Dans un semi-conducteur se transformant en isolant doué de propriétés magnétiques, un groupe de chercheurs a vu émerger une structure fractale associée aux ondes de matière des électrons. Lié à la localisation d’Anderson, ce phénomène pourrait avoir des applications prometteuses en spintronique.

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    Le monde des fractales a été révélé au grand public en grande partie grâce aux ordinateursordinateurs modernes et à Benoît Mandelbrot. Ces objets géométriques, dit autosimilaires, et possédant des dimensions spatiales fractionnaires étaient en réalité connus par des mathématiciensmathématiciens du début du XXe siècle, comme Von Koch, Peano, Sierpinski et Menger, sans oublier Cantor.

    Est souvent associée à l'idée de fractale la notion de courbe continue mais non dérivable, en raison de l'extrême complexité de cette courbe. On parle ainsi souvent de courbe fractale pour la trajectoire chaotique et en zigzags d'un particule soumise à un mouvement brownien. Il n'est pas rare non plus, d'un point de vue pédagogique, de présenter d'une façon intuitive le comportement complexe d'une trajectoire associée à une particule quantique par une courbe fractale.

    Cette analogieanalogie ne doit cependant pas être poussée trop loin car c'est la notion même de particule possédant simultanément une vitesse et une position qui est rejeté en physique quantique. Un quanta de lumière ou de matièrematière est simplement autre que toute image classique, fût-elle corrigée par des concepts issus de la théorie des fractales.

    Au cours des années 1980, beaucoup de chercheurs ont trouvé des fractales un peu partout dans la nature, par exemple dans les réseaux de rivières, les plantes, les nuagesnuages et même dans la répartition des amas de galaxiesamas de galaxies. On découvrit ainsi que des algorithmes exploitant la nature des courbes et surfaces fractales étaient un bon moyen d'engendrer des formes naturelles à l'aide d'un ordinateur, comme des montagnes, des rivages, des gerbes d'éclairséclairs, etc.

    Selon une équipe de Princeton dirigée par Ali Yazdani, on retrouve aussi les fractales dans les figures d'interférencesinterférences responsables de la localisation des électronsélectrons lorsqu'un semi-conducteursemi-conducteur devient un isolant. La découverte exposée dans un article de Science était totalement imprévue car les chercheurs exploraient alors des questions liées à un domaine de recherche plein d'avenir, la spintronique.

    Cette nouvelle forme d'électronique devrait permettre de miniaturiser encore les ordinateurs et leur mémoire en manipulant non plus la charge mais le moment cinétiquemoment cinétique intrinsèque des électrons, c'est-à-dire leur spinspin. Celui-ci joue un rôle important dans les phénomènes magnétiques et c'est pourquoi les physiciensphysiciens de la matière condensée cherchent à comprendre les répartitions de charges des électrons dans de l'arséniure de galium dopé au manganèsemanganèse lorsque celui-ci, de semi-conducteur, devient un isolant ferromagnétiqueferromagnétique.

    Un microscope à effet tunnelmicroscope à effet tunnel est utilisé pour mesurer à l'échelle atomique le comportement des ondes de matière associées aux électrons dans le matériaumatériau étudié. Avant la transition, les ondes électroniques dans le semi-conducteur occupent tout son espace, de sorte que les électrons sont d'une certaine façon également répartis dans le solidesolide. Mais lorsqu'on force ce dernier à devenir un isolant, il se produit un phénomène théorisé en 1958 par le prix Nobel de Physique P.W. Anderson.

    Le prix Nobel Philip Warren Anderson. Crédit : <em>Texas A&amp;M University-Commerce</em>

    Le prix Nobel Philip Warren Anderson. Crédit : Texas A&M University-Commerce

    La localisation d'Anderson permet d'expliquer les modifications du transport électronique dans un réseau cristallinréseau cristallin en présence d'impuretés. Elle est en fait commune à tous les types d'ondes se propageant dans un milieu désordonné, qu'elles soient électroniques ou non. On a observé cette localisation avec les ondes lumineuses, les micro-ondes, les ondes acoustiques, dans les gazgaz d'électrons et récemment avec des ondes de matière atomique. Mais c'est la première fois qu'on l'observe directement lors du passage de l'état semi-conducteur à isolant ferromagnétique.

    Dans le cas présent, les électrons, lors du passage à l'état d'isolant de l'arséniure de galium dopé, auront tendance à se rassembler dans des zones et même à s'y trouver piégés. La répartition des charges associée aux figures d'interférences complexes des ondes électroniques prend alors une forme similaire à celle d'un chapelet de récifs coralliensrécifs coralliens émergés et vus du ciel. Leur altitude est alors difficile à évaluer puisqu'un zoom montre toujours la même structure invariante avec l'échelle. La structure émergente fait aussi penser à celle que l'on peut observer dans les fluides turbulents.

    Cette structure fractale a été une surprise pour les chercheurs et, surtout, elle implique que contrairement à ce qu'ils croyaient, les zones aimantées résultant de l'alignement des spins des électrons ne sont pas uniformément réparties dans l'arséniure de galium. L'aimantationaimantation se concentre en effet dans plusieurs régions plus ou poins isolées les unes des autres.

    Cette meilleure compréhension de ces phénomènes dans l'arséniure de galliumgallium dopé au manganèse est importante. En effet, ce matériau est au cœur de nombreuses avancées technologiques récentes. Une compréhension précise du magnétismemagnétisme de ces semi-conducteurs - et comment la contrôler - est nécessaire pour la réalisation de puces d'ordinateurs capables à la fois traiter et stocker l'information.

    Dans les ordinateurs actuels les puces au siliciumsilicium sont utilisées pour traiter l'information, laquelle est ensuite stockée dans des disques dursdisques durs comportant des matériaux magnétiques, comme le ferfer. Si le magnétisme d'un matériau semi-conducteur pouvait être modulé à volonté, la même puce pourrait être utilisée à ces deux fins, ouvrant la voie à des ordinateurs plus petits et plus efficaces.