À l'heure de l'ouverture de la COP 28, qui se déroule à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre prochains, Futura a interrogé plusieurs climatologues de référence sur leurs espoirs et attentes. Jusqu'à maintenant, le réchauffement climatique a continué de s'accélérer et cela, malgré toutes les décisions prises lors des 27 conférences sur le changement climatique. Qu'en pense le climatologue Joël Guiot, chercheur expérimenté qui a contribué à un rapport du Giec ?


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    Après avoir recueilli les propos optimistes du climatologue Davide Faranda, nous avons donné la parole à Joël Guiot, ancien directeur de recherche au CNRS et chercheur émérite au Centre européen de recherche et d'enseignement en géosciences de l'environnement (Cerege, Aix-Marseille Université). Le climatologueclimatologue a également été l'un des auteurs du rapport spécial du Giec sorti en 2018.

    Irez-vous à la COP cette année ?

    Joël Guiot : Je n'y vais pas, j'y suis allé quelques fois ces dernières années, mais ces COP sont assez décevantes. En plus, c'est extrêmement cher de prévoir un voyage dans cet endroit ! Je pense aussi que ce n'est pas mon rôle d'y aller : il y a des conseillers de la délégation française qui s'y rendent. Pour les scientifiques, ce qui est important, c'est de participer au Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), les COP (conférences des Parties) sont plus politiques que scientifiques.

    Quels sont vos sentiments face à cette nouvelle conférence ? Êtes-vous optimiste ou plutôt pessimiste à l'approche d'une 28e COP sachant que les précédentes n'ont pas réussi à freiner l'accélération du réchauffement climatique ?

    Joël Guiot : Je suis un peu désabusé car, lors des COP précédentes, il ne s'est pas passé grand chose. Une demi-décision a été prise à Glasgow avec la décision de supprimer le charbon, mais tous les pays n'ont pas signé ! C'est donc une demi-décision.

    Quelles sont les trois grandes mesures que vous attendez à l'issue de cette COP28 ?

    Joël Guiot : Les 3 grandes mesures que j'aimerais voir voter sont :

    • concernant les énergies fossiles, l'arrêt total du charbon le plus vite possible et la décision de ne plus faire de nouveaux sites extractions du pétrole et du gaz. On ne peut pas arrêter les extractions en cours du jour au lendemain, mais il faut au moins arrêter d'en faire de nouvelles ;
    • une décision d'aide aux pays pauvres qui subissent le plus les conséquences du réchauffement climatique et qui n'ont pas les moyens d'adapter leur économie. Le fond vert pour le climat n'est pas à la hauteur ;
    • des réparations liées aux dégâts des émissionsémissions de gaz à effet de serre émises depuis le XVIIIe siècle. Ces émissions ont provoqué de la famine à Madagascar ou encore des inondations au Pakistan. Cela coûte cher et il faudrait instaurer un fond de réparation, mais j'ai l'impression que les pays occidentaux ne sont pas prêts.

    Quel a été le défaut principal des autres COP selon vous ?

    Joël Guiot : La façon dont les négociations se font. On se place à un niveau assez bas pour avoir un maximum d'adhésions, donc on est forcement déçu. On fait de cette COP un événement chaque année, mais à chaque fois les résultats sont décevants pour tout le monde. Les gouvernements ne sont pas capables de se mettre d'accord, alors comment les citoyens pourraient les croire ?

    Avez-vous quand même un peu d'espoir sur les décisions qui seront prises à la COP28 et sur de possibles actions positives ?

    Joël Guiot : Non. Je me rappelle avoir eu de l'espoir lors de la COP15 de Copenhague en 2009, et cette COP est finalement restée dans les esprits comme une conférence ratée. Il y a quand même eu une bonne décision, celle de ne pas dépasser les 2 °C de réchauffement, qui a ensuite été ramenée à 1,5 °C grâce à la pressionpression des représentants des îles les plus touchées. Les efforts ont fini par un accord sur une décision ambitieuse. Mais le problème de l'Accord de Paris sur les +1,5 °C de réchauffement, c'est qu'il n'y a pas de contrainte, pas de sanction derrière. Donc ça ne peut pas marcher !  

    Le fait que cette COP ait lieu à Dubaï, aux Émirats arabes unis, un État qui tire une partie de son économie par le pétrole, ne va-t-il pas fausser les décisions selon vous ?

    Joël Guiot : Il faut savoir que les négociations se font à l'avance. Les deux semaines de la COP servent juste à affiner les détails : les grandes lignes sont déjà négociées. Ensuite, j'ai du mal à imaginer qu'un pays dont le ministre de l'Industrie et président de la COP28, et P.-D.G. de la plus grosse compagnie pétrolière du pays, soit objectif. Ils investissent un peu dans les énergies renouvelablesénergies renouvelables, mais pas assez. Ce qui me fait peur, c'est que des décisions soient prises sur des solutions techniques. Par exemple, en capturant les gaz à effet de serre à l'aide de centrales ou en envoyant du souffre dans l'atmosphère, ce qui permettrait de continuer à utiliser les énergies fossiles. Le président de la COP28 a déjà dit vouloir promouvoir le « technosolutionnisme ».