Plus d’une semaine après la mise à poste ratée des deux premiers satellites de la phase opérationnelle de Galileo (FOC), l’Agence spatiale européenne retrouve le sourire. Malgré la mauvaise orbite sur laquelle ils se trouvent, ces deux satellites seront bien plus utiles qu’on l'a imaginé dans un premier temps.

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    Le 22 août, un lanceur russe SoyouzSoyouz a décollé de son pas de tir du Centre spatial guyanais avec à son bord deux satellites Galileo. En raison d'un problème survenu dans l'étage supérieur Fregat, les deux satellites n'ont pas été placés sur l'orbite circulaire visée, à quelque 23.200 kilomètres de la Terre. Ils se trouvent aujourd'hui sur une orbite elliptique de 25.900 km d'apogée et 13.700 km de périgée. Qui plus est, ils ne sont pas sur le bon plan orbital : 49,68° au lieu de 56°.

    Au sol, la plupart des opérations sont menées depuis l'Esoc, le Centre de contrôle de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne situé à Darmstadt, en Allemagne, par une équipe rassemblant des personnels de l'Esa et du Cnes en coopération avec OHB, l'entreprise allemande qui a construit ces deux satellites. Bien qu'ils se situent sur une orbite très différente de celle qui était visée, les satellites sont en sécurité et sous contrôle. Ils pointent correctement vers le SoleilSoleil, leur panneaux solaires ont été déployés et fonctionnent normalement. Les contrôleurs au sol s'apprêtent à débuter la phase dite de LEOP (Launch and Early Orbit Phase) ou phase de lancement et de mise en orbite initiale.

    En effet, aussi surprenant que cela puisse paraître, l'Agence spatiale européenne va mettre en route ces deux satellites. En temps normal, cette phase débute après la séparationséparation d'un satellite et dure jusqu'au moment où il est positionné sur son orbite définitive. Différente d'un satellite à un autre, elle peut durer quelques jours comme plusieurs semaines. Lors d'une LEOP, le but est de déployer progressivement les équipements de chaque satellite et d'en optimiser la duréedurée de vie en assurant une mise à poste la moins consommatrice en carburant.

    Vue d'artiste qui montre comment seront déployés les 30 satellites Galileo autour de la Terre sur trois plans orbitaux différents. © Esa, P. Carril

    Vue d'artiste qui montre comment seront déployés les 30 satellites Galileo autour de la Terre sur trois plans orbitaux différents. © Esa, P. Carril

    Les satellites perdus ne serviront pas au positionnement par Galileo

    Dans le cas de ces deux satellites Galileo, elle a seulement pour objectif de préparer leur mise en service et de s'assurer qu'ils fonctionnent. En effet, s'ils ne sont pas les premiers satellites Galileo en orbite, ces deux-là sont les premiers dits opérationnels et font partie d'une série construite à la chaîne par OHB. Les précédents satellites déjà en l'airair, les Giove et IOV, ont eux été construits par Airbus Espace et Thales Alenia Space. Il est donc très important de s'assurer que la série d'OHB fonctionne correctement. C'est pourquoi la recette de ces deux satellites sera faite et les charges utiles testées. Et pour l'Esa, réaliser ces deux phases, la LEOP et la recette, est un succès qui sauve une grande partie de la mission.

    En parallèle, les équipes de l'Esa et du Cnes étudient différents scénarios pour utiliser et exploiter au mieux ces deux satellites en dépit de leur mauvaise orbite. Il semble certain, toutefois, qu'ils ne seront jamais intégrés à la constellation Galileoconstellation Galileo. L'idée de rehausser leur orbite et les amener à la bonne position a été abandonnée. Ce n'est pas parce que l'Esa ne le sait pas le faire mais parce que cette manœuvre est impossible dans le cas de présent. Dans le passé, elle a montré avec les satellites HipparcosHipparcos (prédécesseur de Gaia) et Artemis (satellites de télécommunications avancées) qu'elle pouvait récupérer des satellites ayant rencontré un problème similaire. Dans le cas d'Artemis, c'est son moteur d'apogéemoteur d'apogée qui était tombé en panne, plaçant le satellite sur une orbite à 17.000 km au lieu des 36.000 km visés. Quant à Hipparcos, son moteur a manqué la circularisation de l'orbite. Dans les deux cas, les moteurs de maintien à poste ont été mis à contribution, pour rehausser l'orbite d'Artemis et le périgée d'Hipparcos.

