Tout au long de ces douze derniers mois, les historiens et les archéologues se sont démenés pour tenter de détecter et de révéler les merveilles dissimulées par les siècles. De simples amphores remplies d'or à des cités entières recouvertes par le désert et la végétation, tour d'horizon de quelques travaux qui ont permis à la science d'avancer au cours de l'année 2023.


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    L'année 2023 a été rythmée par des découvertes archéologiques et historiques toutes plus importantes les unes que les autres. À d'anciennes cités oubliées dans les plaines reculées de l'Égypte, à des trésors impériaux dans des tombeaux chinois, les chercheurs de tous les continents se sont appliqués à exhumer les plus belles reliques. Elles nous permettent de mieux appréhender les événements passés, tant les mouvements humains de la Préhistoire que les évolutions civilisationnelles à travers l'Histoire. Retour sur les événements archéologiques majeurs de ces douze derniers mois.

    Quand l’Histoire survit à la guerre

    L'histoire moderne de l'Irak est rythmée par la guerre et la violence. Entre l'invasion des États-Unis en 2003 et la gangrènegangrène de l'État islamique dans les années 2010, les recherches ont subi de nombreux revers dans ce pays du Moyen-Orient. Mais depuis 2022, l'activité sur les sites de fouilles reprend progressivement. En février 2023, les archéologues découvraient à Girsu, au nord de Nassiriya, les vestiges d'une cité royale sumérienne. Ce site était l'un des hauts lieux de l'Antiquité dans le Croissant fertileCroissant fertile, notamment durant la période d'Ur III, vers 2 100 avant J.-C.

    Des archéologues irakiens commissionnés par le <em>British Museum</em> fouillent le site de Girsu. © <em>The Girsu Project</em>, Dani Tagen
    Des archéologues irakiens commissionnés par le British Museum fouillent le site de Girsu. © The Girsu Project, Dani Tagen

    Plus au nord, à quelques kilomètres de Mossoul, les scientifiques irakiens redécouvraient en novembre une magnifique statue ailée. Cette impressionnante figure, exhumée à Khorsabad il y a une trentaine d'années, avait été dissimulée en 2014 par des habitants de la région soucieux de préserver leur patrimoine historique. Appelée « Lamassu », la statue n'a pas été altérée et devrait rejoindre le Musée national d'Irak au cours des prochains mois.

    La sculpture « Lamassu » de Dur-Shurrakin, enterrée pendant près de neuf ans sur le site de Khorsabad en Irak. © Mustafa Faraj, Conseil d'État des Antiquité et de l'héritage d'Irak 
    La sculpture « Lamassu » de Dur-Shurrakin, enterrée pendant près de neuf ans sur le site de Khorsabad en Irak. © Mustafa Faraj, Conseil d'État des Antiquité et de l'héritage d'Irak 

    Italie, terre d’archéologie

    Les archéologues italiens comptabilisent une moisson conséquente à leur actif pour 2023. Rien qu'en décembre, une domus antique renfermant de magnifiques décorations est explorée avant son ouverture au public courant 2024, tandis que Pompéi continuait de dévoiler ses secrets. Dans la « Regio IX » de la cité détruite par le VésuveVésuve en 79, des messages inscrits sur les murs d’un bâtiment à l'occasion d'une campagne politique sont retrouvés. Quelques semaines plus tard, les historienshistoriens tentent de comprendre un étrange bâtiment, possédant toutes les caractéristiques d'une boulangerie... Une boulangerie très particulière, dont plusieurs éléments rappellent des geôles. Pour les chercheurs, des esclaves devaient probablement travailler à la production de pains et autres denrées pour les citoyens de la ville.

    Les ruines de la « boulangerie prison » de Pompéi éclairent les historiens sur les conditions de travail brutales auxquelles étaient soumis les esclaves. © Parc archéologique de Pompéi
    Les ruines de la « boulangerie prison » de Pompéi éclairent les historiens sur les conditions de travail brutales auxquelles étaient soumis les esclaves. © Parc archéologique de Pompéi

    Chasse au trésor en Méditerranée

    La mer Méditerranée a toujours été un important bassin de circulation maritime, et ce dès l'Antiquité. En novembre, des plongeurs italiens remontaient près de 50 000 pièces antiques à quelques kilomètres des côtes de la Sardaigne. Un trésor inestimable datant du IIIe siècle, quelques années avant le déclin de l'Empire romain d'Occident. Avec en prime de superbes artefacts provenant d'Afrique et d'Orient.

    Des plongeurs professionnels, dont des carabiniers, photographiés lors de la mission de récupération des pièces de bronze en mer Tyrrhénienne. © Ministère de la Culture italien
    Des plongeurs professionnels, dont des carabiniers, photographiés lors de la mission de récupération des pièces de bronze en mer Tyrrhénienne. © Ministère de la Culture italien

    Toujours en Méditerranée mais cette fois-ci à côté de la rade de Toulon, des archéologues français mettaient la main sur d'intéressants objets datant du XIXe siècle. Enfermés dans l'épave d'un navire vieux de 200 ans reposant au fond de l'eau, les universitaires ont lancé une véritable enquête pour trouver le lieu d'origine des artefacts recouvrés. Ces derniers ont été produits en France, à environ 130 kilomètres de Toulon, durant le XIXe siècle. Une collecte qui vient renforcer un patrimoine local déjà riche d'histoire.

    Les joyaux de l’Amérique précolombienne

    À l'été 2023, des fouilles d'ampleur permettaient de révéler l'existence de plus de 130 sites précolombiens en Bolivie. Dans la province de Carangas, à la frontière avec le Chili, des dizaines de lieux documentés par les premiers explorateurs espagnols étaient localisées par les archéologues modernes. Pour arriver à ce nombre record, les scientifiques ont exploité un savant mélange technologique, alliant investigation de terrain et utilisation de drones et d'images satellitaires.

