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    Des erreurs scientifiques grossières ont parfois pu être présentées au public ; c'est le cas, par exemple, de cette recherche du gènegène de l'illégitimité, qui n'a pas été instantanément dénoncée par les généticiensgénéticiens de l'époque qui ne croyaient pourtant probablement pas à de telles sottises. D'autres aberrations existent également aujourd'hui dans d'autres domaines scientifiques, qui ne sont pas, elles non plus, toujours dénoncées avec force. En voici quelques exemples

    La forêt amazonienne "poumon de la planète"

    Dans le domaine écologique, on entend régulièrement parler de la forêt amazonienne comme du « poumonpoumon de la planète ». On sait que c'est faux (l'écosystèmeécosystème forestier consomme l'oxygène que produit sa végétation, sinon, cela voudrait dire qu'il stocke du carbone, ce que seules les tourbièrestourbières font). Pourtant les scientifiques ne dénoncent pas cette erreur à corcor et à cri. Pourquoi ? Parce que même si c'est une aberration, considérer la forêt amazonienne comme une source majeure d'oxygène, et donc demander sa préservation, va dans le sens du bien de l'humanité tel que le perçoivent les scientifiques. On ne dénonce alors une contre-vérité que si elle ne va pas dans le bon sens ! Au contraire, dire que la disparition d'une espèceespèce ne met pas en péril l'équilibre de la planète et l'espèce humaine est, dans la plupart des cas, correct et effectivement observé. Toutefois, un tel énoncé peut susciter de vives réactions parce que ça ne va pas dans le bon sens.

    Je trouve cette attitude très dangereuse ; l'éthique des scientifiques doit les amener à dire quand les choses sont fausses, même si elles vont dans le bon sens. Nous appartenons à une société à laquelle nous empruntons une métaphysique souvent non explicitée. Il est important que nous essayions d'expliciter les découvertes scientifiques, même lorsqu'elles paraissent évidentes, pour éviter toute dérive. On trouve souvent une mauvaise foi (une foi fondée sur de mauvaises raisons) et une dose d'irrationnel chez les scientifiques. Cet irrationnel les conduit à des discours et des actions qui, sous le prétexte d'aller dans le bon sens, me semblent parfois inquiétants.

    Le décryptage du génome

    On entend souvent dire que le décryptage du génomegénome est terminé et peu de gens rétablissent la vérité. Le génome n'a pas été décrypté, on l'a simplement « épelé ». Le séquençageséquençage du génome n'est pas synonyme de décryptage. Décrypter, c'est rendre compréhensible un message incompréhensible. Bien sûr, pour décrypter un message, il faut déjà en posséder la version « cryptée ». Mais le décryptage n'est pas la simple lecture, il suppose la compréhension. Et là, il reste encore beaucoup à faire. Et ceci à tous les niveaux même les plus simples. Par exemple, le dogme selon lequel la connaissance de la structure primaire d'une protéineprotéine permettrait de déterminer sa forme et d'en déduire sa fonction, n'est peut-être pas totalement fondé. A partir d'une séquence primaire d'acides aminésacides aminés, il existe de nombreuses structures spatiales possibles. La forme des protéines cristallisées au laboratoire est bien connue, mais on ne sait pas quelle forme se trouve sélectionnée lors de cette préparation des cristaux ; on ne sait pas non plus ce qui détermine la forme la plus couramment observée, ou la plus active, dans une cellule, ni si cette forme est la même dans toutes les cellules. On a en fait peu de connaissances sur la multiplicité des formes que peut prendre, dans différents contextes, une protéine dont on connaît la structure primaire. Si les prionsprions n'avaient pas les conséquences qu'on sait, peut-être continuerait-on à ne pas développer de recherches sur ce sujet, qui ne va pas dans le sens du dogme...

    Les OGM

    Si on fait s'exprimer un gène hors de son contexte habituel, le repliement de la protéine qui sera fabriquée peut ne pas être le repliement classique de la protéine produite par ce gène ; il serait en effet étonnant de toujours produire exactement le même repliement alors que l'on a modifié les conditions d'expression. Connaissant un gène, on est actuellement incapable de prédire avec certitude la structure de la protéine produite par ce gène dans un contexte donné.

    Certains affirment pouvoir comprendre les mécanismes en jeu dans les OGMOGM, puisque l'on sait sur quel(s) gène(s) portent les modifications. Les études de génétiquegénétique écologique ont montré qu'on ne connaît en général pas les effets d'un gène donné dans un environnement complexe. De plus, on n'est pas sûr que le gène exprime la même forme de protéine quand on l'a transféré d'un organisme dans un autre. Par conséquent, à l'heure actuelle, on ne sait rien concernant les OGM. Et ceux qui prétendent savoir font preuve d'une certaine mauvaise foi.

    Du rationnel et de l'irrationnel

    J'ai pu observer dans divers débats et même au cours de procès, des collègues scientifiques qui traitaient leurs contemporains d'irrationnels dont les inquiétudes menaçaient les progrès et les bienfaits de la science. Il est vrai qu'on entend régulièrement des citoyens s'inquiéter de ce qu'en « transgressant les lois de la nature », on ne prenne des risques inconsidérés. Ces transgressionstransgressions concernent par exemple le fait de nourrir des vachesvaches avec une alimentation carnée ou de transférer des gènes d'une espèce dans une autre. Cette façon de présenter la question est évidemment irrationnelle. Mais le fond l'est-il ? On l'a vu, la biologie est empirique. Elle ne peut affirmer que ce qu'elle a vu se produire de nombreuses fois, assez pour faire des statistiques. Son manque de fondement théorique ne lui permet donc pas de prédire l'évolution de situations nouvelles. Les transgressions qui inquiètent les citoyens sont exactement de cet ordre. Il s'agit de créer des situations qu'on n'a pas encore expérimenté. Au fond, s'en inquiéter, ce n'est peut-être pas aussi irrationnel que ça en a l'air. Dans ce cadre, au contraire, prétendre qu'on peut être affirmatif sur les conséquences est-ce de l'ordre de la science ?.

    De ce point de vue, j'ai entendu des collègues, biologistes moléculaires qui n'avaient jamais réalisé une étude en dehors de leur laboratoire et n'avaient aucune idée de ce qu'est la recherche en écologieécologie affirmer qu'il n'y avait rien à redouter concernant l'environnement du fait de l'introduction d'OGM dans les champs. Je trouve le discours de ces biologistes totalement irrationnel. Ils parlent de ce qu'ils ne connaissent pas et affirment des évidences qui n'en sont pas (voir plus haut). A irrationnel, irrationnel et demi, ne jouons pas trop avec cette critique, au risque, quand notre incapacité à prédire sera patente, qu'on ait fourni des arguments aux partisans du vrai irrationnel.