Décriés et bannis dans la plupart des pays européens, les OGM ont pourtant des bénéfices à faire valoir. Et avec la crise du Covid, on a pu s’apercevoir combien l’innovation est nécessaire dans le domaine de la santé. L’agriculture doit suivre le même chemin, plaide Georges Freyssinet, président de l'Association française de biotechnologies végétales (AFBV).


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    Dans le monde, 29 pays cultivent aujourd'hui des OGM (organisme génétiquement modifiéorganisme génétiquement modifié), trois pays africains étant venus s'ajouter à la liste en 2019. Néanmoins, les surfaces stagnent à 190 millions d'hectares depuis plusieurs années. Car, dans de nombreuses régions, en particulier l'Europe, les réticences face aux plantes génétiquement modifiées demeurent extrêmement fortes. Georges Freyssinet, président de lAssociation française de biotechnologies végétalesbiotechnologies végétales (AFBV), nous explique pourquoi ces technologies sont pourtant indispensables.

    Depuis quelques années, on constate une stagnation des surfaces cultivées en OGM. Comment l’expliquez-vous ?

    On est arrivé à une saturation dans les marchés où ces produits sont cultivés. 74 % du sojasoja cultivé dans le monde est déjà OGM, de même que 79 % du coton ou 31 % du maïsmaïs. Aux États-Unis, 95 % des betteraves à sucresucre sont des OGM ! Depuis quelques années, on voit apparaître de nouveaux produits, par exemple, des aubergines ou de la canne à sucre résistantes aux insectes, des pommes, des ananas ou des peupliers, mais cela correspond à des petites surfaces. La Chine et la Russie, qui représentent un potentiel énorme, n'ont pas encore basculé. Imaginez que les Chinois se mettent à cultiver massivement du riz transgénique et là, on aurait une vraie avancée !
     

    Comment expliquez-vous les réticences du public face aux OGM ?

    Il faut bien avouer que les premiers OGM tolérants aux herbicides ne donnent pas forcément une bonne image. Mais je pense surtout que les gens ne perçoivent pas l'urgence à innover dans l'agriculture. Dans certaines régions, sans insecticidesinsecticides et sans herbicides, vous n'avez tout simplement pas de récolte ! Et avec le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, les insectes et les maladies risquent de se répandre sur de nouveaux territoires. Nos besoins alimentaires ne vont pas diminuer, donc toute baisse de rendement serait dramatique ! Or, les biotechnologies végétales permettent de résoudre en partie ce problème de productivité.

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    Dans le domaine de la santé, on utilise l’édition génomique depuis des années. Pourquoi ne voit-on pas la même opposition ?

    Quand il s'agit de santé, le public comprend immédiatement le bénéfice, ce qui n'est pas toujours le cas avec l'agriculture. Pourtant, une aubergine résistante aux insectes est non seulement plus avantageuse pour l'agriculteur, mais aussi pour le consommateur car le risque qu'elle contienne des insecticides est beaucoup plus faible. De plus, on n'a pas forcément conscience que ce sont les mêmes technologies que l'on utilise pour la santé et pour les plantes. Prenez les tests PCR, par exemple : ils sont énormément utilisés dans les protocolesprotocoles de contrôle de la qualité sanitaire des semences. Les vaccinsvaccins recombinants, comme celui d'AstraZenecaAstraZeneca, sont également fabriqués à partir des mêmes techniques d'édition génomiqueédition génomique, tout comme les anticorps monoclonaux.

    Faites-vous une différence entre les OGM et les nouvelles techniques d’édition génomiques type CRISPR ?

    Absolument. Avec les OGM, on introduit un nouveau gènegène dans la plante, qui peut être issu d'un autre organisme vivant (virus, bactériebactérie, etc). L'édition génomique, elle, se contente de modifier l'activité d'un gène endogèneendogène à la plante. C'est finalement un peu la même chose qu'un croisement naturel, mais en plus rapide et plus précis.

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    Si vous croisez une tomatetomate de culture avec une tomate sauvage dont vous voulez conserver un caractère (la concentration en sucre, par exemple), vous devez réaliser des « croisements de retour » pour se débarrasser de toute la partie du génomegénome qui ne vous intéresse pas. Ça prend au minimum deux ans et il reste parfois des caractères indésirables (amertume, tomate trop petite...)). L'édition génomique permet de cibler un caractère précis sans importer les autres gènes.

    En 2018, la Cour de justice de l'Union européenne a statué que les organismes obtenus par l’édition génomique étaient assimilables à des OGM et devaient donc être soumis à la même règlementation. En faudrait-il une différente pour ces deux techniques ?

    À l'AFBV, nous plaidons pour que les semences issues de l'édition génomique soient traitées de la même façon que les nouvelles semences issues des techniques de sélection traditionnelles. On doit s'intéresser à la sécurité et à l'intérêt du produit final et non pas à la méthode utilisée pour y parvenir !

    La papaye transgénique 55-1 exprime la protéine de capside du <em>papaya ringspot virus</em> (PRSV), ce qui la rend résistante à l'infection par ce virus. © jchizhe, Adobe Stock
    La papaye transgénique 55-1 exprime la protéine de capside du papaya ringspot virus (PRSV), ce qui la rend résistante à l'infection par ce virus. © jchizhe, Adobe Stock

    Où en est la recherche en France ?

    On fait encore de la recherche fondamentale dans les laboratoires pour étudier le rôle et le fonctionnement de tel ou tel gène. Mais la recherche appliquée a été massivement délocalisée à l'étranger, en grande partie aux États-Unis. Il y a trois raisons à cela. D'une part, vous avez là-bas plus de financements disponibles. En France, la recherche publique a coupé les budgets, et dans le privé, il y a une telle incertitude quant au retour sur investissement qu'on préfère ne pas prendre de risque. Le deuxième point, c'est la réglementation qui a atteint un niveau complètement déraisonnable en Europe. On demande une somme d'études parfois totalement inutiles par rapport au produit, cela prend énormément de temps et d'argentargent. Enfin, quand les chercheurs voient leurs champs saccagés, cela ne donne pas forcement confiance pour mener des essais sur le terrain !

    Finalement, êtes-vous optimiste quant à l’avenir des OGM et des biotechnologies végétales ?

    Ça dépend des jours ! (rires). Pour améliorer l'image des OGM, il faudrait sortir des produits dont l'intérêt est directement visible pour le consommateur. C'est le cas par exemple des pommes qui ne brunissent pas ou des pommes de terrepommes de terre sans acrylamideacrylamide [un composé toxique qui se forme lors de la cuisson]. Mais ce sont des petits marchés difficiles à rentabiliser par rapport aux énormes investissements nécessaires. On voit cependant que la perception du public peut changer très vite. Regardez, il y a 3 mois, personne ne voulait se faire vacciner avec un vaccin à ARNARN parce que c'était « trop nouveau ». Aujourd'hui tout le monde en veut !

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