La dissémination des graines par les animaux n’est pas une découverte, mais l’on apprend que les poissons d’Amazonie en sont les champions ! Ils pourraient emporter avec eux les graines à plus de 5 kilomètres des arbres d’origine, laissant aux végétaux la possibilité de coloniser rapidement de nouveaux terrains.

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    La dispersion des graines est une étape cruciale pour la pérennisation des espèces végétales, puisqu'elle détermine la distribution géographique définitive des jeunes générations. Malheureusement, les végétaux étant immobiles et fixés au sol, ils ne peuvent pas compter sur eux-mêmes pour coloniser de nouveaux horizons ; ils profitent donc de la mobilité d'autres espèces pour se répandre sans effort.

    Les animaux frugivoresfrugivores sont ainsi connus pour jouer un rôle actif dans ce domaine, grâce à leur consommation de fruits et donc de graines, qui transitent par leur système digestif et sont ensuite relarguées un peu plus loin par défécationdéfécation. Comble de la coévolution, certaines graines ne peuvent germer que lorsque leur coque est ramollie par les enzymes digestivesenzymes digestives des animaux !

    Les poissons pratiquent l’endozoochorie...

    Mais alors que le rôle des espèces terrestres dans l'endozoochorie (c'est le nom de ce mécanisme) a été bien étudié, à l'image des oiseaux, des chauves-souris ou des singes, on ne sait que peu de choses sur le rôle d'autres vertébrés comme les poissons, qui n'ont que rarement intéressé les biologistes. Ce vide a été comblé en 2009 par une équipe de biologistes américains, qui avaient étudié les poissons géants d'Amazonie Colossoma macropomum ou Piaractus brachypomus (qui peuvent atteindre 1 mètre de long) dans leur milieu naturel au sein de la réserve nationale du Pacaya-Samiria au Pérou.

    Le Pantanal est l'une des régions amazoniennes touchées par des crues annuelles. © Claudyo Casares, Wikimedia, domaine public

    Le Pantanal est l'une des régions amazoniennes touchées par des crues annuelles. © Claudyo Casares, Wikimedia, domaine public

    Ils avaient remarqué la présence de milliers de graines provenant de diverses espèces arboricolesarboricoles dans l'estomacestomac de ces poissons. En effet, de nombreux fruits tombent directement dans l'eau à la saison des pluies, lorsque la forêt amazonienne est inondée. Les poissons frugivores nageant aux pieds des arbres peuvent donc facilement s'en régaler.

    Un modèle basé sur deux paramètres biologiques

    S'ils avaient pu montrer que les graines ne perdaient pas leur capacité à germer après leur passage dans le tractus gastrogastro-intestinal, une question restait néanmoins sans réponse. La distance parcourue par les graines a alors été abordée dans une nouvelle publication parue dans la revue Proceedings of the Royal Society B.

    Pendant trois ans, les trajets des Colossoma sauvages ont été enregistrés, et la duréedurée de rétention des graines dans le système digestif de ce même poisson en captivité a été finement analysée. Le modèle de prédiction, prenant en compte ces deux paramètres, indique par le calcul que les graines peuvent être disséminées de cette façon à de très grandes distances !

    Jusqu’à plus de 5 kilomètres !

    Ainsi, la moyenne serait de 337 à 552 mètres, mais le modèle prévoit que près de 5 % des graines pourraient se propager à plus de 1.700 voire 2.100 mètres de l'endroit où le fruit a été trouvé, et donc de l'arbre d'où il provient. Le voyage pourrait même atteindre un maximum de 5.495 mètres dans les meilleures conditions. De génération en génération, les plantes peuvent ainsi vite se répandre !

    Ces chiffres sont impressionnants dans le sens où ils surpassent, et de loin, la majorité de distances permises par d'autres animaux frugivores. Malheureusement, si la grande taille et donc l'âge avancé des poissons est l'un des facteurs nécessaires à une bonne dissémination, la surpêche entraîne une diminution progressive de la taille moyenne des poissons et diminue par là même la distance parcourue par les graines.