Situé dans la Voie lactée, le pulsar PSR J1023+0038 déroutait les astrophysiciens qui observaient des fluctuations de luminosité jamais vues pour ces étoiles à neutrons. La clé de l'énigme a été trouvée en combinant des observations de plusieurs télescopes qui ont révélé ce que l'on peut appeler des « coups de canon cosmiques » en rapport avec le disque d'accrétion et les jets de matière associés à ce pulsar.


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    Comme Futura l'avait expliqué dans un précédent article, on peut dire que les plus grandes découvertes en physique théorique de Robert Oppenheimer sont celles qu'il a faites en 1939 en posant les socles sur lesquels les théories des étoiles à neutrons et celle de l'effondrement gravitationnel conduisant à la formation d'un trou noir seront construites à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Il s'agit des articles écrits en collaboration avec ses étudiants de l'époque : On Massive Neutron Cores, avec Georges Volkoff (inspiré par les idées du mythique physicienphysicien russe Lev Landau), et On Continued Gravitational Contraction avec Hartland Snyder.

    Malheureusement, Oppenheimer n'a pas vécu assez longtemps pour voir la découverte des pulsars en 1967, découverte que l'on doit à la radioastronome Jocelyn Bell alors qu'elle était en thèse avec Antony Hewish (ce qui l'aidera à obtenir le prix Nobel de physique en 1974 avec Martin Ryle, mais sans inclure Jocelyn Bell - ce qui fut à l'origine d'une controverse ayant des échos encore de nos jours). On comprit rapidement que ces sources radio périodiques étaient précisément des étoiles à neutrons (voir des explications à ce sujet dans la vidéo ci-dessous).

    Oppenheimer ne pouvait sans doute pas se douter non plus que les pulsars milliseconde, dont on fera ultérieurement la découverte, pouvaient être utilisés pour détecter les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles des collisions de trous noirs supermassifs. Ondes dont on a peut-être fait la découverte grâce aux membres de l'International Pulsar Timing Array (IPTA) regroupant des chercheurs utilisant les données prises depuis environ 15 ans avec plusieurs dizaines de radiotélescopes sur la Planète. Parmi eux, il y a des radioastronomes français utilisant le fameux radiotélescope de Nançay, dans le cadre de l'European Pulsar Timing Array (Epta).


    Un pulsar est une étoile à neutrons qui émet des faisceaux de rayonnement qui balayent la ligne de visée de la Terre. Comme un trou noir, c'est un point final à l'évolution stellaire. Les « impulsions » de rayonnement de haute énergie que nous voyons d'un pulsar sont dues à un désalignement de l'axe de rotation de l'étoile à neutrons et de son axe magnétique. Les pulsars semblent pulser de notre point de vue parce que la rotation de l'étoile à neutrons fait que le faisceau de rayonnement généré dans le champ magnétique entre et sort de notre champ de vision avec une période régulière, un peu comme le faisceau de lumière d'un phare. Le flux de lumière est, en réalité, continu, mais pour un observateur éloigné, il semble clignoter et s'éteindre à intervalles réguliers. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard Space Flight Center

    Certains pulsars ne donnent pas seulement lieu à des émissionsémissions détectables dans le domaine radio ou celui des rayons Xrayons X. Un cas est aujourd'hui sur le devant de la scène via un communiqué de l'Observatoire européen austral (ESOESO) qu'accompagne un article publié dans Astronomy & Astrophysics.

    Il s'agit de PSR J1023+0038, ou J1023 en abrégé, un pulsar connu pour son comportement étrange et énigmatique, à savoir qu'il oscille presque constamment entre deux modes de luminositéluminosité, que l'on a observé à environ 4 500 années-lumièreannées-lumière du Système solaireSystème solaire dans la Voie lactée en direction de la constellationconstellation du SextantSextant.

