Des centrales à charbon entrent en service alors que le gouvernement chinois avait promis l'arrêt de leur construction. Ces nouvelles capacités dépassent à elles seules la totalité des centrales américaines et mettent en péril le respect de l’accord de Paris.

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    Les économistes le savent : les statistiques chinoises sont davantage destinées à refléter les objectifs du gouvernement qu'à décrire la réalité. Dernièrement, la grande ville portuaire de Tianjin a ainsi subitement réduit d'un tiers son PIB de 2016 annoncé auparavant et plusieurs provinces ont reconnu avoir falsifié leurs chiffres. À tel point que pour évaluer la véritable croissance chinoise, les analystes se fient sur des statistiques indirectes, comme la consommation électrique ou le fret ferroviaire.

    Le groupe de recherche CoalSwarn dénonce aujourd'hui une manipulation concernant le climat. Selon l'organisation, la Chine prépare un tsunami de charbon, en construisant massivement des centrales en cachette. Alors que le gouvernement avait annoncé leur abandon, de nombreux projets seraient en réalité en constructionconstruction ou provisoirement gelés en attendant leur redémarrage, affirme CoalSwarn, qui s'appuie sur une série de photos prises par des satellites. En comparant des vues prises en 2017 et 2018, on constate par exemple que les deux tours de refroidissement de la centrale de Huadian Nanxiong, dont la construction est pourtant censée être arrêtée, ont bien été achevées. Sur d'autres photographiesphotographies, on peut voir de la vapeur d'eau s'échappant des tours de refroidissement alors qu'il n'y en avait pas auparavant, indiquant que la centrale est en service.

    Les photos de la centrale de Shangluo, dans la province de Shaanxi, montrent que les tours de refroidissement ont bien été achevées. Image extraite d'une animation sur le site <a href="https://www.planet.com/compare/?id=34-910101deg-n-107-554315deg-e-JAdWEoNmg" target="_blank">PlaneteLab</a>. © Ted Nace, PlanetLab

    Les photos de la centrale de Shangluo, dans la province de Shaanxi, montrent que les tours de refroidissement ont bien été achevées. Image extraite d'une animation sur le site PlaneteLab. © Ted Nace, PlanetLab

    Potentiellement 25 % de plus pour la puissance des centrales à charbon

    Au total, la capacité cumulée de cette production cachée s'élèverait à 259 gigawatts (GW), soit « plus que la totalité des centrales à charbon aux États-Unis et une augmentation de près de 25 % par rapport aux capacités actuelles » avertit le rapport publié par CoalSwarn. La raison de cette frénésie remonte à septembre 2014, lorsque le gouvernement central a transféré le pouvoir de délivrer des permis de construire aux autorités locales. Une décision qui a entraîné une multiplication par trois des permis de construire entre 2013 et 2015.

    Les gouverneurs locaux ont relancé des projets à l'arrêt pour faire repartir la croissance économique et même régularisé après coup de centrales à charbon illégales. S'apercevant de son erreur, le gouvernement a fait passer dès 2016 une série de restrictions pour refréner les constructions. Ordre qui n'a semble-t-il pas été suivi d'effet, la plupart des chantiers s'étant poursuivis, dénonce CoalSwarn.

    Pour la période 2000 à 2017, 70 % des nouvelles capacités mondiales de production par des centrales à charbon se trouvent en Chine. © CoalSwarm, <em>Global Coal Plant Tracker</em>, juillet 2018

    Pour la période 2000 à 2017, 70 % des nouvelles capacités mondiales de production par des centrales à charbon se trouvent en Chine. © CoalSwarm, Global Coal Plant Tracker, juillet 2018

    L’accord de Paris aux oubliettes

    La Chine s'est pourtant engagée dans le cadre de son plan quinquennal à plafonner sa capacité de centrales à charbon à 1110 GW d'ici 2020. Mais si les 259 GW viennent s'additionner aux 993 GW déjà existants, ce seuil sera largement dépassé. Contrairement aux Etats-Unis, la Chine est aussi signataire de l'accord de Paris, qui prévoit de limiter à 1,5 °C la hausse globale des températures. Le respect de ce seuil imposerait au pays la fermeture de toutes ses centrales à charbon d'ici 2040, d'après un rapport de Climate Analytics, un groupe d'experts sur le climat.

    Or, si toutes les centrales prévues sont mises en service, l'objectif ne sera atteint qu'en... 2070. Et la tendance est plutôt inquiétante : au premier trimestre de 2018, les émissionsémissions de CO2 chinoises ont augmenté « à un rythme jamais vu depuis sept ans », alerte de son côté Greenpeace. Mais après tout, comme aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect de l'accord de Paris, un beau discours suffit à apaiser les inquiétudes.

    Chine : de plus en plus de centrales en service, mais de moins en moins utilisées. © <em>China Electricity Council 2018</em>

    Chine : de plus en plus de centrales en service, mais de moins en moins utilisées. © China Electricity Council 2018

    CoalSwarn lance donc un appel aux autorités chinoises : « Annuler ces 259 GW de charbon ferait économiser 210 millions de dollars [environ 180 millions d'euros, NDLRNDLR], de quoi construire 300 GW de solaire ou 175 GW d'éolien », écrit-elle dans son rapport. Ces nouvelles constructions sont d'autant plus inutiles que les centrales à charbon chinoises sont déjà largement en surcapacité : leur taux d'utilisation ne dépasse pas 49 % en moyenne, ce qui signifie qu'elles sont plus souvent à l'arrêt qu'en fonctionnement. C'est finalement peut-être une bonne nouvelle : si les centrales restent inutilisées, le tsunami de charbon n'aura peut-être pas lieu.