En 2017, des ondes gravitationnelles étaient détectées par les observatoires Ligo et Virgo de manière simultanée pour la première fois. Il a ensuite été établi que le signal responsable, nommé GW170817, provenait d'une fusion d'étoiles à neutrons. Des chercheurs se sont de nouveau penchés sur ce signal. Et ils ont découvert que, contre toute attente, la forme créée par cette fusion était sphérique !


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    Voilà plus de cinq ans que LigoLigo et VirgoVirgo ont détecté pour la première fois des ondes gravitationnelles de manière simultanée. Le signal en question a été identifié en provenance de la galaxie NGC 4993 à près de 140 années-lumière, et nommé GW170817. L'événement correspondant au signal, dénommé AT 2017gfo, a depuis fait l'objet de nombreuses études. Il a été établi qu'il s'agissait d'une kilonova : une explosion violente de deux étoiles à neutrons. Depuis, on sait que les sursauts gamma courts, et certains gamma longs, proviennent de ces cataclysmes astrophysiquesastrophysiques. Et un précurseur de kilonova a récemment été découvert, montrant la façon dont ces étranges systèmes se forment !

    Le télescope ultraviolet/optique de Swift a imagé la kilonova produite par la fusion d'étoiles à neutrons dans la galaxie NGC 4993 (encadré) le 18 août 2017, environ 15 heures après la détection des ondes gravitationnelles et du sursaut gamma. © NASA, Swift
    Le télescope ultraviolet/optique de Swift a imagé la kilonova produite par la fusion d'étoiles à neutrons dans la galaxie NGC 4993 (encadré) le 18 août 2017, environ 15 heures après la détection des ondes gravitationnelles et du sursaut gamma. © NASA, Swift

    Contre toute attente, la collision serait sphérique

    Une nouvelle étude publiée dans Nature a tenté d'établir la forme que prennent ces événements. Des chercheurs de l'université de Copenhague ont reproduit la fusionfusion des deux étoiles à neutrons qui composent T 2017gfo, en s'aidant des données recueillies. « Vous avez deux étoiles super compactes qui tournent l'une autour de l'autre 100 fois par seconde avant de s'effondrer. Notre intuition et tous les modèles précédents disent que le nuagenuage d'explosion créé par la collision doit avoir une forme aplatie et plutôt asymétriqueasymétrique », explique Albert Sneppen, premier auteur de l'étude et doctorant à l'Institut Niels BohrNiels Bohr.

    Et les simulations montrent l'inverse, et révèlent que l'explosion violente a pris la forme d'une sphère presque parfaite, et symétrique ! « Personne ne s'attendait à ce que l'explosion ressemble à ceci. Cela n'a aucun sens qu'elle soit sphérique, comme une balle. Mais nos calculs montrent clairement que c'est le cas. Cela signifie probablement que les théories et les simulations de kilonovae que nous avons envisagées au cours des 25 dernières années manquent de physiquephysique importante », déclare Darach Watson, co-auteur de l'étude et professeur associé à l'Institut Niels Bohr.

    Une illustration d'explosion sphérique telle qu'a eu lieu celle de la kilonova enregistrée en 2017. © Albert Sneppen
    Une illustration d'explosion sphérique telle qu'a eu lieu celle de la kilonova enregistrée en 2017. © Albert Sneppen

    D'après les chercheurs, la cause se trouverait dans la force de l'explosion. Car durant le processus, les deux étoiles deviennent partiellement une géante stellaire, avant que les forces de gravitégravité ne la fassent s'effondrer sur elle-même. C'est pendant ce court laps de temps qu'une énergieénergie colossale se dégage du cœur de l'astreastre, causée notamment par les désintégrations radioactives, selon l'étude, permettant de rendre l'explosion sphérique, éjectant matièrematière et rayonnement à très grande vitessevitesse dans toutes les directions. Un scénario plausible, quand on sait que le résultat de cette fusion sera un trou noirtrou noir

    Vers une réponse à cette énigme cosmique ?

    Mais qu'est-ce qui cause cette explosion violente ? « Peut-être qu'une sorte de "bombe magnétique" est créée au moment où l'énergie de l'énorme champ magnétiquechamp magnétique de l'étoile à neutrons hypermassif est libérée lorsque l'étoile s'effondre dans un trou noir. La libération d'énergie magnétique pourrait faire en sorte que la matière de l'explosion soit distribuée plus sphériquement. Dans ce cas, la naissance du trou noir peut être très énergétique », continue Darach Watson.

    Reste aussi à expliquer la création d'éléments lourds. Car il est admis que ce sont les kilonovas qui créent les atomesatomes au-delà de l'or, grâce à l'envoi de neutrons à haute énergie sur des atomes. Ces derniers capturent alors les neutrons dans leur noyau, devenant ainsi de plus en plus lourds et riches en neutrons. Or, dans le modèle des chercheurs, l'explosion parfaitement symétrique ne permet pas de créer des zones plus denses en neutrons, à l'origine de ce phénomène de capture neutronique.

