Il aura fallu presque 5 000 ans pour découvrir que les Égyptiens avaient connaissance de l'origine cosmique des météorites. En étudiant des textes antiques, une égyptologue basée à Harvard à déterminé que les sujets de l'Ancien Empire utilisaient du fer pour concevoir certains objets au cours du IIIe millénaire avant J.-C. Un fer particulier cependant, car retrouvé dans la composition de météorites. 


au sommaire


    Bien avant l'invention des lunettes astronomiques par les savants modernes, ou l'écriture de traités d'astronomie et de philosophies grecques, les Égyptiens levaient déjà les yeuxyeux vers le ciel pour en comprendre le fonctionnement. Et durant les premiers siècles de l'Antiquité, les Égyptiens semblaient savoir que le fer peut provenir de météorites, et que ces dernières proviennent elles-mêmes de l'espace. Dans un long article publié le 17 octobre sur le site du Smithonian, l'égyptologue Victoria Almansa-Villatoro détaille une étude menée sur des hiéroglyphes permettant d'asseoir cette affirmation... surprenante.

    Le « métal de Dieu », des « fragments de paradis »

    En 1941, l'ingénieur Thomas Arthur Rickard rédigeait une publication abordant l'utilisation des météorites ferreuses. Il indique dès les premières lignes que les Sumériens appelaient le fer « an-bar », littéralement « feu venu du ciel ». Au Moyen-Orient, les premières civilisations de l'âge de fer faisaient déjà le lien entre certaines roches et leur origine spatiale. Le docteur Almansa-Villatoro indique dans son étude que les Égyptiens, à l'inverse des Grecs et des Babyloniens, ne basaient pas leurs observations astronomiques sur des calculs mathématiques. Pour comprendre le rapport du peuple d'Égypte à l'espace, il faut observer leur écriture et interpréter les symboles.

    Lors de l'ouverture du tombeau de Toutânkhamon en 1922, les archéologues découvraient une dague en fer, artefact particulièrement singulier, le pharaon ayant vécu durant l'âge de bronze. © Musée égyptien du Caire
    Lors de l'ouverture du tombeau de Toutânkhamon en 1922, les archéologues découvraient une dague en fer, artefact particulièrement singulier, le pharaon ayant vécu durant l'âge de bronze. © Musée égyptien du Caire

    En se penchant sur les écrits liturgiques appelés Textes des Pyramides, Victoria Almansa-Villatoro a pu établir un lien entre le fer utilisé par les Égyptiens et leur connaissance de la voûte céleste. Ces hiéroglyphes datant de l'Ancien Empire, qui débute en 2 691 avant J.-C., exposent le même symbole signifiant à la fois « fer » et « ciel ». Prenant une forme hémisphérique, le hiéroglyphe s'avère interchangeable entre les deux termes. Une occurrence se répétant dans divers écrits et avec d'autres symboles.

    Voir aussi

    Le fer de l’âge du bronze serait bien d’origine extraterrestre

    Par déduction, l'universitaire affirme que ce lien entre les deux mots est la preuve que les Égyptiens avaient connaissance de la provenance des météorites ferreuses. Pour cela, il aurait fallu que des individus assistent à l'impact d'un objet sur Terre et l'exploitent pour en extraire son métal. Un fait rare mais pas impossible selon la chercheuse, qui rappelle que, si aucune preuve ne vient attester d'un tel événement, le savoir peut « survivre des siècles voire des millénaires même sans documents scientifiques ».

    Récolter le métal venu des cieux

    L'étude hiéroglyphique de Victoria Almansa-Villatoro vient appuyer des travaux publiés en 2013 dans Nature, dans lesquels des scientifiques avaient analysé la composition de perles de métal vieilles de 5 000 ans. Après un examen approfondi, il a été établi qu'elles sont composées de nickel directement extrait d'une météorite ferreuse. Le métal s'était alors recristallisé, formant des figures de Widmanstätten, sortes de stries caractéristiques souvent observées dans les métauxmétaux contenus dans des météoresmétéores.

    Un morceau de 500 grammes de la météorite ferreuse de Toluca permet d'observer les figures de Widmanstätten à sa surface. © H. Raab, CC by-sa 3.0
    Un morceau de 500 grammes de la météorite ferreuse de Toluca permet d'observer les figures de Widmanstätten à sa surface. © H. Raab, CC by-sa 3.0

    Les techniques de métallurgies n'étaient alors pas aussi développées. L'âge de fer débute officiellement en Anatolie (actuelle Turquie, Kurdistan et Arménie) vers 1 000 avant J.-C. Les peuples du pourtour méditerranéen s'approprient peu à peu la maîtrise du métal en créant des armes et des outils. En Égypte, les métaux sont utilisés dès l'ère de Naqada III, de 3 200 à 3 000 avant J.-C. Mais la fabrication d'objets composés de fer connaît un essor à partir du VIe siècle avant J.-C., lorsque les peuples commencent à utiliser l'extraction par calcination : soumettre les météores à de fortes chaleurschaleurs pour en réduire la matièrematière organique et isoler le métal. De nouveau, les sociétés antiques font preuve d'une impressionnante capacité à comprendre et interagir avec leur environnement... Plus de 20 siècles avant que les astronomesastronomes ne se penchent concrètement sur les origines cosmiques des météores.