Une semaine après le succès de l’essai à feu du premier étage à Kourou, l’Agence spatiale européenne vient d’annoncer que le premier vol d’Ariane 6 est prévu entre le 15 juin et le 31 juillet 2024. Il reste encore quelques tests additionnels à réaliser d’ici là. Un second vol est prévu d’ici fin 2024.


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    Fumée blanche ! L'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) a enfin annoncé une date pour le tir inaugural d'Ariane 6Ariane 6. Ce sera entre le 15 juin et le 31 juillet 2024. Cette fenêtrefenêtre reste volontairement large. Le directeur général de l'ESA, Josef Aschbacher, a d'ailleurs précisé que ce calendrier tiendra la route seulement si le reste des étapes se déroule bien. Mais le plus dur semble désormais derrière nous.

    Succès total de l’essai à feu

    Il y a une semaine, le 23 novembre, les équipes du Centre spatial guyanais (CSG) nous donnaient rendez-vous pour le test le plus critique et parmi les plus complexes de tout le développement du lanceur : le CTHF (Combined Hot-Firing Test). Ce test faisait suite à d'autres essais combinés au CSG. Pendant près de sept minutes, le moteur Vulcain 2 de l'étage principal cryogénique a rugi sur le pas de tir ELA4. La fuséefusée de test Ariane 6 est bien restée amarrée au sol. L'essai à feu peut être vu ou revu en ligne.

    Replay du live de l'ESA du CTHF, test clé pour la qualification d'Ariane 6. © ESA

    Lors du CTHF, la mise à feu du moteur Vulcain devait durer initialement 470 secondes. Cela a, in fine, duré 426 secondes à cause d'un capteurcapteur qui semblait défectueux. Tony Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l'ESA, a précisé que dans le cas d'un véritable décollage, la mise à feu aurait été annulée automatiquement pour réparer ce problème ultérieurement.

    Après une première analyse des données, Josef Aschbacher et les directeurs des partenaires de ce test important (Martin Sion pour ArianeGroup, maître d'œuvremaître d'œuvre du lanceur, et Philippe Baptiste pour le Cnes, maître d'œuvre du pas de tir et des systèmes sol) ont conclu en conférence de presse que le CTHF était un succès total. Il reste encore beaucoup de données à analyser, mais Josef Aschbacher déclare qu'on a « stabilisé les soucis techniques ». Il reconnaît d'ailleurs qu'il a fallu avoir un changement de management au sein de l'ESA et d'ArianeGroup pour résoudre cette crise. Aschbacher a également fait un mea culpa sur la communication publique - certes déplorable - à propos d'Ariane 6.

    Ariane 6 sur son pas de tir peu avant l'essai à feu complet. © ESA
    Ariane 6 sur son pas de tir peu avant l'essai à feu complet. © ESA

    La route vers le vol inaugural

    L'ESA a détaillé deux étapes restantes avant la qualification du lanceur donnant le feu vert pour un premier vol. Le premier est prévu le 7 décembre prochain, sur le banc d'essai de Lampoldshausen, en Allemagne. Il s'agit d'un essai à feu de l'étage supérieur en conditions dégradées. Un premier essai à feu en conditions nominales s'était bien déroulé le 1er septembre. Martin Sion précise que ce nouveau test servira à mieux définir les marges de sécurité. Le test servira aussi à tester le comportement de l'étage supérieur dans le cadre de différentes missions. En effet, l'étage supérieur doit être en mesure de desservir à la fois l'orbite basse en plaçant une constellation satellite, et aussi l'orbite géostationnaireorbite géostationnaire en suivant la routine de livraison de deux satellites de télécommunication mis en place avec Ariane 5Ariane 5.

    C'était un autre test clé pour qualifier Ariane 6 : l'essai à feu de l'étage supérieur, testant à la fois le moteur Vinci et l'APU (unité auxiliaire de puissance) assurant la réallumabilité du moteur. © ESA, ArianeGroup, DLR, Hill Media

    Un autre test est prévu le 15 décembre sur le pas de tir au CSG : le CTLO3 - Combined Test Loading. Il simulera une fois de plus une chronologie complète du lancement qui se terminera par une brève mise à feu du moteur Vulcain 2. À l'issue de l'analyse de ces derniers tests additionnels, la revue de qualification finale du lanceur pourra s'achever « vers la fin avril », précise Martin Sion. Cette ultime revue donnera le feu vert au lancement de la campagne de tir, qui débutera entre fin mai et mi-juin.

    Le modèle de vol d'Ariane 6 sera acheminé à Kourou, en février, par le nouveau cargo hybridehybride CanopéeCanopée d'ArianeGroup. Une partie des composants, dont les coiffes et les boostersboosters, sont déjà sur place. Un essai de remplissage et de drainagedrainage des réservoirs d'ergolsergols (oxygèneoxygène et hydrogènehydrogène liquidesliquides) est prévu au cours de cette campagne.

    Quelle suite après le vol inaugural ?

    Aucun essai à feu supplémentaire n'est prévu après le vol inaugural s'il se déroule bien. Ce dernier est un vol test qui qualifiera au vol Ariane 6. Le suivant sera donc le premier vol Ariane 6 commercial. Il est prévu vers fin 2024 en cas de succès, avec comme passager le satellite de reconnaissance français CSO-3. Toutefois, la cadence des vols n'augmentera pas aussi rapidement que prévu. Dans un premier temps, ArianeGroup ne sera pas en état de produire plus de neuf fusées par an. Le fameux « Ramp-up » industriel, permettant d'atteindre la cadence de 12 vols par an, est prévu à partir du 16e vol d'Ariane 6, en 2026 au plus tôt.

