Les plantes sont très sensibles à la température et peuvent percevoir des variations de seulement 1°C. Jusqu’à récemment, le mécanisme et les effets de cette sensibilité étaient inconnus. Des chercheurs anglais viennent de découvrir que les plantes ressentent la chaleur et y réagissent au plus profond de leur être.

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    L’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), comme toutes les plantes, est très sensible à la température. Elle perçoit même des variations d’un degré seulement. © Inconnu, CC by-sa

    L’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), comme toutes les plantes, est très sensible à la température. Elle perçoit même des variations d’un degré seulement. © Inconnu, CC by-sa

    Tout vient de la manière dont est compacté l'ADNADN des plantes. L'ADN, en effet, n'est pas un long brin libre au cœur des cellules. Il est fortement compacté, à plusieurs niveaux, puisqu'il faut bien faire tenir ses deux mètres de longueur dans les quelques micromètresmicromètres de diamètre du noyau cellulaire... Le premier niveau de compactage est le nucléosomenucléosome.

    Un nucléosome est un ensemble de 8 protéinesprotéines, les histoneshistones, autour desquelles l'ADN s'enroule pour former la chromatinechromatine, appelée aussi chapelet de perles à cause de l'apparence que lui donnent ces protéines.

    Chez les plantes, donc, certaines histones sont sensibles à la chaleurchaleur. L'histone H2A.Z, puisque c'est son nom, réagit à la chaleur en favorisant le décompactage de l'ADN. Alors certains gènesgènes deviennent accessibles à l'ARN polyméraseARN polymérase, laquelle est responsable de la transcriptiontranscription de l'ADN en ARN messagersARN messagers et donc en protéines. Inversement, d'autres gènes se trouvent soustraits à l'ADN polymérase par le changement de conformationconformation de la chromatine. Leurs effets (la fabrication de protéines) sont donc empêchés.

    Via cette histone H2A.Z, la chaleur affecte ainsi directement les protéines présentes dans l'organisme végétal, ce qui conditionne sa réponse aux variations de températures.

    Cliquer pour agrandir. A basse température, l’ADN enroulé autour des nucléosomes à base d’histone H2A.Z est inaccessible à l’ADN polymérase. Chez les mutants déficients en cette protéine, ou sous l’effet de la chaleur qui réduit leur nombre et décompacte l’ADN, les gènes deviennent accessibles. L’expression de ces gènes définit alors la croissance de la plante en conditions chaudes. © S. Vinod Kumar et Philip Wigge / <em>John Innes Centre</em>

    Cliquer pour agrandir. A basse température, l’ADN enroulé autour des nucléosomes à base d’histone H2A.Z est inaccessible à l’ADN polymérase. Chez les mutants déficients en cette protéine, ou sous l’effet de la chaleur qui réduit leur nombre et décompacte l’ADN, les gènes deviennent accessibles. L’expression de ces gènes définit alors la croissance de la plante en conditions chaudes. © S. Vinod Kumar et Philip Wigge / John Innes Centre

    « Nous avons trouvé un régulateur central de l'ensemble du transcriptometranscriptome NDLRNDLR : ensemble des ARN messagers issus de l'expression d'une partie d'un génomegénome] lié à la chaleur » explique Philip Wigge, du John Innes Centre et coauteur de l'étude parue le 8 janvier 2009 dans la revue Cell.

    Expérimentalement, les chercheurs ont analysé le génome de plants d'Arabidopsis thalianaArabidopsis thaliana (l'Arabette des dames, une plante communément utilisée en laboratoire) et ont observé deux effets liés à la protéine d'histone thermosensible. Lorsque la température augmente, le compactage de l'ADN se relâche et la quantité de nucléosomes à base de H2A.Z diminue. Par ailleurs, dans le cas de mutants incapables d'inclure H2A.Z dans leur nucléosome, les plantes adoptent l'apparence phénotypique d'individus s'étant développés en milieu chaud.

    Qui contrôle les histones contrôle les cultures

    Tout ceci suggère donc fortement que cette protéine H2A.Z joue un rôle clef dans l'adaptation des plantes aux variations de températures. S. Vinod Kumar et Philip Wigge ont aussi découvert que cette protéine était présente chez la levure Saccharomyces cerevisiaeSaccharomyces cerevisiae, ce qui signifierait que ce mécanisme a été conservé au cours de l'évolution.

    La compréhension des mécanismes de réaction des plantes à la chaleur pourrait être importante à l'avenir. En effet, avec le réchauffement climatique, l’agriculture risque d'avoir des difficultés à nourrir une population mondiale toujours grandissante.

    « Nous aimerions créer une plante où nous pourrions contrôler les histones de certains tissus de telle sorte qu'ils soient aveugles aux différences de températures, explique Philip Wigge. Evidemment, nous ne pouvons pas produire des plantes complètement insensibles à la température, mais il existe un champ d'action pour développer des cultures plus résistantes aux hautes températures que nous allons de plus en plus fréquemment rencontrer. »