Les découvertes de ce type ne surviennent pas tous les jours ! Des biologistes ont mis en évidence une branche totalement nouvelle de l’arbre du vivant. Personne n’avait jusque-là détecté la présence de ces prédateurs microscopiques que les auteurs de l’étude n’hésitent pas à qualifier de « lions microbiens ».


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    Les Provora, qualifiés de « lionslions microbiens », sont étonnamment diversifiés et présents sur toute la planète. Mais comment ont-ils pu passer sous les radars des scientifiques pendant si longtemps ? Ces organismes ont beau être très largement répandus, ils sont également peu abondants en nombre. Comme le souligne le Dr. Denis Tikhonenkov, un des auteurs de l'étude parue dans Nature, « si vous étiez un alien souhaitant prendre un échantillon des êtres vivants présents dans le Serengeti, vous obtiendriez beaucoup de plantes, peut-être une gazelle, mais pas de lion ». En effet, qu'importe les écosystèmes, ce sont généralement les prédateurs qui comptent le moins d'individus, malgré leur importance écologique. Mais à quoi ressemblent donc ces minuscules fauves ?

    Un membre des Provora, avec les deux flagelles typiques, dont l'image est obtenue ici au microscope électronique à balayage. © Tikhonenkov, Mikhailov, Gawryluk, Belyaev, Mathur, Karpov, Zagumyonnyi, Borodina, Prokina, Mylnikov, Aleoshin, et Keeling, <em>Nature</em>
    Un membre des Provora, avec les deux flagelles typiques, dont l'image est obtenue ici au microscope électronique à balayage. © Tikhonenkov, Mikhailov, Gawryluk, Belyaev, Mathur, Karpov, Zagumyonnyi, Borodina, Prokina, Mylnikov, Aleoshin, et Keeling, Nature

    Comment identifier ces êtres indétectables ?

    Après avoir remarqué ces étranges petits êtres unicellulaires s'agiter dans les échantillons d'eau marine provenant du monde entier et décimer les autres micro-organismesmicro-organismes, les scientifiques ont adopté une stratégie qui avait fait ses preuves pour pouvoir analyser leur génomegénome : ils les ont cultivés. Ou plutôt, ils ont élevé leurs proies microscopiques en massemasse, afin que les Provora se développent suffisamment et qu'ainsi la quantité de leur matériel génétique soit assez importante. Ce qu'ils ont découvert en l'analysant est surprenant.

    Les Provora, dont les images sont obtenues ici au microscope optique. La présence de deux flagelles (af et pf) est typique du supergroupe, ainsi que le sillon ventral (cy) utilisé pour se nourrir. On voit également l'épine (th), une arme destructrice de microbe. Les barres d'échelle font 3 μm. © <em>Nature</em>
    Les Provora, dont les images sont obtenues ici au microscope optique. La présence de deux flagelles (af et pf) est typique du supergroupe, ainsi que le sillon ventral (cy) utilisé pour se nourrir. On voit également l'épine (th), une arme destructrice de microbe. Les barres d'échelle font 3 μm. © Nature

    Le monde vivant est traditionnellement divisé en différents groupes, appelés taxons, qui réunissent des organismes selon leurs similarités, à différentes échelles. L'immense majorité des biologistes définit ces taxons selon la proximité phylogénétiquephylogénétique des êtres qui les composent, et décrit ainsi les relations de parenté qui les lient. Vous connaissez les groupes des animaux (Animalia), des végétaux (Plantae), ou encore des champignons et autres moisissures (Fungi). Les membres de ces trois groupes ont un point commun qui les rapproche d'autres êtres bien moins connus pour former les eucaryoteseucaryotes, car ils possèdent un noyau dans leurs cellules. Eh oui, le noyau cellulaire n'est pas présent chez tous les êtres vivants. Les bactéries par exemple n'en possèdent pas, ce sont des procaryotesprocaryotes. Elles sont ainsi bien plus éloignées phylogénétiquement de nous que les champignons, ou que les Provora.

    Cellules de Nibbleridia, dont les images sont obtenues au microscope électronique en transmission. À gauche (p, échelle à 100 nm), le Provora est affamé et ne contient pas de proie, alors qu'à droite (r, échelle à 150 nm) une proie a été engloutie. Au milieu (q, échelle à 200 nm), on observe la complexité de l'enveloppe cellulaire. © Nature
    Cellules de Nibbleridia, dont les images sont obtenues au microscope électronique en transmission. À gauche (p, échelle à 100 nm), le Provora est affamé et ne contient pas de proie, alors qu'à droite (r, échelle à 150 nm) une proie a été engloutie. Au milieu (q, échelle à 200 nm), on observe la complexité de l'enveloppe cellulaire. © Nature

    Des stratégies prédatrices typiques

    En effet, les scientifiques qui ont décrit ces 10 nouveaux micro-organismes ont découvert qu'ils possédaient bien un noyau d'eucaryote ! Les deux flagellesflagelles qui leur procurent leur mobilité font partie des caractères morphologiques typiques du taxon, ainsi que le sillon utilisé pour l'alimentation, ou encore une enveloppe cellulaire complexe. Deux nouveaux embranchementsembranchements sont identifiés par les auteurs selon leur type de prédation : Nebulidia rassemble les Provora qui engloutissent leur proie entièrement avant de la digérer, et Nibbleridia, ceux qui préfèrent généralement attaquer avec une épine et grignoter morceau par morceau. Ce comportement démontre d'ailleurs que de petits micro-organismes peuvent en prédater des plus gros, ce qui n'est habituellement pas considéré dans la reconstruction des chaînes alimentaireschaînes alimentaires microbiennes.

    Voir aussi

    Des micro-organismes de 830 millions d’années piégés dans un minéral