Alors que tous les yeux sont tournés vers Mars et que les sondes européenne et américaine ont déjà fourni de nombreux éléments permettant de penser qu'un jour, Mars a pu abriter une certaine forme de vie, c'est sur la Terre qu'une découverte majeure vient d'être effectuée. En effet, après 4 ans d'études, une équipe internationale de scientifiques vient d'identifier une nouvelle forme de vie terrienne qui ne ressemble à rien de connu, mais qui surtout ne possède aucun ADN, ni ARN.

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    Concretion de soufre, sur l'île BlancheCrédits : Jeffrey F Brown

    Concretion de soufre, sur l'île BlancheCrédits : Jeffrey F Brown

    La découverte a été réalisée sur l'île Blanche (White Island) qui se situe à 50 km des côtes de la Nouvelle Zélande. Cette île, constituée principalement d'un volcan, est étudiée très attentivement depuis les années 80 en raison de sa richesse en soufresoufre. Entre 1983 et 1999 la quantité moyenne de SO2 rejetée dans l'airair a été évaluée à 430 +/- 70 tonnes par jour.

    Les scientifiques s'intéressent depuis longtemps aux organismes extrémophiles capables de se développer dans des conditions extrêmes. Par exemple, le record de température est établi pour Pyrodictium Occultum, capable de survivre une heure à 121°C ; mais certains scientifiques soupçonnent que d'autres microorganismesmicroorganismes seraient capables de vivre à 170°C, près des "fumeurs noirs" que l'on trouve sur les fonds océaniques.

    Les concentrations de soufre sur l'île Blanche font de cet environnement un endroit idéal pour rechercher des organismes adaptés à l'utilisation du soufre. Dès le début de l'étude en 2000, l'équipe a identifié une espèce bactérienne trouvée majoritairement à une profondeur d'environ 300m. Cette bactériebactérie qui répond actuellement au doux nom de Sulfolobus acidocalrius est une bactérie anaérobie stricte (c'est à dire qui ne supporte pas la présence d'oxygène pour se développer).

    Pas d'ADN, ni d'ARN!

    Cependant, cette bactérie a réservé aux scientifiques une surprise de taille. En effet, ceux-ci ont été dans l'impossibilité de mettre en évidence la moindre présence d'ADNADN ou d'ARNARN!. Un grand nombre de techniques de biologie moléculairebiologie moléculaire a été utilisé sans succès (amplification d'ADN ou d'ARN (PCRPCR, RT-PCRRT-PCR), de coloration de l'ADN (DAPI), hybridationhybridation in situ "FISH"...)). Pire, il a été impossible aux scientifiques d'extraire la moindre moléculemolécule d'acide nucléiqueacide nucléique de cette bactérie. Devant de tels résultats, les scientifiques ont tenté de marquer radioactivement l'ADN ou les ARN des cellules : aucun marquage n'a pu être mis en évidence. Des études en microscopie électronique ont aussi été réalisées afin de tenter de visualiser directement la molécule d'ADN. Là encore, aucune molécule d'ADN n'a pu être identifiée.

    Rappelons qu'actuellement, l'ADN est le support de l'information génétiquegénétique. Celui-ci est transmis aux cellules filles lors des divisions, assurant ainsi la transmission des caractères héréditaires. Les gènesgènes sont des fragments d'ADN, qui sont transcrits sous forme d'ARN afin de permettre la synthèse des protéinesprotéines à la base du fonctionnement de toutes cellules vivantes.
    Or, il semble que Sulfolobus acidocalrius soit totalement dépourvue de ces molécules qui, jusqu'à présent, avaient toujours été identifiées dans les cellules vivantes. Autre surprise : après avoir analysé les protéines présentes dans cet organisme, il s'avère qu'apparemment très peu des acides aminésacides aminés constituant habituellement les protéines sont présents. Les analyses montrent en revanche des molécules avec une très forte teneur en soufre, qui semble être l'élément majoritaire de cette bactérie. Serait-il alors possible que dans cet organisme le soufre puisse jouer le rôle du carbonecarbone ? Cette hypothèse, bien qu'encore prématurée, provoquerait elle aussi de profonds bouleversements dans notre conception de la chimiechimie du vivant puisque actuellement, toutes les molécules organiques sont basées sur l'utilisation du carbone et non pas du soufre.

    Afin de prouver qu'il existait une relation entre la haute teneur en soufre des couches où la bactérie a été identifiée et la présence de celle-ci, les chercheurs ont effectué des carotages sur plusieurs niveaux. Chaque échantillon prélevé en trois exemplaires a été analysé simultanément pour sa composition en soufre et pour la quantité de bactérie identifiée. Les résultats montrent clairement que la distribution des bactéries ne suit pas une loi de Poisson, mais qu'au contraire un fort biais sélectif est présent entre 280m et 320m de profondeur.
    Or, les analyses chimiques révèlent qu'en dessous de 350m le soufre se retrouve majoritairement piégé dans la roche. Les scientifiques suggèrent que cela empêcherait les bactéries de pouvoir l'utiliser, ce qui pourrait expliquer leur plus faible abondance à des plus grandes profondeurs.

    Une révolution, mais pas seulement de la biologie

    Cette découverte représente une véritable révolution dans notre compréhension du monde vivant. S'il s'avère que cette bactérie ne présente en effet aucun acide nucléique, cela implique qu'une autre molécule assure cette même fonction. Il est donc primordial d'identifier cette nouvelle molécule et de comprendre comment elle assure sa fonction de transmission des caractères génétiques d'une cellule mère à une cellule fille.
    Il sera aussi nécessaire de mieux comprendre comment sont constituées les protéines présentes dans cette bactérie, dont la seule ressemblance avec les bactéries habituelles semble être la bicouche lipidique, associée au peptidoglycane, formant la paroi de la bactérie.

    Cette découverte tout à fait exceptionnelle ouvre la porteporte d'une nouvelle discipline, dans laquelle les surprises ne manqueront certainement pas. A elle seule, cette nouveauté change notre façon de concevoir le monde vivant. De la biologie, à la philosophie, en passant par la chimie, il semble qu'aucun domaine de la science ne sera épargné par cette découverte.