Nos origines remontent aux premières étoiles dans les premières galaxies apparues après le Big Bang. Ce dossier décrit comment l'exploration des strates de temps dans l'Univers peut permettre de comprendre comment les galaxies se sont assemblées au cours de 13,7 milliards d'années d'évolution.
La cosmologie observationnelle est un domaine fascinant où l'exploration de territoires vierges fait partie du quotidien des chercheurs. Les questions posées sont fondamentales et touchent à nos origines : comment se sont formées les premières étoiles et galaxies, quelle est la séquence d'évolution qui a conduit à des galaxies comme notre Voie Lactée, et qui a produit in fine la vie sur une planète orbitant autour d'une étoile fabriquée par cette gigantesque machine « Univers » ?
Nous vivons des années extraordinaires. Pour la première fois, nous avons élaboré un modèle d'Univers qui rend compte de l'essentiel des observations, basé sur la théorie du Big Bang. Après des décennies de controverses, il semble que nous ayons une mesure précise de l'âge de l'Univers avec 13,7 milliards d'années, et de son contenu fait de 4 % de matière « baryonique », les atomes et molécules que nous connaissons bien, de 22 % de matière sombre dont les effets gravitationnels se font imperturbablement sentir, et de 74 % d'énergie dite sombre, apparentée à une mystérieuse énergie du vide (voir figure 3).
La composition de l'Univers : une « soupe cosmique »
Si l'on mettait ces ingrédients et quelques autres dans une éprouvette, en accélérant le temps, on devrait obtenir toute la « soupe cosmique » des étoiles et autres galaxies. Tout pourrait être parti des minuscules fluctuations dans la densité de l'Univers, après les toutes premières phases d'inflation puis de recombinaison. Ces fluctuations sont maintenant observées dans la carte du fond de ciel cosmologique dont la température de 2,7 degrés au-dessus du froid absolu (soit environ -270 degrés centigrades !) est le résidu fossile de l'explosion primordiale exactement prédit par la théorie du Big Bang. Cette température n'est en effet pas uniforme, on mesure des fluctuations de température infimes de l'ordre de 1/100.000e de degré.
Le satellite Cobe, puis WMAP ont produit des cartes détaillées de ces fluctuations sur tout le ciel. Pour des données encore plus précises, en 2009, l'Agence spatiale européenne lançait les observatoires Planck et Herschel réalisés par Thales Alenia Space.
L'incroyable est que dans ces fluctuations de température l'on puisse extraire les paramètres fondamentaux qui décrivent notre Univers : son âge, la quantité de baryons et de matière noire, la part de cette fameuse énergie noire, ainsi que l'époque dite « de réionisation ». Chaque petite fluctuation présente dans cette carte qui représente l'Univers 300.000 ans après le Big Bang va ensuite évoluer sous l'action de la gravité, et constituer un halo de matière qui grossit en avalant ses voisins. C'est à cette époque que l'on pense que les premières étoiles et galaxies ont pu commencer à s'assembler et que leur luminosité a pu dissiper les voiles de l'âge noir. Dans chaque halo de matière, une partie se condense à un point tel que des réactions thermonucléaires s'enclenchent et que les premières étoiles naissent, une autre partie importante restant sous forme de matière noire (qui ne rayonne pas) assurant la cohésion de l'ensemble.
La structure complexe du milieu interstellaire
Les galaxies s'assemblent en groupes et en amas, en filaments, des régions de l'Univers restent vides, ainsi naît la structure complexe de l'Univers observée par les grands sondages de galaxies dans notre environnement proche (sondages 2dFGRS, Figure 6 ; Sloan Digital Sky Survey). Le devenir de l'Univers dépend de la quantité de matière totale présente dans l'Univers. Les mesures de l'expansion de l'Univers avec WMAP, avec les balises que sont les supernovas et avec le cisaillement gravitationnel produit sur la propagation de la lumière par la matière sur la ligne de visée, indiquent un univers dominé à 74 % par l'énergie noire, 22 % par la matière noire et 4 % par l'ensemble de la matière telle que celle qui nous entoure. Autrement dit, 74 % du contenu de l'Univers nous est totalement inconnu, nous avons des idées mais aucune preuve pour 22 %, et nous nous attachons à mesurer avec précision l'ensemble des étoiles et galaxies qui constituent les derniers 4 % en espérant obtenir des informations indirectes sur les 96 % restants !
Les simulations numériques utilisant les supercalculateurs les plus puissants du monde font office d'éprouvette pour les apprentis faiseurs d'Univers. On injecte tous les ingrédients qui caractérisent l'Univers, on ajoute la gravitation, les processus physiques qui régulent la formation et la mort des étoiles, et les interactions diverses entre étoiles, gaz et poussières. Le résultat est étonnant de précision, les simulations reproduisent les observations avec un luxe de détails. Le « Millennium run », la plus grande simulation à ce jour conduite par le consortium Virgo contient plus de 10 milliards de particules qui ont évolué dans les mémoires des superordinateurs pendant plusieurs semaines.

Pour autant, aussi spectaculaires que soient ces résultats pour reproduire les grandes lignes (voir Figure 4 et Figure 5), ils sont loin de reproduire l'ensemble des observables et de nombreuses zones d'ombre demeurent, en partie parce que les ordinateurs ne peuvent représenter chaque galaxie que par quelques particules, mais aussi par notre ignorance des phénomènes fins qui régissent la physique des galaxies.