C'est une découverte d'exception qui a été annoncée et publiée il y a peu dans la littérature scientifique. Pour la première fois, des mains coupées et enterrées ont été découvertes dans des fosses en Égypte. Elles ont été enterrées vers 1640-1530 avant notre ère. Étaient-elles le fruit d'une punition ? D'une offrande ? Les recherches avancent des éléments tout à fait intéressants concernant cette pratique somme toute particulière qui était connue des inscriptions anciennes sans preuves archéologiques.


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    Dans la revue scientifique Nature, l'article concernant la découverte de plusieurs mains coupées au sein de fosses s'avère important. Les mains droites de 12 personnes - environ - ont été déposées dans trois fosses creusées dans une cour se trouvant face à un palais érigé sur le site de Tell el-Dab'a au nord-est de l'Égypte.

    Des mains dispersées...

    Ces mains ont certes traversé le temps, mais leur état reste malgré tout extrêmement fragile. Le sol étant humide, les ossements se sont révélés friables rendant difficile leur fouille et leur étude. Néanmoins, il a été possible pour l'équipe de pouvoir les étudier pour en savoir plus. La découverte est exceptionnelle, puisqu'elle vient corroborer une pratique qui n'était connue que par des sources antiques, le tout sans jamais avoir eu pour le moment d'équivalent archéologique. À minima, 12 personnes ont été concernées par ce prélèvement de leur main droite, mais il est possible que d'autres individus aient été concernés face à certains ossements isolés qui interrogent encore les chercheurs. Ces derniers n'excluent pas d'augmenter le chiffre à 18 individus.

    ...Et placées différemment

    Toutes les mains n'ont pas été déposées de la même façon dans les fosses. Certaines ont été placées sur le dosdos, d'autres du côté de leur paume ; quant à leurs doigts, ils pouvaient être écartés ou à l'inverse rapprochés. Au regard de leur position, deux hypothèses se sont présentées aux chercheurs : soit les mains ont été coupées du vivant des individus, soit elles ont été découpées après la mort. Néanmoins, si l'idée d'une découpe post-mortem n'est pas exclue, elle a nécessité d'attendre que la rigidité cadavériquerigidité cadavérique cesse, soit plusieurs heures après la mort. Ce qui est certain, c'est que la découpe ne présente pas de marques qui montrent que l'acte aurait été bâclé, au contraire, il y aurait eu une véritable attention à ce que cela soit anatomiquement bien exécuté. Une personne pressée ou inexpérimentée aurait laissé de nombreuses marques de découpes hasardeuses ou de diverses profondeurs sur les os. Ce qui n'est pas le cas ici. Les mains auraient été enterrées alors qu'elles étaient encore intactes au niveau de leurs tissus mous, ce qui induit qu'elles ont pu être préparées en vue d'être présentées.

    Au regard des pathologiespathologies absentes liées à un âge avancé, l'étude des ossements a permis de déterminer que les individus étaient âgés entre 14 et 21 ans. En revanche, le sexe biologique n'a pas pu être déterminé avec exactitude puisque des analyses plus poussées, en particulier génétiquesgénétiques, n'ont pas été possibles à cause de la mauvaise conservation des ossements en pleine terre. En étudiant la taille et les ratios de ces mains, une majorité d'hommes est suspectée ainsi que la présence d'une seule femme.

    Temple de Médinet Habou, piles de mains. © Steven C, Wikipedia, CC by-sa 3.0
    Temple de Médinet Habou, piles de mains. © Steven C, Wikipedia, CC by-sa 3.0

    Punition ou offrande ?

    La grande difficulté est de pouvoir déterminer avec précision les raisons de cette découpe et de ce dépôt, qui plus est au niveau d'un palais. La prise de trophées n'est pas rare dans le monde en archéologie ou en anthropologie. Mais ici, le placement des mains nécessite de comparer ce que les textes anciens ont pu donner comme informations à ce propos. Couper la main droite des ennemis se retrouve dans les pratiques égyptiennes anciennes, en particulier sous le règne des Hyksos correspondant à la période du temple de ce site archéologique. Mais le soin apporté au traitement de ces restes anatomiques ainsi que l'emplacement de leur dépôt tend à faire penser à une pratique d'offrande, menée à l'occasion d'un évènement public et codifié d'après l'équipe en charge des recherches.

    Grâce à ces découvertes et à ces premières conclusions, c'est un nouveau champ de recherche qui s'ouvre concernant des pratiques qui n'étaient que suspectées à travers les textes ou les représentations anciennes.