    Au Mexique, sur le site très fréquenté de Chichén Itzá, alors en pleine exploration des entrailles d'une pyramide, les archéologues dénichaient un masque de guerrier et plusieurs artefacts rituels. Arborant des atours singuliers, ce masque maya reposait sous les pieds des touristes, enfermé depuis le XIe siècle.

    La figure anthropomorphique trouvée dans un temple de Chichén Itzá, coiffée d'un serpent à plumes. © Inah 
    La figure anthropomorphique trouvée dans un temple de Chichén Itzá, coiffée d'un serpent à plumes. © Inah 

    Quelques mois auparavant, un tremblement de terretremblement de terre de plus de 7 sur l'échelle de Richteréchelle de Richter secouait la capitale, Mexico City. Alors que plusieurs bâtiments s'effondraient sous la violence des secousses, une sculpture représentant une tête de serpent colorée émergeait « littéralement » du sol, datant de l'Empire aztèque et d'au moins 500 ans. Les archéologues mexicains se sont empressés d'emporter l'artefact dans une pièce sécurisée et isolée pour préserver ses couleurs et étudier ses caractéristiques. 

    La tête de serpent retrouvée à Mexico, atteignant 1,80 mètre, a été admirablement bien conservée durant cinq siècles. © Inah, Lancic
    La tête de serpent retrouvée à Mexico, atteignant 1,80 mètre, a été admirablement bien conservée durant cinq siècles. © Inah, Lancic

    Les mystères de l’Antiquité égyptienne

    En remontant le Nille Nil, l'une des plus belles agglomérations d'Égypte déploie ses merveilles devant les yeuxyeux des visiteurs et des archéologues. La ville de Louxor préserve les magnifiques monuments de la cité antique de Thèbes. Parmi les statues massives, les imposants obélisques et les bâtiments plus modernes, reposent les traces de la vie durant l’Empire romain. Sur la rive orientale de Louxor, c'est un quartier résidentiel complet que les archéologues ont exposé à la vue de tous. Datant du IIIe siècle, il est constitué d'habitats classiques mais aussi de deux pigeonniers et d'ateliers - en l'occurrence une forge - comme en témoignent les artefacts préservés dans le sol.

    Sur la rive est de Louxor, les archéologues ont exhumé les ruines d'un quartier antique établi durant l'Empire romain. © Ministère de la culture égyptien
    Sur la rive est de Louxor, les archéologues ont exhumé les ruines d'un quartier antique établi durant l'Empire romain. © Ministère de la culture égyptien

    Il aura fallu des années de travail à l'égyptologue Victoria Almansa-Villatoro pour l'affirmer : les Égyptiens savaient que certains fers viennent de l'espace. Ici, pas d'excentricités comprenant des aliens mais une étude appliquée de textes hiéroglyphiques. Et certains symboles trouvés dans le Texte des Pyramides ne trompent pas, signifiant à la fois « fer » et « ciel ».  Une découverte importante car la corrélation dressée par les scribes date d'environ 2 600 avant J.-C. Des dizaines de siècles avant que les savants de l'ère moderne ne se penchent réellement sur la question des météoritesmétéorites et leur composition...

    Dans les entrailles du plus vieux temple du monde 

    Dans le monde de l'Histoire, le nom de Göbekli Tepe fait rêver. Situé dans la province de Şanlıurfa, en Turquie, ce site archéologique méconnu est pourtant l'un des plus fascinants découverts à ce jour. Il abrite ainsi le plus vieux temple du monde, âgé d'environ 10 000 ans. Dans le temple lui-même, bon nombre d'objets reposent depuis plusieurs millénaires. En octobre, les archéologues tombaient neznez à nez avec une statue de sangliersanglier pigmentée de rouge, de blanc et de noir. Les suppositions vont bon train pour expliquer le symbolisme d'une telle œuvre, mais les chercheurs s'accordent à dire qu'ils sont en face de la plus vieille sculpture peinte du monde. 

    Parmi les objets rituels vieux de 10 000 ans, une tête de sanglier peinte apparaît. Son utilité et sa datation sont encore incertaines. © Ministère de la Culture et du Tourisme de Turquie
    Parmi les objets rituels vieux de 10 000 ans, une tête de sanglier peinte apparaît. Son utilité et sa datation sont encore incertaines. © Ministère de la Culture et du Tourisme de Turquie

    Comprendre les avancées du Néolithique

    Des semaines entières à fouiller des kilomètres carrés de terrain dans la Marne ont fini par payer. À la fin du mois d'août, le CNRS et l'Inrap annonçaient la découverte d'un murmur d'enceinte et d'une habitation vieille de 5 000 ans sur le site de Val-des-Marais.

    Site du Néolithique récent (-3500 à -3000) de Val-des-Marais (Marne). Vue générale du site montrant plusieurs fosses à détritus, le bâtiment à abside et les différents tronçons de la palissade. © Jonathan Desmeulles, CNRS
    Site du Néolithique récent (-3500 à -3000) de Val-des-Marais (Marne). Vue générale du site montrant plusieurs fosses à détritus, le bâtiment à abside et les différents tronçons de la palissade. © Jonathan Desmeulles, CNRS

    Une percée notable sur une zone arpentée depuis le XIXe siècle, comme le précisait le professeur et archéologue Rémi Martineau. Le début d'une aventure longue de plusieurs années visant à déterrer l'intégralité de ce lieu de vie datant du Néolithique récent afin de comprendre une époque méconnue de l'histoire de France.