieu à l'attribution du prix Nobel de PhysiquePhysique 2020 à Andrea Ghez et Reinhard Genzel. Les astrophysiciensastrophysiciens continuent de s'intéresser aux étoiles aux abords de notre trou noir supermassif comme on peut le voir avec un article en accès libre sur arXiv et que l'on doit à une équipe internationale de chercheurs dirigée par l'astrophysicien Shogo Nishiyama de la Miyagi University of Education au Japon.


    Un extrait du documentaire associé au projet de multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine, Du Big Bang au Vivant. Jean-Pierre Luminet et Hubert Reeves nous parlent ici des trous noirs, mais bien d'autres sujets sont abordés sur le site. © Groupe ECP

    Des étoiles en orbite autour du trou noir à l'origine énigmatique

    L'existence des étoiles très proches de Sagittarius A*, et qui ont été étudiées par Ghez, Genzel et leurs collaborateurs, pose un problème simple. Les forces de maréeforces de marée du trou noir sont si intenses qu'elles ne permettent pas d'imaginer la formation de ces étoiles par effondrementeffondrement gravitationnel dans des nuages de gazgaz dans l'environnement du géant. Elles sont forcément nées ailleurs et ont ensuite été capturées par la gravitégravité de l'astreastre compact.

    Shogo Nishiyama et ses collègues nous parlent aujourd'hui des conclusions tirées des observations de l'étoile S0-6, menées avec le télescopetélescope Subaru (à Hawaï) pendant huit ans.

    Située à seulement 0,3 seconde d'arcseconde d'arc de Sagittarius A*, l'étoile S0-6 a une composition chimique qui indique qu'elle s'est formée il y a environ 10 milliards d'années, quand la Voie lactée était plus pauvre en éléments lourds, éléments qu'ont synthétisés par la suite bien des étoiles massives explosant ensuite en supernovaesupernovae, supernovae dispersant ces éléments dans la Galaxie où ils ont été incorporés dans des nuages formant de nouvelles étoiles.

    Enfin, la détermination de la composition de S0-6 suggère qu'elle est très similaire à celles d'étoiles trouvées dans les petites galaxies en dehors de la Voie lactée, telles que le Petit Nuage de MagellanPetit Nuage de Magellan et la galaxie naine du Sagittaire.

    La région centrale de la Voie lactée telle que capturée par le télescope Subaru. L'image montre de nombreuses étoiles dans un champ de vision d'environ 3 secondes d'arc. L'étoile S0-6 (cercle bleu), objet de cette étude, est située à environ 0,3 seconde d'arc du trou noir supermassif Sagittarius A* (Sgr A*, cercle vert). © <em>Miyagi University of Education</em>/NAOJ
    La région centrale de la Voie lactée telle que capturée par le télescope Subaru. L'image montre de nombreuses étoiles dans un champ de vision d'environ 3 secondes d'arc. L'étoile S0-6 (cercle bleu), objet de cette étude, est située à environ 0,3 seconde d'arc du trou noir supermassif Sagittarius A* (Sgr A*, cercle vert). © Miyagi University of Education/NAOJ

    Cela conduit tout naturellement au scénario suivant. On sait qu'au cours de son histoire, la Voie lactée a phagocyté des petites galaxies naines ou simplement des courants d'étoiles arrachées par ces forces de marée de galaxies passées trop près d'elles. On peut donc penser que la théorie la plus probable pour expliquer la composition de S0-6 est qu'elle serait née dans une petite galaxie aujourd'hui éteinte en orbite autour de la Voie Lactée qui aurait été absorbée par elle. Il s'agirait alors de la première preuve observationnelle que certaines des étoiles situées à proximité de Sagittarius A* se sont formées en dehors de la Galaxie.