Sais-tu quel insecte blanc, grignoteur de bois ressemblant à une fourmi, est un as de la géométrie ? Aujourd’hui, on va parler du termite dans Bêtes de Science.


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    Nous sommes en Amérique du Sud, au nord-est du Brésil. La forêt où nous nous trouvons s'appelle la forêt de Caatinga. Il fait très chaud, le sol est sec, recouvert d'arbustes épineux, de cactus et d'herbes habituées à pousser dans ces conditions difficiles. À la saison des pluies, la forêt de Caatinga se transforme, le paysage devient verdoyant, les fleurs et les plantes s'épanouissent avant de disparaître au retour des grandes chaleurschaleurs et de la sécheresse. Car ici, la saison des pluies est très courte. Le reste du temps, la forêt semble un rien... inhospitalière. Son sol acideacide, peu propice à l'agriculture, l'a préservée de toute activité humaine pendant des millénaires. Mais la déforestation qui ne cesse de s'accélérer partout dans le monde, a fini par gagner la forêt de Caatinga, mettant au jour un trésor jusqu'alors caché: une cité âgée de 4 000 ans.

    Autour de nous s'élèvent des centaines de milliers de monticules de terre qui mesurent plusieurs mètres de haut. Si nous survolions la zone en avion, nous verrions plus de 200 millions de ces tours imposantes recouvrir une surface comparable à celle d'un pays comme la Grande-Bretagne tout entière. Chose incroyable, chacun de ces monticules de terre est en fait... une termitière.

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    À Caatinga, une superstructure vieille de 4 000 ans bâtie par les termites

    Voici les maîtres des lieux : les termites. Ces petits insectes qui mesurent quelques centimètres à peine ont bâti les incroyables structures qui nous entourent. Ceux que nous observons appartiennent à l'espèceespèce Syntermes dirus, mais plus de 2 600 espèces de termites sont connues à ce jour. Regarde, voici des termites soldats ; on les reconnaît grâce à leur taille : ils sont plus petits que les autres. Et c'est aux termites travailleurs que l'on doit les magnifiques monuments de la forêt de Caatinga : ils ont déplacé ici l'équivalent de 4 000 grandes pyramides de Gizeh. Eh oui, en matièrematière d'exploits architecturaux, les termites n'ont rien à nous envier ! 

    Les monticules ne sont que la partie émergée de l'iceberg : sous la surface, un réseau de galeries de plusieurs centaines de kilomètres permet aux termites de rallier l'une ou l'autre des termitières. C'est une véritable cité, organisée et structurée, qui s'étend sous nos pieds. Et si tu te demandes comment font les termites pour s'y retrouver dans ce dédale, sache que ces insectes utilisent des phéromonesphéromones, des odeurs qui leur permettent de baliser un chemin, de signaler un danger, ou même de se défendre en cas d'attaque !

    La colonie : un organisme où chaque termite a son rôle biologique

    Tu l'auras compris, nous sommes ici au cœur d'un site absolument extraordinaire. Et pour comprendre son fonctionnement, il faut faire un peu de gymnastique mentale. La colonie est en effet décrite par les scientifiques comme un organisme à part entière. Ici, chaque castecaste, c'est-à-dire chaque groupe de termites, assure une fonction biologique bien définie. Les soldats assurent la sécurité et se livrent à des batailles féroces contre leurs premières prédatrices, les fourmis, tu te souviens, nous avions assisté à un affrontement épique dans l'épisode sur les fourmisfourmis. Les travailleurs, quant à eux, vont chercher à manger, nourrissent la colonie et construisent les termitières. Et ces termitières ne sont pas de simples amas de terre ! Elles assurent une protection contre l'environnement et régulent la température de la colonie, dans un environnement où il peut faire très chaud. Enfin, dernière fonction biologique essentielle : certains termites ont pour rôle de se reproduire. Regarde, ce sont les termites qui ont des ailes ! Ils partiront un jour, fonder leur propre colonie ailleurs. 

    Il faut donc penser cette structure vertigineuse comme un seul et même organisme au sein duquel chaque termite et termitière représenterait un organe avec une fonction bien précise. 

    Un organisme qui n'a d'ailleurs pas encore livré tous ses secrets. Car aucune chambre royale n'a pu être retrouvée sur le site, en dépit des recherches intensives menées par les scientifiques. La chambre royale abrite pourtant deux termites essentiels à la colonie : le roi et la reine qui ont enfanté chacun des termites que nous pouvons observer ici. 

