Dans une interview au quotidien allemand Financial Times Deutschland le Président d'EADS Space Transportation veut geler le projet de développement de la version 12 tonnes d'Ariane 5 (Ariane 5 ECB) faute d'un marché suffisant. Cette décision est pleine de bon sens mais ne se justifie pas seulement par un marché atone, voire en récession pour les satcom, le cœur de cible d'Arianespace. D'autres facteurs entrent en jeu et à y réfléchir sont tout aussi pertinents.

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    Ariane 5 10 tonnes (ECA)

    Ariane 5 10 tonnes (ECA)

    Outre la pénurie de satellites à lancer, l'offre de service de lancement paraît aujourd'hui disproportionnée. ArianespaceArianespace qui détient, bon an mal an, plus ou moins 50% du marché des lancements commerciaux est confronté au retour en force des fuséesfusées américaines, telles que les Atlas V et Delta IV et la Russie renforce sa présence et sa compétitivité sur le marché occidental dont elle est plus ou moins exclue si ce n'est à travers des partenariats (Sea LaunchSea Launch). Enfin, le Japon, l'Inde et la Chine, deux puissances émergentes, affichent leurs ambitions en accélérant le développement de leurs fusées nationales.

    Aujourd'hui, la version 10 tonnes, ou Ariane 5Ariane 5 ECA, répond aux besoins du marché et même si l'on se projette à échéance de 5 à 10 ans. A la différence de la version 10 tonnes, la version 12 tonnes est équipée d'un étage supérieur cryogénique équipé du moteur éprouvé Vinci capable de 6 heures de vol balistique et jusqu'à 4 rallumages.

    La version 12 tonnes d'Arianespace a été pensée dans les années 80 et se destinait au marché des très gros satellites et celui des missions doubles de façon à minimiser les coûts de lancements. Les études de marché qui laissaient entrevoir l'avènement des très gros satcoms et un foisonnement de constellation de satellites en orbite basse sont aujourd'hui obsolètes. Cette même version trouvait également sa justification dans le programme Hermès, (projet d'avion spatial européenavion spatial européen), aujourd'hui abandonné.

    Cette décision du Président d'EADSEADS Space Transportation était en filigrane dans la déclaration de l'ancien DG de l'ESAESA, Mr Rodotá, qui à la suite de l'échec du premier lancement de version ECA déclarait qu'il fallait finaliser au plus vite la mise au point de cette version, il en allait de la crédibilité de l'industrie européenne et de la pérennité d'Arianespace sur le marché des lancements commerciaux, et de stopper purement et simplement tout travail de développement sur la version ECS tant que la version 10 tonnes n'était pas qualifiée. Soulignons qu'à la demande de clients, Arianespace doit procéder à deux vols de qualification de la nouvelle version de son lanceurlanceur lourd Ariane 5 ECA. Ces derniers souhaitent s'assurer de sa fiabilité avant de lui confier leurs satellites. Le premier vol de démonstration a été réussi en février 2005 avec le lancement de l'Ariane 5 ECA (V 164).

    EADS est une société industrielle dont le but est de faire des bénéfices et s'il n'y a pas une volonté politique en Europe pour desservir ISSISS ou pour se rendre de façon autonome vers la LuneLune ou Mars, la firme européenne n'a aucune raison d'investir dans un domaine où il n'y a pas de marché.

    Bref, EADS semble s'orienter vers les vols spatiaux. Plusieurs programmes qui couvrent les vols automatiques et la phase de rentrée atmosphérique témoignent de cette stratégie. On pense à PhoenixPhoenix, le démonstrateurdémonstrateur de Hopper, un système de transport spatial réutilisable pensé par EADS ST ou encore à la capsule IRDT, un programme mené en collaboration avec la Russie. Il s'agit de la nouvelle technologie mettant en œuvre un bouclier de rentrée atmosphérique et de descente gonflable, un engin similaire à l'ARD mais en plus complexe. D'autres programmes bien moins médiatiques mais préfigurant des ruptures technologiques sont également à l'étude. Enfin, EADS s'est associé à Lockheed Martin dans le cadre du projet de Véhicule d'exploration avec équipage.

    Session du Conseil de l'ESA au niveau ministériel (décembre 2005)

    Si des annonces sont attendues lors du Salon du Bourget, EADS, par l'intermédiaire de ses délégués, doit présenter et préciser à la session du Conseil de l'ESA au niveau ministériel (décembre 2005) ses ambitions et ses projets dans ce domaine.

    Rappelons que lors de la neuvième session du Conseil de l'ESA au niveau ministériel (Paris, mai 2003), les ministres européens en charge de l'espace s'étaient engagés fermement dans des actions qui visent à garantir durablement l'accès de l'espace à l'Europe. On avait alors jeté les bases du programme FLPP en vue de développer et structurer, au niveau européen, les capacités industrielles nécessaires d'une part pour pouvoir prendre une décision d'ici la fin de la décennie au sujet d'un concept de système de lanceurs de nouvelle génération (NGL) (entièrement réutilisables, partiellement réutilisables, consommables) en vue de leur exploitation opérationnelle vers 2020, et d'autre part pour faire la démonstration de technologies innovantes visant à améliorer la compétitivité des lanceurs consommables actuels.

    Bref, entre une Europe qui n'a guère les moyens financiers de ses ambitions spatiales, ce qui l'a contrainte à des choix difficiles et une Amérique du nord qui tend à se donner les moyens de retourner sur la Lune et partir à la conquête de l'espace entre la Terre et Mars, souhaitons que les décisions qui seront prises à la fin de l'année par les ministres européens en charge de l'espace ne plongent pas une nouvelle fois l'industrie européenne dans l'expectative en repoussant des décisions où s'engageant dans de nouvelles tractations sans fin.

    Note

    Le coût d'Ariane est largement supérieur au prix du marché et les industriels ont été priés de diviser par 2 leur coût de production. L'installation de SoyuzSoyuz à Kourou est là pour atténuer la concurrence des lanceurs russeslanceurs russes. Dans ce climatclimat morose, la stratégie qui semble choisie vise surtout à réduire les coûts de lancement en rationalisant la production d'Ariane 5 et pour couvrir le marché, celui des petits satellites en orbite basse, qu'Ariane a du mal à combler, l'Europe a lancé le développement de VegaVega, un petit lanceurpetit lanceur.