Les agences spatiales ont conscience que l'on ne peut envisager d'envoyer des humains sur d'autres planètes sans utiliser les ressources locales qu'il s'agisse d’énergie, d’eau, de matériaux servant à la construction et d’oxygène. En prévision des futures missions habitées de longue durée sur la Lune, Thales Alenia Space réalisera pour l’ESA un démonstrateur de charge utile d’extraction d’oxygène à partir de roche lunaire. Interview de Roger Ward, directeur technique de Thales Alenia Space en Angleterre.


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    Thales Alenia Space a remporté un contrat de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) pour réaliser un démonstrateurdémonstrateur lunaire permettant d'extraire de l'oxygène sur la Lune. Comme l'explique Roger Ward, directeur technique de Thales Alenia Space en Angleterre, pour « pouvoir résider durablement sur la Lune, les astronautes devront exploiter les ressources qu'ils trouveront in situ plutôt que de les transporter depuis la Terre ». C'est notamment le cas de l'oxygène qui sera utile à la respiration des humains et à la production d'ergols. En effet, on voit mal l'Homme transporter depuis la Terre tous ses besoins indispensables sur la Lune, surtout s'il compte y résider pendant de très longues périodes.

    Le défi complexe de créer de l’oxygène sur la Lune pour y permettre la vie humaine

    Ce démonstrateur devra valider la capacité d'utilisation des ressources in situ (ISRU - In Situ Resource Utilisation), en l'occurrence la production d'oxygène, dans les quantités requises par les futures colonies lunaires. Pour cela, il utilisera du sel fondu et l'électrolyse pour extraire de l'oxygène à partir de roche lunaire, ou « régolitherégolithe ».

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    « En avant vers la Lune ! » Interview de Didier Schmitt, expert sur l'exploration humaine et robotique à l'ESA

    Dans le détail, l'Agence spatiale européenne souhaite que ce démonstrateur extraie de 50 à 100 grammes d'oxygène du régolithe lunaire avec une capacité à extraire 70 % de l'oxygène présent dans un échantillon. Autre contrainte, la démonstration est à réaliser dans un délai de 10 jours. Cette contrainte s'explique par la volonté de l'ESA de limiter les coûts du démonstrateur qui fonctionnera avec l'énergieénergie solaire, pendant une seule journée lunaire qui, rappelons-le, dure 15 jours. La mission s'éteindra et se terminera à la nuit tombée, faute d'énergie.

    Ce démonstrateur sera conçu pour voler sur une gamme d'atterrisseurs lunaires potentiels, dont bien évidemment l'alunisseur multirôle European Large Logistic Lander (E3L) de l'ESA.

    Le saviez-vous ?

    Des échantillons de la Lune rapportés sur Terre confirment que le régolithe lunaire est composé de 40 à 45 % d'oxygène en poids, son élément le plus abondant. La difficulté est que cet oxygène est lié chimiquement sous forme d'oxydes de minéraux ou de verre, de sorte qu'il n'est pas utilisable sous cette forme, d'où la nécessité de « l'extraire » du régolithe.

    L'atterrisseur lunaire EL3 de l'Agence spatiale européenne. Ce système de transport autonome pourra servir à la logistique de support des missions Artemis avec la capacité de transporter jusqu'à 1,7 tonne de fret vers n'importe quel endroit de la surface lunaire. © ESA, ATG Medialab
    L'atterrisseur lunaire EL3 de l'Agence spatiale européenne. Ce système de transport autonome pourra servir à la logistique de support des missions Artemis avec la capacité de transporter jusqu'à 1,7 tonne de fret vers n'importe quel endroit de la surface lunaire. © ESA, ATG Medialab

    La parole est donnée à Roger Ward, directeur technique de Thales Alenia Space en Angleterre.

    Futura : Thales Alenia Space a-t-elle déjà une idée de la technique d'extraction qu'elle souhaite tester et utiliser sur la Lune ?

    Roger Ward : L'équipe de Thales Alenia Space utilise le procédé Metalysis FFC, développé au Royaume-Uni, pour extraire l'oxygène par électrolyse et sel fondu.

    Futura : Il semble que l'utilisation de l'électrolyse ne soit pas optimale. Qu’en pensez-vous ?

    Roger Ward : L'optimisation de tout processus fonctionnant sur la Lune doit prendre en compte de nombreux aspects différents, au-delà des performances du processus sur Terre. Le projet évalue continuellement la conception pour déterminer la quantité d'oxygène produite par rapport à la massemasse et à la puissance. Nous sommes parfaitement conscients que tout processus fonctionnant sur la Lune doit être plus rentable que l'apport d'oxygène depuis la Terre.

    Futura : Votre démonstrateur devrait extraire de 50 à 100 grammes d’oxygène pour valider le concept ainsi que les choix technologiques ?

    Roger Ward : Au-delà de l'aspect « quantité d'oxygène produit », notre démonstrateur a pour but de caractériser pleinement le fonctionnement du procédé sur la Lune.

    Futura : Mais, quel rendement visez-vous pour une unité opérationnelle ? De 300 à 400 litres d’oxygène pour un kilogramme de régolithe ?

    Roger Ward : Le concept de charge utile est modulaire, évolutif et principalement conçu pour démontrer que les technologies fonctionnent et pour optimiser les processus et les matériaux utilisés. Certains de ces processus et matériaux sont nouveaux pour le projet et le rendement d'une unité opérationnelle ne peut donc pas être divulgué pour le moment.

    Futura : Quelles sont les contraintes imposées par l’Agence spatiale européenne ?

    Roger Ward : L'accent est mis sur la démonstration du procédé et de la technologie qui rendraient l'oxygène généré sur la Lune moins cher que l'oxygène transporté depuis la Terre.

    Futura : Quelles sont les principales difficultés pour concevoir un tel équipement ? La gravité est-elle un problème majeur ?

    Roger Ward : La gravitégravité n'est pas le principal défi. Les principaux défis sont le sol lunaire, ou régolithe, et le sel fondu. Le régolithe lunaire ne ressemble à rien de ce que l'on trouve sur Terre, car il est produit dans le vide par le bombardement de particules lourdes par le vent solairevent solaire et la collision de météoritesmétéorites. En l'absence d'humidité et d'atmosphèreatmosphère, les particules sont très petites, parfois chargées d'électricité statique et déchiquetées, ce qui rend le régolithe très collant et très difficile à manipuler et à traiter. Le sel fondu sera à une température élevée, ce qui ne pose pas trop de problèmes sur Terre, mais à la surface de la Lune, l'utilisation de matériaux aérospatiaux légers et le vide sont très difficiles. Par conséquent, pour relever ces deux défis technologiques (et bien d'autres), un programme de tests technologiques sera réalisé sur Terre afin de s'assurer que l'équipement et le processus fonctionnent dans un environnement aussi représentatif que possible avant la constructionconstruction finale pour le lancement.

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