    Stéphane Israël, directeur général d'ArianespaceArianespace, filiale d'ArianeGroup qui commercialise Ariane 6 et VegaVega-C, a précisé que 28 vols Ariane 6 ont été réservés, à la fois institutionnels et commerciaux. Comme gros client, il y a notamment Amazon qui a réservé 18 vols Ariane 6 pour déployer une partie de sa mégaconstellation Kuiper d'ici 2026. Si ces vols sont retardés, AmazonAmazon risque de perdre sa licence d'utilisation des fréquencesfréquences. Mais Stéphane Israël se veut rassurant sur la capacité de tenir la cadence.

    Amazon a réservé quatre lanceurs pour déployer la première moitié de sa megaconstellation Kuiper (plus de 3 000 satellites) : Atlas V et Vulcan de ULA, New Glenn de Blue origin, et Ariane 6. Mais, ni Ariane 6, ni Vulcan, ni New Glenn ne sont prêtes ! © ArianeGroup, Blue Origin, ULA
    Amazon a réservé quatre lanceurs pour déployer la première moitié de sa megaconstellation Kuiper (plus de 3 000 satellites) : Atlas V et Vulcan de ULA, New Glenn de Blue origin, et Ariane 6. Mais, ni Ariane 6, ni Vulcan, ni New Glenn ne sont prêtes ! © ArianeGroup, Blue Origin, ULA

    Enfin, a été posée la question de la compétitivité d'Ariane 6 (notamment face à SpaceXSpaceX). Au sommet de Séville, il a été décidé d’octroyer un soutien financier public de 340 M€ par an du vol 16 au vol 42 (ArianeGroup touche déjà 120 M€ sur la période allant jusqu'au vol 15). En contrepartie, ArianeGroup a demandé à ses fournisseurs de réduire de 11 % en moyenne leurs coûts de production. La chaîne est assez touchée par l'inflation.


    Ne ratez pas ce soir le test le plus impressionnant pour Ariane 6 !

    Article de Daniel ChrétienDaniel Chrétien, publié le 23/11/2023

    C'est probablement l'essai le plus important de tout le développement d'Ariane 6. Ce soir, à 21 h 10 heure française, le premier étage de la fusée européenne sera testé avec un essai à feu de son moteur pendant huit minutes. Ce puissant test clé sera retransmis sur la chaîne ESA TV en direct sur YouTubeYouTube.

    Enfin, vient ce moment tant attendu dans le développement d'Ariane 6, lourde fusée européenne prenant la relève d'Ariane 5. Le développement du lanceur a pris tellement de retard que l'Europe se retrouve désormais, d'ici le tir inaugural, sans aucun lanceur disponible pendant les prochains mois. Ce n'est d'ailleurs qu'à l'issue de cet essai, s'il est réussi, que l'Agence spatiale européenne (ESA) prendra le risque d'annoncer une date, ou plus précisément une fenêtre de tir, du vol inaugural en 2024.

    L'essai a feu sera retransmis sur ESA web TV à partir de 21 h 10 sur YouTube.

    Suivez la mise à feu ici ! © ESA

    Huit minutes enflammées !

    Il a fallu batailler pour obtenir de l'ESA cette retransmission, qui n'était pas souhaitée par l'agence et ses partenaires au départ. Le Live sur ESA TV débutera 20 minutes avant la mise à feu. Mais la préparation a déjà débuté : cette nuit, les équipes ont préparé le système de pressurisation à l'héliumhélium du lanceur. Ce système mettra sous pressionpression les réservoirs d'hydrogène liquide et d'oxygène liquide dans les réservoirs, afin que ces carburants soient acheminés avec un très haut débitdébit dans la chambre de combustionchambre de combustion du moteur Vulcain.

    La mise à feu du moteur Vulcain 2.1 durera 470 secondes, duréedurée correspondant à l'utilisation usuelle du corps central de l'étage principal cryogénique d'Ariane 6 pendant un vol lambda. Elle sera exécutée en suivant une chronologie identique à celle d'un lancement, incluant notamment le remplissage des réservoirs, le suivi des opérations au centre de contrôle, la revue « Go/No-go » de tous les systèmes donnant l'ultime feu vert au décollage, la mise à feu, et la vidange du lanceur. C'est pour cela que ce test n'est pas seulement celui du moteur ou du lanceur, mais aussi de tous les équipements du pas de tir et du site de lancement.

    Le lanceur restera bien amarré au sol pour le test, et les boosters à poudre ne seront pas mis en marche. En tout, près de 150 tonnes de carburant seront consommées. De la combustion des deux, ne ressortiront que des particules d'eau, formées à partir de l'hydrogène et de l'oxygène.

    Bientôt le vol

    L'essai à feu avait été reporté plusieurs fois ces derniers mois, à la suite de soucis avec des équipements du pas de tir. Puis, le système de contrôle de direction de la poussée a dû être remplacé. Le moteur a également été allumé plusieurs fois. Après ce test, il restera encore un essai à feu du second étage d'Ariane 6 en conditions dégradées sur le site de Lampoldshausen, en Allemagne. Prévu d'ici la fin de l'année, ce test n'est pas crucial étant donné que celui en conditions nominales est déjà un succès. La route vers le tir inaugural devient plus claire !