    Concernant les deux satellites Galileo, il faut savoir que pour circulariser l'orbite à 23.200 km à partir d'un périgée à 17.000 km, il faut une augmentation de vitessevitesse de 186 m/s au minimum. À cela s'ajoute la correction de 5° d'inclinaison pour laquelle il en faut 349. Si on n'a pas de chance au niveau de l'orientation de l'orbite, la correction totale est la somme des deux, soit 477 m/s. Dans le cas extrême le plus optimiste, non crédible, c'est la somme quadratique, soit 395 m/s.

    Or, les satellites Galileo ne possèdent pas de moteur d'apogée. La propulsion est à l'hydrazinehydrazine avec une ISPISP de 220 s dans le meilleur des cas. Elle est seulement prévue pour le maintien à poste. Pour un satellite de 730 kgkg, il faut une massemasse d'ergolsergols variant de 147 à 180 kg. Malheureusement, au lancement, les deux satellites en embarquaient seulement 75 kg. De plus, si on épuise toutes leurs réserves d'hydrazine, les satellites deviennent incontrôlables.

    Enfin, et même avec des réserves d'hydrazine suffisantes, cela aurait pris beaucoup de temps et l'Esa n'en dispose pas. Les premiers services Galileo ont déjà plusieurs années de retard sur le planning initial. Pour rappel, Artemis a rejoint sa position géostationnaire au bout de 18 mois !

    L'étage Fregat avait reçu un ordre incorrect

    Quant à la reconstruction de ces deux satellites, elle ne serait pas justifiée. Il faut savoir qu'en l'état, la constellation Galileo est constituée de 30 satellites répartis sur trois plans orbitaux inclinés de 56° par rapport au plan équatorial. Sur cette armada, trois sont en réserve. Autrement dit, il n'est pas nécessaire de les remplacer d'autant plus que dans quelques années, il sera question du renouvellement de la flotte des satellites alors en service.

    Du côté d'ArianespaceArianespace, on a mis en place une commission d'enquête indépendante et présidée par Peter Dubock, ancien inspecteur général de l'Esa. Cette commission a pour mandat d'établir les circonstances de l'anomalieanomalie, d'en identifier les causes et les facteurs aggravants, et de faire les recommandations permettant de corriger le défaut identifié. « Nous souhaitons que ces préconisations permettent un retour en vol rapide et dans les conditions de fiabilité requises du lanceur Soyouz depuis le CSG » a déclaré Stéphane Israël, président-directeur général d'Arianespace.

    L'explication de ce ratage, donnée par Jean-Yves Le Gall, coordinateur interministériel français du programme Galileo et président du Cnes, est que « pour une raison encore inconnue, la deuxième impulsion n'a pas été donnée dans la bonne direction ». Et cette raison inconnue pourrait être un défaut dans le logiciellogiciel qui pilote l'étage supérieur Fregat du lanceur Soyouz. Cela est dit avec toutes les précautions qui s'imposent. Autrement dit, Fregat a reçu une mission de vol incorrect et a fonctionné en pleine conformité avec le logiciel embarqué. Il a donc livré les satellites là où son ordinateurordinateur de bord lui a demandé de le faire. Il est certain qu'il ne s'agit pas d'un problème de conception. Cet étage a en effet fonctionné plus d'une quarantaine de fois, de sorte que cela s'apparente à un problème de production ou de qualité.

    Cependant, Arianepace devra expliquer pourquoi, dans un premier temps, elle a annoncé le succès de la mise à poste des deux satellites avant de se rétracter quelques heures plus tard.