    L'origine astrophysique des éléments de la table périodique. Ceux créés par des kilonovas sont ceux correspondant à « <em>merging neutron star</em> », et comprennent notamment l'argent et l'or. © Nasa
    L'origine astrophysique des éléments de la table périodique. Ceux créés par des kilonovas sont ceux correspondant à « merging neutron star », et comprennent notamment l'argent et l'or. © Nasa

    Tout pourrait être une question de neutrinos« Une idée alternative est que dans les millisecondes que vit l'étoile à neutrons hypermassive, elle émet très puissamment, y compris éventuellement un grand nombre de neutrinosneutrinos. Les neutrinos peuvent provoquer la conversion des neutrons en protonsprotons et en électronsélectrons, et ainsi créer des éléments plus légers dans l'ensemble. Cette idée présente également des lacunes, mais nous pensons que les neutrinos jouent un rôle encore plus important que nous ne le pensions », déclare Albert SneppenD'autres études devront être effectuées pour confirmer l'origine de ce dégagement d'énergie.


    Qu'est-ce qu'une kilonova dont des rémanents viennent d'être détectés pour la première fois ?

    En étudiant le signal GW170817, issu de la fusion de deux étoiles à neutrons et résultant, entre autres, en une kilonova, une équipe d'astronomesastronomes pointe le caractère singulier du phénomène, dont un flux de rayonnements X rémanentrémanent susceptible d'apporter des indices sur la nature de l'objet résultant de la fusion de ces deux étoiles massives.

    Article de Gaspard SalomonGaspard Salomon paru le 06/03/2022

    Détecté le 17 août 2017 dans la galaxie NGC 4993 grâce aux instruments Ligo et Virgo (deux interféromètresinterféromètres conçus pour détecter des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles), GW170817 est un signal attribué à une observation directe d'ondes gravitationnelles. Décrites comme des oscillations de la courbure de l’espace-temps qui se propagent depuis une source, les ondes gravitationnelles avaient été prédites par Albert EinsteinEinstein dès 1916, mais il a fallu attendre près de cent ans pour que la première observation d'ondes gravitationnelles soit réalisée, en septembre 2015.

    Un signal bien singulier

    D'après les astrophysiciensastrophysiciens, ce signal aurait été émis à la suite de la fusion entre deux étoiles à neutrons. Mais ce qui fait sa particularité, c'est la détection d'ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques qui lui est associée : c'est la première fois qu'un phénomène astronomique est détecté à la fois sous forme d'ondes gravitationnelles, ainsi que sous forme lumineuse. En effet, un sursaut gamma (GRB170817A), associé à GW170817, a été détecté par le Fermi Gamma-ray Space Telescope moins de deux secondes après le début du signal d'ondes gravitationnelles.

    Depuis, près de 70 observatoires, au sol ou dans l'espace, participent au suivi du phénomène. Les radiotélescopesradiotélescopes américains VLA et VLBA ont par exemple pu observer des ondes radio rémanentes associées à GW170817, permettant de confirmer le scénario d'une coalescencecoalescence de deux étoiles à neutrons.

    Une kilonova associée au phénomène

    Détecté près de 11 heures après l'observation d'ondes gravitationnelles, l'évènement AT 2017gfo a été interprété comme étant une kilonova (pouvant être définie comme une supernovasupernova sous-lumineuse). Du fait de sa proximité spatio-temporelle avec GW170817, cette kilonova a été associée à la même fusion d'étoiles à neutrons. Ce phénomène aurait été accompagné d'un jet de particules chargées, se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière et produisant une émissionémission de rayonnements X, mesurés par l'observatoire ChandraChandra de la NasaNasa. D'après une équipe d'astrophysiciens américains, l'étude de ces rayonnements X pourrait être la clé pour identifier l'objet résultant de la fusion de ces deux étoiles à neutrons.

    La kilonova issue de l'évènement GW170817, observée par Hubble. © Nasa, ESA
    La kilonova issue de l'évènement GW170817, observée par Hubble. © Nasa, ESA

    Peu après leur détection, les émissions de rayons Xrayons X produites par le jet de matière auraient peu à peu diminué, tandis que le jet de matière ralentissait. Mais depuis 2020, ce déclin en luminositéluminosité se serait arrêté, laissant place à une émission de rayons X relativement constante. D'après les astronomes, cela indiquerait la détection d'un objet supplémentaire, différent du jet de particules chargées : une autre source de rayons X est alors nécessaire pour expliquer ces observations.

    Une luminescence rémanente… ou même un trou noir ?

    Selon les astronomes, cette nouvelle source de rayons X pourrait être issue d'un choc généré par l'expansion rapide des débris résultant de la fusion entre les deux étoiles. Ce choc aurait échauffé les matériaux environnants, émettant ainsi des rayonnements X - ce phénomène serait alors associé à une luminescence résiduelle de la kilonova.

    L'hypothèse d'un trou noir n'est également pas écartée, les matériaux tombant dans ce géant cosmique pouvant générer de la même façon de telles émissions de rayonnements X. L'idée de la formation d'une étoile à neutrons plus massive n'est quant à elle que peu considérée, car les rayonnements associés devraient être bien plus lumineux.

    Pour trouver le fin mot de l'histoire, les astronomes vont continuer leurs observations de GW170817, dans les rayons X ainsi que dans les ondes radio : dans le cas d'une luminescence résiduelle de la kilonova, les émissions de rayons X et d'ondes radio devraient augmenter au cours des prochains mois. En revanche, si l'émission de rayons X diminue et que l'émission d'ondes radio est stoppée, les scientifiques pencheront plutôt pour le scénario de la formation d'un trou noir (ce serait alors le moins massif détecté !).

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