Lorsque nous brûlons des combustibles fossiles, il n’y a pas que des gaz à effet de serre qui partent en fumée. Il y a aussi tout un tas d’autres particules parmi lesquelles le noir de carbone. La suie dont les effets sur le réchauffement pourraient bien avoir été sous-estimés.
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Notre climat se réchauffe. En cause, principalement, notre appétit dévorant pour les combustiblescombustibles fossiles. Parce qu'en les faisant brûler, nous émettons des gaz à effet de serre (GES). Mais aussi, ce dont nous avons sans doute encore un peu moins conscience, toutes sortes de particules d'aérosols. Et notamment quelques pourcents de celui que les chercheurs appellent le noir de carbonecarbone.
Le noir de carbone, c'est surtout de la suie qui a la fâcheuse tendance - fâcheuse surtout dans le contexte de réchauffement climatique - d'absorber et de stocker la chaleurchaleur du soleilsoleil. Ajoutant un peu plus à l'impact des gaz à effet de serregaz à effet de serre dans l'atmosphèreatmosphère. Mais ce n'est pas tout. Parce que le noir de carbone, lorsqu'il se pose sur des surfaces claires comme la neige, diminue leur capacité à renvoyer la chaleur vers l'espace. Augmentant, là aussi, les impacts des GES.
Une estimation précise de l’effet sur le réchauffement
« Comprendre l'interaction entre le noir de carbone et la lumièrelumière du soleil est d'une importance fondamentale dans la recherche sur le climat », explique le professeur adjoint Nobuhiro Moteki du Département des sciences de la TerreTerre et des planètes de l'Université de Tokyo (Japon), dans un communiqué. La donnée qui manquait surtout en la matièrematière aux chercheurs, c'était celle de l'indice de réfraction du noir de carbone. La manière dont il renvoie les rayons lumineux.
Pour le calculer, les chercheurs de l'université de Tokyo ont isolé des particules de noir de carbone captées dans l'eau. De quoi travailler sur de la suie pure et obtenir des mesures d'une précision inégalée. Et leurs résultats ne sont pas rassurants. Ils montrent que les valeurs sur lesquelles s'appuyaient jusqu'ici les scientifiques pourraient avoir été sous-estimées de pas moins de 16 %. Alors pour affiner les modèles climatiques, les chercheurs japonais recommandent désormais non seulement d'intégrer ces nouvelles valeurs, mais aussi d'appliquer leur méthode à l'identification d'autres potentielles particules aux propriétés optiques encore inconnues dans notre atmosphère, dans l'océan ou dans les glaces.
Réchauffement : la suie, un aérosol plus puissant qu’il y paraît
La suie aurait un impact deux fois plus important que prévu sur le changement climatique. Son pouvoir de réchauffement serait même supérieur à celui du méthane. Pourquoi alors ne pas lutter contre ses émissionsémissions pour limiter l'augmentation des températures à l'avenir ?
Article de Quentin MauguitQuentin Mauguit paru 16/01/2013
Les moteurs Dieselmoteurs Diesel, les centrales à charboncharbon et les feux de brousse ont tous un point commun : ils émettent de la suie dans l'atmosphère. Ces particules carbonées ne mesurent que quelques dizaines de nanomètresnanomètres de diamètre, mais leurs effets sur la santé humaine sont indéniables. Le Centre international de recherche sur le cancercancer (CIRC) a classé la suie dans le groupe des cancérigènes certains pour l'Homme. Au-delà de cet aspect sanitaire, les composés issus de la combustioncombustion incomplète de carburants fossiles ou de biomassebiomasse jouent également un rôle considérable sur notre climat, notamment car ils absorbent l'énergieénergie solaire.
Environ 7.500 gigagrammes (Gg) de carbone noir auraient été libérés dans l'atmosphère en 2000, mais il faut préciser que l'intervalle d'erreur s'étend de 2.000 à 29.000 Gg. L'implication de ces particules dans le réchauffement climatique a déjà été étudiée par de nombreux modèles... mais elle aurait été sous-estimée de moitié. Cette information vient d'être dévoilée dans un rapport de 232 pages publié dans le Journal of Geophysical Research: Atmospheres (JGR)).
La suie, nouvelle cible pour attaquer le réchauffement climatique
Au sein de l'International Global Atmospheric Chemistry Project (Igac), 31 scientifiques ont participé à la rédaction de ce document qui conclut quatre années de recherche. Le rôle de la suie a été étudié par le biais de modèles et d'observations de terrain sous toutes ses facettes. Les chercheurs ont tenu compte de l'accumulation de ces aérosols dans l'atmosphère et de leur pouvoir absorbant, mais aussi par exemple de l'impact de leurs dépôts sur la neige ou la glace. Au final, le forçage radiatif total du carbone noir durant l'ère industrielle a été estimé à 1,1 W/m2, avec une incertitude à 90 % s'étendant de 0,17 à 2,10 W/m2. Cette valeur est, selon les auteurs, deux fois plus importante que celles fournies par la plupart des modèles développés jusqu'à maintenant.
Conséquence directe, les émissions de suie deviendraient le second facteur anthropique agissant le plus sur le réchauffement climatique, juste derrière l'indétrônable CO2. Le méthane a donc été relégué à la troisième place de ce podium. L'impact du carbone noir sur notre climat serait comparable, selon les nouveaux chiffres, à 66 % de celui du gaz carboniquegaz carbonique. À noter toutefois que les chercheurs ont tenu compte des effets de toutes les substances émises dans l’atmosphère par un mode de combustion précis (l'utilisation de charbon libère par exemple des sulfuressulfures, qui participent quant à eux au refroidissement de notre planète).
Il existe une différence notable entre le CO2 et la suie. Le premier persiste plusieurs décennies dans l'atmosphère, tandis que la seconde n'y subsiste pas plus de 7 à 10 jours. Par conséquent, de nouvelles politiques visant à réduire la libération atmosphérique massive de particules carbonées pourraient avoir des résultats conséquents et surtout rapides sur notre climat. Selon Piers Forster de l'université de Leeds, nous pourrions gagner une vingtaine d'années de répit dans la lutte contre les changements climatiques en cours. Ce rapport confirme également les résultats des travaux de David Shindell, qui ont été publiés en janvier 2012 dans la revue Science : lutter contre le méthane et la suie serait plus efficace pour limiter le réchauffement climatique que de réduire les émissions de CO2. En outre, tous les efforts faits pour restreindre les émissions de carbone noir ne peuvent qu'améliorer la santé de millions de personnes de par le monde.