L’énergie hydroélectrique est la première source d’énergie renouvelable dans le monde. Une énergie réputée verte qui encourage la multiplication des projets de grands barrages. Pourtant, certaines constructions s’avèrent très émettrices de méthane et de dioxyde de carbone, en raison de la décomposition de matière organique dans les réservoirs.


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    À première vue, un barrage ne présente que des avantages : il fournit une énergie renouvelable, peu chère, et sans émissions de gaz à effet de serre. Mais, derrière ce tableau idyllique, se cachent des impacts cachés bien moins favorables. Il y a d'abord l'énorme quantité de bétonbéton utilisée. Sa constructionconstruction nécessite ensuite un défrichage qui peut occasionner un ruissellement et une dégradation des sols. L'inondation des surfaces engloutit parfois des milliers d'hectares de terres agricoles ou de forêts, et provoque la disparition d'espèces animales et végétales. Enfin, en modifiant le débitdébit des cours d'eau, les barrages entraînent une accumulation des sédiments pouvant causer un envasement et un appauvrissement en matièresmatières nutritives de l'eau.

    Des réservoirs fortement émetteurs de méthane

    Une étude, parue en novembre dans la revue Environmental Science Technology, vient d'ajouter un nouveau grief sur cette liste : certains barrages émettraient au cours de leur vie des quantités considérables de méthane, avec des émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre parfois supérieures à celles de centrales à charbon ! Comment est-ce possible ?

    Lorsque la végétation est submergée par l'eau, elle se décompose et lorsque le taux d'oxygène est bas -- comme c'est souvent le cas dans le fond des réservoirs -- , le barrage émet alors du méthane, un puissant gaz à effet de serre. Du CO2 et du protoxyde d'azoteprotoxyde d'azote (N2O) peuvent également être émis. Tout cela est bien connu des scientifiques, mais les deux auteurs de l'étude ont calculé des émissions bien plus élevées que ce que l'on pensait jusqu'à présent. L'étude a analysé l'impact climatique de 1.473 barrages dans 104 pays, et a comparé leurs émissions à celles des autres énergies sur le court et le long terme (200 ans).

    Ratio des émissions de gaz à effet de serre émis par les différents types d’énergie par rapport à un barrage (en pointillé : pour un nouveau barrage ; en ligne : pour un barrage existant). Exemple : après 50 ans, l’impact climatique de l’hydroélectricité est huit fois supérieur à celui de l’éolien ou du nucléaire, mais représente 15 % de celui d’une centrale à gaz. © Ilissa Ocko et Steven Hamburg, <em>Environmental Science Technology</em>, 2019
    Ratio des émissions de gaz à effet de serre émis par les différents types d’énergie par rapport à un barrage (en pointillé : pour un nouveau barrage ; en ligne : pour un barrage existant). Exemple : après 50 ans, l’impact climatique de l’hydroélectricité est huit fois supérieur à celui de l’éolien ou du nucléaire, mais représente 15 % de celui d’une centrale à gaz. © Ilissa Ocko et Steven Hamburg, Environmental Science Technology, 2019

    Des émissions jusqu’à 30 fois supérieures à l’éolien

    Dans l'ensemble, les émissions médianes mondiales d'hydroélectricitéhydroélectricité sont plus importantes que celles du nucléaire, du solaire et du ventvent, mais plus faibles que celles du charboncharbon et du gaz naturelgaz naturel. À court terme, la construction d'un nouveau barrage émet respectivement 8 à 30 fois plus de gaz à effet de serre que le solaire et l'éolien par unité d'énergie produite, et 35 % à 40 % des émissions de centrales à charbon. Sur le long terme, cette proportion descend toutefois à 10 % ou 15 %.

    Plus le réservoir est profond, plus il émet de méthane

    Mais certains barrages sont bien pires que d'autres : 15 % à 17 % émettent plus de gaz à effet de serre qu'une centrale à charbon après 20 ans, et ces émissions sont encore supérieures après 200 ans pour 7 % à 12 % des centrales. Les émissions varient en effet fortement selon la configuration du réservoir, sa profondeur, la température de l'eau ou la vitessevitesse d'érosion.

    De manière générale, plus le ratio entre la surface du réservoir et l'électricité produite est élevé, plus les émissions de CO2 et de méthane seront proportionnellement importantes. De même, les barrages situés dans les régions où les températures dépassent les 40 °C, comme en Inde, émettent davantage de gaz à effet de serre que les centrales à charbon.