    Des boulets de canon cosmiques lancés en quelques dizaines de secondes

    On comprend aujourd'hui, après avoir combiné des observations de 12 télescopestélescopes au sol et dans l'espace, dont trois de l'ESO, que ce comportement est le fruit d'éjections répétées de paquetspaquets de matièrematière issues du disque d'accrétiondisque d'accrétion du pulsar qui est en orbiteorbite autour d'une étoile dont il arrache du gazgaz et du plasma au moyen de ses forces de maréeforces de marée gravitationnelles.

    C'est en effet ce qu'explique dans le communiqué de l'ESAO Maria Cristina Baglio, chercheuse à la New York University Abu Dhabi, affiliée à l'Institut national italien d'astrophysiqueastrophysique (Inaf), et autrice principale de l'article publié : « Nous avons été témoins d'événements cosmiques extraordinaires au cours desquels d'énormes quantités de matière, semblables à des boulets de canon cosmiques, sont lancées dans l'espace en seulement quelques dizaines de secondes à partir d'un petit objet céleste dense tournant à des vitessesvitesses incroyablement élevées. »


    Cette animation d'artiste montre le pulsar PSR J1023+0038 en train de dérober du gaz à son étoile compagne. Ce gaz s'accumule dans un disque autour du pulsar, tombe lentement vers lui et est finalement expulsé dans un jet étroit. En outre, un vent de particules s'éloigne du pulsar, représenté ici par un nuage de très petits points. Ce vent entre en collision avec le gaz en fusion, le réchauffe et fait briller le système dans les rayons X, les ultraviolets et la lumière visible. Finalement, des masses de gaz chaud sont expulsées via le jet, et le pulsar revient à son état initial, plus faible, répétant ainsi le cycle. Ce pulsar a été observé comme passant sans cesse d'un état à l'autre toutes les quelques secondes ou minutes. © ESO, M. Kornmesser

    Initialement, les astrophysiciensastrophysiciens étaient déroutés par J1023 par le fait qu'il passait en quelques secondes d'un mode dans lequel l'astreastre compact émet des rayons X, des ultravioletsultraviolets et de la lumière visible à un mode où il est plus faible à ces fréquencesfréquences et émet davantage d'ondes radio, comme l'explique le communiqué de l'ESO.

    C'est pourquoi au cours de deux nuits de juin 2021, en espérant mieux comprendre de quoi il en retournait, ils ont pointé vers le pulsar les instruments du Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) et du New Technology TelescopeNew Technology Telescope (NTT) de l'ESO pour faire des observations dans le visible et le proche infrarougeinfrarouge, observations complétées par celles dans le domaine radio accessible à l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma). Les astronomesastronomes ont observé le pulsar effectuer plus de 280 basculements entre ses modes haute et basse luminosité.


    Grâce à une campagne d'observation remarquable impliquant 12 télescopes au sol et dans l'espace, dont trois de l'ESO, les astronomes ont découvert l'étrange comportement d'un pulsar, une étoile morte tournant à très grande vitesse. Cette vidéo résume la découverte. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © M. Kornmesser, ESO, Angelos Tsaousis, UHD Team, C. Malin (christophmalin.com), Theofanis Matsopoulos

    Le communiqué de l'ESO explique que la solution de l'énigme du comportement du pulsar PSR J1023+0038 peut se résumer de la façon suivante : « dans le mode bas, la matière qui s'écoule vers le pulsar est expulsée dans un jet étroit perpendiculaire au disque. Progressivement, cette matière s'accumule de plus en plus près du pulsar et, à ce moment-là, elle est frappée par le ventvent soufflant de l'étoile pulsante, ce qui provoque un échauffement de la matière. Le système se trouve alors dans un mode élevé, rayonnant fortement dans les rayons X, les ultraviolets et la lumière visible. Le pulsar finit par évacuer ces massesmasses de matière chaude par l'intermédiaire du jet. Avec moins de matière chaude dans le disque, le système brille moins fort et repasse en mode bas ».