C’est un scénario classique dans le modèle cosmologique standard, les grandes structures galactiques se forment après les plus petites. Pourquoi alors observe-t-on des gros amas de galaxies relativement tôt dans le cosmos observable comme El Gordo ? La réponse vient peut-être de fluctuations quantiques pendant le Big Bang.


au sommaire


    C'est un résultat classique concernant la résolutionrésolution de l'équation de Schrödinger pour un électron dans un atome ou dans une boîte de potentiel pour reprendre le jargon des physiciensphysiciens : une onde de matière confinée par une force dans une région finie de l'espace dote la particule associée à cette onde de niveaux d'énergie discrets. Pour Schrödinger, cela suggérait que les ondes de matière dans une solution des équations d'EinsteinEinstein avec un espace clos, notamment sous la forme d'une sphère, devaient aussi manifester un état discret d'énergie, tout simplement se retrouver sous la forme d'une particule de massemasse donnée. Cela permettait donc peut-être de rendre compte de l'atomicité des électrons et des nucléonsnucléons, les particules de matière connues dans les années 1930. Cela ne serait pas le cas dans un universunivers infini, les ondes de matière n'y étant pas confinées dans une région finie spatialement.

    Aussi décida-t-il en 1939 de regarder cette question de plus près, ce qui l’a conduit, le premier, à découvrir la création de particules de matière dans des espaces-temps courbes en expansion. Des années 1960 aux années 1980, la question du comportement en espace-tempsespace-temps courbe des champs quantiques va être reprise par plusieurs chercheurs, en tout premier lieu Leonard Parker, mais aussi par Viatcheslav Mukhanov et Gennady Chibisov qui au début des années 1980, alors qu'ils étaient en poste à l'Institut de physiquephysique Lebedev à Moscou, ont exposé une théorie faisant naître les galaxiesgalaxies et les grandes structures les rassemblant à partir de fluctuations quantiques dans les champs de matière et de force au tout début du Big BangBig Bang.


    Stephen Hawking et Mukhanov sont arrivés indépendamment à des conclusions similaires sur la naissance des galaxies à partir de fluctuations quantiques pendant le Big Bang. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © BBVA Foundation

    Des trous noirs primordiaux aux amas de galaxies

    Ces fluctuations, notamment dans le cadre de la théorie de la cosmologiecosmologie inflationnaire qui se développait à ce moment-là et qui faisait intervenir une phase d'expansion extraordinairement rapide mais tout aussi courte de l'espace au début du Big Bang, allaient produire des fluctuations dans la densité de matière. Fluctuations qui, en s'effondrant gravitationnellement, pouvaient donc donner des galaxies mais aussi des trous noirstrous noirs primordiaux de plusieurs tailles, aussi petits qu'une montagne ou nettement plus gros que le SoleilSoleil.

    Bien que la question soit encore ouverte, le scénario de la génération des grandes structures galactiques et même de la matière à partir d'effets quantiques au début du Big Bang est accepté dans les grandes lignes par la communauté des cosmologistes et on peut presque dire qu'elle fait partie du modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard, bien qu'elle reste à être vraiment confirmée et sous une forme bien précise. Les analyses des observations du rayonnement fossile par le satellite Planck donnent cependant de forts arguments quant à ce scénario.

    C'est donc un thème de travail courant depuis des décennies et c'est dans ce cadre que s'inscrit un article publié il a quelque temps cette année dans Physical Review Letters, par des chercheurs de l'Institut Niels-Bohr, de l'Université Autónoma de Madrid et du CNRS Université de Paris. L'article est en accès libre sur arXiv.

    Les physiciens derrière ce travail se posaient à nouveau des questions sur la génération de trous noirs primordiaux. En effet, les premiers trous noirs détectés par leurs émissionsémissions d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles par LigoLigo, en 2015, directement sur Terre étaient étonnamment massifs. On s'attendait à mesurer des masses d'une dizaine de masses solaires tout au plus, en accord avec les trous noirs connus dans des systèmes binairessystèmes binaires et initialement détectés par les émissions de rayons Xrayons X des disques d'accrétiondisques d'accrétion de matière les entourant. Pouvait-on en fait expliquer les trous noirs massifs indirectement mis en évidence par les détecteurs d'ondes gravitationnelles Ligo et VirgoVirgo en les interprétant comme des trous noirs primordiaux et pas des trous noirs venant de l'effondrementeffondrement d'étoilesétoiles ? Ces trous noirs seraient alors des fluctuations de densité issues des fluctuations quantiques qui se seraient effondrées gravitationnellement pendant le Big Bang, alors que le cosmoscosmos observable était encore très dense.


    Cette vidéo montre l'amas de galaxies en fusion distant ACT-CL J0102−4915. Il combine des images prises avec le Very Large Telescope de l'ESO avec des images du télescope SOAR et des observations de rayons X de l'observatoire de rayons X Chandra de la Nasa. L'image en rayons X montre le gaz chaud dans le cluster et est représenté en bleu. Cet amas de galaxies récemment découvert a été surnommé El Gordo - le « gros » en espagnol. Il se compose de deux sous-amas de galaxies distincts entrant en collision à plusieurs millions de kilomètres à l'heure, et est si éloigné que sa lumière a voyagé pendant sept milliards d'années pour atteindre la Terre. © ESO, SOAR Nasa

    Une nouvelle physique ou une physique quantique bien comprise ?

    Les chercheurs sont alors tombés sur un résultat inattendu, en plus de pouvoir rendre compte de ces trous noirs en faisant intervenir tout à la fois la présence de ce que l'on appelle des fluctuations non gaussiennes et un processus dit de diffusiondiffusion quantique dans les fluctuations quantiques primordiales, on pouvait faire naître précocement à partir de ces ingrédients de grands amas de galaxiesamas de galaxies qui jusqu'à présent rendaient les cosmologistes perplexes.

    C'est en particulier le cas d'un amas bien connu surnommé El Gordo - le « gros » en espagnol. Il s'agit en fait de deux sous-amas distincts en train d'entrer en collision à une vitessevitesse de plusieurs millions de kilomètres à l'heure et qui ont été étudiés aussi bien avec le très grand télescopetélescope (VLTVLT) de l'ESOESO, situé dans le désertdésert d'Atacama au Chili, que par l'Observatoire en rayons X de la NasaNasa ChandraChandra, comme l'expliquait un communiqué de l'ESO il y a plus d'une décennie. À cette époque, l'astronomeastronome Felipe Menanteau, de la Rutgers University aux États-Unis, expliquait : « Cet amas est le plus massif, le plus chaud et celui qui émet le plus de rayons X de tous les amas observés jusqu'à présent à cette distance ou au-delà. Nous voulons voir si nous comprenons comment se forment ces objets extrêmes en utilisant les meilleurs modèles cosmologiques actuellement en vigueur. »

    La découverte de plusieurs amas aussi massifs tôt dans l'histoire du cosmos observable alors qu'ils auraient dû se former plus récemment était un potentiel problème pour le modèle cosmologique standard comme c'est le cas pour la découverte de grandes galaxies quelques centaines de millions d'années seulement après le Big Bang d'après les observations du James-Webb.

    Mais peut-être ne faut-il pas remettre en cause ce modèle standardmodèle standard, par exemple en supprimant la matière noirematière noire et en la remplaçant par une modification de la théorie de la gravitationgravitation dans le cadre de la théorie Mondthéorie Mond.

    Comme le montre le travail aujourd'hui publié, la solution est peut-être simplement la prise en compte correcte des effets des fluctuations quantiques des champs pendant le Big Bang.