Âge de la lignée, explication du lien à leurs algues symbiotiques… Le séquençage terminé du génome de deux espèces de coraux comble les biologistes. Il ouvre aussi de nouvelles voies de recherche, qui permettront peut-être de mieux les protéger.

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    Différent coraux du genre Acropora, dont Acropora digitifera au fond à droite. En connaissant leur patrimoine génétique, des solutions seront peut-être trouvées pour mieux protéger ces espèces des menaces qui les guettent. © Paul Asman & Jill Lenoble, Flickr, CC-by-2.0

    Différent coraux du genre Acropora, dont Acropora digitifera au fond à droite. En connaissant leur patrimoine génétique, des solutions seront peut-être trouvées pour mieux protéger ces espèces des menaces qui les guettent. © Paul Asman & Jill Lenoble, Flickr, CC-by-2.0

    • Les coraux en danger : un dossier à découvrir 

    Après le séquençage du génome de végétaux comme le riz ou le peuplier, de champignonschampignons comme la truffe, de bactéries ou d'animaux comme l'éponge, l'oursin, le chimpanzé ou nous, Homo sapiens sapiens, c'est au tour de deux espècesespèces de coraux de voir leur patrimoine génétique révélé.

    L'étude publiée dans Nature par des chercheurs de l'institut des sciences et technologies d’Okinawa concerne les 24.000 gènes d'Acropora digitifera, un corailcorail branchu très répandu dans les océans Indien et Pacifique. Une autre, pas encore publiée, s'est intéressée à Acropora millepora. Au-delà des espèces en question, ces travaux éclairent les biologistes marins sur plusieurs zones d'ombre de ce groupe d'animaux étonnants.

    Symbiose et adaptations étonnantes

    Les coraux sont des invertébrésinvertébrés coloniaux de la famille des cnidairescnidaires. Ils abritent dans leurs organismes des alguesalgues microscopiques, les zooxanthelleszooxanthelles, avec lesquelles ils forment une symbiose : chaque partenaire apporte à l'autre un service, de la nourriture par exemple, et aucun des deux ne peut survivre seul. Or pour Acropora digitifera, il apparaît que cette interdépendance passe par la perte du gène codant pour l'enzymeenzyme cystathionine β-synthase permettant la synthèse de la cystéine, un acide aminé essentiel pour former de nombreuses protéinesprotéines. C'est son symbiote qui lui en assure l'approvisionnement.

    Pour les chercheurs, de manière plus générale, cet exemple explique le lien si fort que chaque espèce de corail a tissé avec son algue, allant jusqu'à perdre certaines capacités vitalescapacités vitales (à priori différentes pour chaque espèce). Il permet aussi de comprendre pourquoi le blanchiment, manifestation visible du départ du partenaire végétal suite à un événement traumatisant, entraîne des carencescarences conduisant à la mort de la colonie.

    Quand le corail subit un stress comme la hausse des températures de l'eau, il expulse les microalgues symbiotiques qui lui donnent sa couleur. C'est le blanchiment, qui prive aussi l'animal d'une partie essentielle de sa nourriture et conduit en peu de temps la colonie à la mort. © Nick Hobgood, CC-by-sa

    Quand le corail subit un stress comme la hausse des températures de l'eau, il expulse les microalgues symbiotiques qui lui donnent sa couleur. C'est le blanchiment, qui prive aussi l'animal d'une partie essentielle de sa nourriture et conduit en peu de temps la colonie à la mort. © Nick Hobgood, CC-by-sa

    Le mode de vie particulier de ces organismes se traduit également au plus profond d'eux-mêmes par une belle inventivité : se développant sous les tropiquestropiques dans des eaux claires et peu profondes, les coraux sont rudement soumis au rayonnement ultravioletultraviolet du soleilsoleil. Leurs gènes montrent qu'ils ont développé la production de protéines jouant le rôle... d'une crème solaire. La quantité de gènes impliqués dans leur système immunitairesystème immunitaire a elle aussi surpris les chercheurs. Pour eux, une telle complexité est liée à leur vie à la fois coloniale et symbiotique qui rend indispensable la reconnaissance précise de l'ami et de l'ennemi, en plus du soi et du non-soi.

    Vieille branche

    La seconde révélation a trait à l'âge de la lignée des coraux. L'équipe de David Miller et Nori Satoh a comparé le génomegénome de l'espèce à celui de ses cousines lointaines déjà séquencées, les anémones de mer. À partir des différences observées en appliquant le concept d'horloge moléculairehorloge moléculaire, les chercheurs ont pu calculer la date de séparationséparation des deux groupes. Ici, le plus vieil ancêtre communancêtre commun semble avoir vécu il y a 500 millions d'années, soit deux fois plus ancien que l'âge des plus vieux coraux fossilesfossiles retrouvés à ce jour.

    Pour les spécialistes des coraux, le premier intérêt de ces études est de faire sauter les verrousverrous sur lesquels ils butaient fréquemment : l'outil que représente la carte génétique de ces organismes est comme un livre où puiser les explications et les voies d'accès à la compréhension de nombreux phénomènes. En premier lieu, sont visés les mécanismes mis en œuvre lors d'événements stressants (hausse des températures ou acidification de l'eau) de moins en moins exceptionnels avec le réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Alors des efforts de protection mieux ciblés et innovants pourront être envisagés pour les récifs.