    Ratio des émissions de gaz à effet de serre émis par un barrage comparativement à une centrale à charbon dans les différentes régions du monde au cours du temps. Exemple : en Afrique, après 50 ans, les barrages du 3<sup>e</sup> quartile émettent deux fois plus de gaz à effet de serre qu’une centrale à charbon par unité d’énergie produite. Le pourcentage de chaque région indique la part de la production d’électricité hydroélectrique. © Ilissa Ocko et Steven Hamburg, <em>Environmental Science Technology</em>, 2019
    Ratio des émissions de gaz à effet de serre émis par un barrage comparativement à une centrale à charbon dans les différentes régions du monde au cours du temps. Exemple : en Afrique, après 50 ans, les barrages du 3e quartile émettent deux fois plus de gaz à effet de serre qu’une centrale à charbon par unité d’énergie produite. Le pourcentage de chaque région indique la part de la production d’électricité hydroélectrique. © Ilissa Ocko et Steven Hamburg, Environmental Science Technology, 2019

    Certains endroits sont moins propices pour construire un barrage

    Les auteurs n'appellent pas pour autant à jeter les barrages à la poubelle. D'autant plus que 40 % à 44 % des barrages ont un impact climatique inférieur à 10 % de celui des centrales à charbon. Ils insistent en revanche sur la nécessité de bien prendre en compte les émissions sur le long terme pour choisir l'emplacement d'un nouveau barrage. « Les centrales hydroélectriques en Europe de l'Ouest ont un impact climatique quasiment nul, tandis que celles construites en Afrique de l'Ouest émettent plus de gaz à effet de serre qu'une centrale à charbon », précisent par exemple les auteurs.

    L’hydroélectricité n’est pas universellement bénéfique pour le climat

    Malheureusement, c'est justement dans les zones les moins favorables que se concentrent les plus gros projets. En République démocratique du Congo, le colossal barrage du Inga III censé produire plus de plus de 11.000 MW a reçu le feufeu vert du gouvernement l'an dernier.

    En Asie du Sud et en Inde, la production hydroélectrique devrait augmenter respectivement de 350 % et 230 % d'ici 2040. « Notre message est que l'hydroélectricité n'est pas universellement bénéfique pour le climatclimat et qu'il faudrait étudier plus précisément l'impact des barrages pour parvenir aux meilleures chances de réduire le réchauffement globalréchauffement global », concluent les auteurs.


    Réchauffement climatique : les barrages hydrauliques émettraient des gaz à effet de serre

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet publié le 06/10/2016

    Du CO2 au méthane, les retenues d'eau derrière les barrages hydrauliques émettent des gaz à effet de serre, produits par l'activité biologique. Ces quantités injectées dans l'atmosphèreatmosphère ont été sous-estimées de 25 %, affirment des chercheurs américains.

    D'après une équipe de l'université d'État de Washington, les barrages hydrauliques émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre : dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4) et oxydes d'azoteoxydes d'azote (NONOx). Les conséquences sur l'atmosphère seraient loin d'être négligeables, expliquent les auteurs dans un communiqué de l’université. À l'échelle de la planète, ces émanations équivaudraient, pour leur effet sur le réchauffement, à un milliard de tonnes de dioxyde de carbone par an, soit 1,3 % des émissions humaines mondiales.

    C'est la rétention de matière organique au fond de ces retenues d'eau qui explique ce dégagement de gaz à base de carbone et d'azote. En fait, parmi ces émissions, l'effet serait principalement dû au méthane, un gaz à l'effet de serre bien plus important (une trentaine de fois) que celui du CO2. Selon ces chercheurs, le méthane contribuerait à hauteur de 80 % à l'effet de serre induit par ces lacs artificiels.

    Pour parvenir à cette conclusion, qui corrobore d'autres études mais avec des chiffres plus élevés, ces scientifiques, dont l'article est annoncé à paraître dans la revue Bioscience, ont analysé des travaux antérieurs (c'est donc une « méta-étude »). En prenant en compte « davantage de gaz à effet de serre que les études précédentes », dixit John HarrisonJohn Harrison, l'un des auteurs qui s'exprime dans le communiqué de l'université de Washington, il apparaît que les émissions sont 25 % plus élevées que ce que l'on pensait.

    Jusque-là, il semblait que les barrages les plus émetteurs de gaz à effet de serre étaient ceux situés en région tropicale et de création plus récente. Cependant, selon les auteurs, les paramètres seraient plus nombreux que la latitudelatitude et l'âge de la retenue d'eau. Il faut déterminer, expliquent-ils, l'activité biologique et préciser les émissions de méthane. Voilà l'impact des barrages hydrauliques sur l'environnement de nouveau questionné...

     

    Les plus grands barrages du monde en 19 photos

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    Le barrage Pine Flat et son lac, l'un des plus grands réservoirs de Californie

    Le barrage-poids de Pine Flat a été édifié entre 1947 et 1954 sur la Kings River, dans le centre de la Californie (États-Unis). Long de 560 mètres pour 130 mètres de haut, il a été conçu spécialement pour contrôler les risques d'inondationinondation, mais il sert également à la production d'énergieénergie, à l'irrigationirrigation et à l'agrément. Il a engendré la création du lac Pine Flat qui est l'un des plus grands réservoirs de Californie.

    © David Seibold, CC by-nc 2.0