    Les termites forment donc une grande famille et sont de ce fait des insectes sociaux, vivant dans des sociétés complexes. Ils se répartissent les tâches de façon stricte et communiquent entre eux grâce à des odeurs, appelées phéromones. Mais au lieu de nous fasciner, les termites souffrent d'une mauvaise réputation auprès des humains, dont ils ont tendance à dévorer les cultures ou le boisbois des maisons. Pourtant, en transformant les feuilles et le bois morts, les termites améliorent la qualité des sols, et permettent aux plantes qui poussent à proximité des termitières de s'enrichir de nutrimentsnutriments qui seront utiles aux herbivoresherbivores qui les consomment, comme les éléphants par exemple. Ils aideraient même à freiner la désertificationdésertification dans les zones arides : en laissant derrière eux un sol riche en nutriments et parcouru de galeries où l'eau peut circuler facilement, les termites créent de véritables oasis pour la biodiversitébiodiversité, permettant aux arbresarbres et aux plantes de mieux résister à la sécheresse. Les petits insectes, en plus d'être des bâtisseurs hors pair, jouent donc un rôle clé au centre de plusieurs écosystèmesécosystèmes !

    Les termites construisent leurs nids grâce à la géométrie 

    Pour comprendre le processus de constructionconstruction des termitières, les chercheurs ont étudié le comportement de termites de l'espèce Coptotermes formosanus, un termite originaire de l'est de l'Asie, et dont une colonie est étudiée par le laboratoire d'éthologieéthologie de Villetaneuse, en banlieue parisienne.

    Le dispositif expérimental mis au point par les chercheurs est très simple : ils ont recouvert d'argileargile le fond d'une boîte, en fabriquant au milieu de petits muretsmurets de quelques centimètres. L'objectif est d'observer sur quelle surface les termites se mettent à construire leur nid : sur la surface d'argile plane ou sur les formes créées par les chercheurs au milieu de la boîte ? 

    Pour répondre à cette question, ni une ni deux, il faut déposer les termites dans leur nouveau terrain de jeu, et suivre leurs moindres faits et gestes grâce à une caméra. Et là, le résultat est sans appel : tous les termites viennent placer leurs boulettes d'argile sur les surfaces courbées de la boîte, c'est-à-dire sur les bords et sur les petits murets déjà présents au centre de l'espace. 

    Les termites sentiraient donc la courbe des structures et auraient le sens de la géométrie ! Pour confirmer cette hypothèse, les chercheurs ont fait une simulation, par ordinateurordinateur, de la structure qui serait obtenue si les termites basent leur construction uniquement sur leur sens de la géométrie. Et bingo ! La structure en 3 dimensions obtenue virtuellement ressemble énormément aux structures fabriquées par les termites lors de l'expérience. 

    Les chercheurs savent par ailleurs que les termites sont très sensibles à l'humidité. Car ils vivent le plus souvent dans des environnements tropicaux et leur carapace extrêmement fine les expose au risque de dessiccationdessiccation : en cas de trop fortes sécheresses, les termites pourraient se dessécher comme des fruits secs. 

    Afin de comprendre si le lieu où ils choisissent de construire leur nid correspond, en plus de l'incurvation du sol, à son humidité, les chercheurs ont donc placé de l'eau salée juste en dessous de la boîte servant à l'expérience. Car, lorsqu'elle s'évapore, l'eau salée laisse derrière elle son sel, faisant apparaître de petites taches blanches. Là encore, les chercheurs avaient tout bon : durant l'expérience, les parois construites par les termites se sont recouvertes de taches blanches, indiquant que l'eau s'était davantage évaporée à cet endroit précis. L'humidité est donc également un indicateur qui guide les termites pour construire leur nid. Incroyable n'est-ce pas ? 

    Ainsi, contrairement à leurs prédatrices, les fourmis, les termites n'utilisent pas de phéromones pour se guider durant la construction de leur nid. C'est la termitière elle-même, par sa forme et son humidité, qui leur indique les endroits où venir déposer leurs boulettes de terre. Cette expérience révèle donc l'harmonie de ce petit insecte avec son environnement, et nous en apprend un peu plus sur son incroyable intelligenceintelligence. Alors, pas si bête le termite !