La pollution de l'air altère les fonctions respiratoires et cardiovasculaires mais également le système nerveux central dont dépendent les yeux. Les personnes souvent exposées à ces polluants atmosphériques et notamment aux particules fines, ont un risque accru d'avoir un glaucome. C'est ce qui ressort d'une étude conduite autour de cette maladie neurodégénérative du nerf optique qui est la deuxième cause de cécité dans le monde.
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De nombreuses études font désormais état des effets néfastes de la pollution atmosphérique sur le système nerveux central (maladies neurodégénératives chez l'adulte, troubles neurodéveloppementaux chez l'enfant). Le glaucome, deuxième cause de cécité dans le monde, est une maladie neurodégénérative du nerf optique, dont la principale caractéristique est un amincissement de la couche des fibres nerveusesfibres nerveuses de la rétine. Dans une étude portant sur une cohorte composée de 683 personnes âgées bordelaises, dont le suivi a duré dix ans, des chercheurs et chercheuses de l'Inserm et de l'université de Bordeaux, au centre de recherche Bordeaux Population Health, ont mis en évidence un amincissement accéléré de la couche des fibres nerveuses de la rétinerétine chez les personnes plus exposées à la pollution atmosphérique, notamment celles qui avaient une plus grande exposition aux particules finesparticules fines (particules d'un diamètre inférieur à 2,5 micronsmicrons = PM2,5).
Cette étude suggère donc une possible augmentation du risque de glaucome pour les habitants des zones polluées aux particules fines, et ce même à des niveaux inférieurs aux seuils réglementaires actuels de l'Union européenne (25 microgrammes/mètre cube). Les résultats sont publiés dans la revue Environmental Research.
Les effets délétères de la pollution de l'air sur nos yeux
La pollution atmosphérique constitue un enjeu de santé publique mondial. Les effets nocifs des polluants atmosphériques sur les fonctions respiratoires et cardiovasculaires ont été largement documentés dans la littérature scientifique. Il est aussi de plus en plus évident que l'exposition chronique à la pollution atmosphérique a des effets néfastes sur le système nerveux central avec notamment une augmentation du risque de maladies neurodégénératives chez l'adulte et de troubles neurodéveloppementaux chez l'enfant.
La couche des fibres nerveuses de la rétine (RNFL) fait partie du système nerveux central, et son amincissement représente la principale caractéristique du glaucome, une maladie de l'œilœil associée à la destruction progressive du nerf optique, le plus souvent causée par une pressionpression trop importante à l'intérieur de l'œil. Cette pathologiepathologie constitue la seconde cause de cécité dans les pays développés. Des chercheurs et chercheuses de l'Inserm et de l'université de Bordeaux ont étudié l'effet d'une exposition à des concentrations plus élevées de polluants de l'airair (dont les particules fines qui correspondent aux PM2,5 dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns et dioxyde d'azoteazote) sur les processus neurodégénératifs au niveau oculaireoculaire.
Ils ont pour cela suivi pendant dix ans une population bordelaise de 683 personnes âgées de plus de 75 ans au moment de leur inclusion dans la cohorte Aliénor -- l'étude Alienor est une étude épidémiologique en population générale âgée qui explore les relations entre les maladies oculaires liées à l'âge et autres déterminants majeurs de ces maladies (facteurs génétiquesgénétiques, nutritionnels, environnementaux ou vasculaires). Il s'agit de la première étude prospective réalisée sur ce sujet.
Une première exploration du lien entre polluants de l’air et maladies oculaires
Dans le cadre de cette étude, les personnes ont bénéficié d'examens oculaires tous les deux ans entre 2009 et 2020, afin de mesurer l'évolution de l'épaisseur de la couche des fibres nerveuses de leur rétine. Par ailleurs, leur exposition à la pollution atmosphérique au cours des 10 années précédentes a été déterminée à partir de l'adresse de leur domicile, à l'aide de cartographies d'exposition annuelleannuelle pour chaque polluant. Ces cartographies détaillées, ayant une résolutionrésolution de 100 mètres, ont été réalisées à partir des mesures de stations de contrôle de qualité de l'air et de caractéristiques météorologiques et géographiques : proximité d'une route, densité de population, distance de la mer, altitude...
Selon les résultats de cette étude, les personnes ayant été exposées à des concentrations plus élevées de particules fines avaient au cours du temps un affinement plus rapide de la couche nerveuse rétinienne. Ces résultats sont représentés sur la figure ci-dessus sur laquelle on peut voir que les participants exposés à une concentration de 25µg/m3 aux particules fines PM2,5 avaient une diminution plus rapide de l'épaisseur de cette couche en comparaison à ceux exposés à 20 µg/m3. Ces résultats suggèrent que l'exposition à une forte concentration de polluants au cours du temps pourrait augmenter le risque de glaucome.
“L’exposition à une forte concentration de polluants au cours du temps pourrait augmenter le risque de glaucome”
En ce qui concerne les particules fines PM2,5, les estimations de l'exposition moyenne sur 10 ans étaient inférieures au seuil annuel réglementaire de l'Union européenne (établi à un maximum de 25 μg/m3) pour tous les participants, mais supérieures aux valeurs limites recommandées par l'OMSOMS en 2005 (10 μg/m3) encore abaissées en 2021 (5 μg/m3).
« Les résultats de cette étude confirment les observations précédentes sur les effets de la pollution atmosphérique sur les processus neurodégénératifs, ici au niveau oculaire. Ils constituent un argument supplémentaire en faveur de la baisse des seuils réglementaires européens, comme recommandé par l'OMS, ainsi que de la diminution de l'exposition effective de la population française, qui continue de dépasser par endroit les seuils réglementaires actuels », explique Laure Gayraud, doctorante en épidémiologie et première autrice de l'étude.
« De façon plus générale, notre étude documente les effets des polluants atmosphériques sur le vieillissement neurologique. En prenant l'exemple du vieillissement oculaire, elle suggère qu'une exposition à des concentrations élevées de polluants au cours du temps pourrait mener à une accélération du vieillissement neurologique, comme cela a été observé dans des études sur le vieillissement cérébral », explique Cécile Delcourt, directrice de recherche à l'Inserm, dernière autrice de ces travaux.
L'objectif est désormais pour les scientifiques d'élargir le terrain d'étude à l'échelle nationale, grâce à des données issues d'autres cohortes françaises, afin d'approfondir les connaissances sur les effets des polluants sur le vieillissement oculaire.