On a de bonnes raisons de penser que les trous noirs supermassifs en rotation sont aussi des super-accélérateurs de particules expliquant l'arrivée sur Terre de rayons cosmiques à de très hautes énergies. Mais même eux semblent impuissants à produire l'arrivée sur notre Planète bleue en 2021 d'un rayon cosmique dont l'énergie est proche de celle d'un autre événement similaire, survenu en 1991 et tout aussi inexplicable avec la physique actuelle. La particule exotique derrière la collision avec la Terre en 2021 a été appelée du nom de la déesse japonaise du Soleil, de la religion shinto, qui aurait contribué à la création du Japon. Elle défie les explications des théoriciens.


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    Il est bien connu que les rayons cosmiques ont été découverts en 1912 par le physicienphysicien autrichien Victor Franz Hess (1883 - 1964), ce qui lui vaudra la moitié du prix Nobel de physique de 1936, l'autre moitié ayant été attribuée à Carl Anderson pour sa découverte du positron. Les rayons cosmiques sont des particules subatomiques constituées principalement de protons, de noyaux d'hélium mais aussi de certains éléments plus lourds, comme l'oxygèneoxygène, le carbonecarbone, l'azoteazote ou encore le ferfer. Le SoleilSoleil et les autres étoilesétoiles émettent des rayons cosmiques de relativement faibles énergiesénergies, tandis que les rayons cosmiques d'énergies moyennes et hautes proviennent très probablement des supernovae en relation avec le mécanisme d’accélération de Fermi.

    Il existe par contre des rayons cosmiques possédant des énergies ultra-hautes, que l'on appelle des UHECR (Ultra-High Energy Cosmic Rays), et dont on ne comprend pas bien quelles peuvent être les sources. On soupçonne qu'il s'agit là encore de mécanismes du genre de ceux de Fermi, mais qui prendraient naissance dans les noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies, ce qui est probablement le cas pour des neutrinos avec des trous noirs supermassifs. Ces UHECR peuvent être cent millions de fois plus énergétiques que tout ce que l'on sait obtenir des accélérateurs de particules. 

    Des particules impossibles à produire sur Terre

    De fait, en 1991, les physiciens ont découvert indirectement sur Terre l'arrivée d'une particule avec une telle énergie particulière, environ 320 millions de Tev. Rappelons que l'on accélère des protons au LHCLHC, le plus puissant collisionneur de particules construit par la noosphère, à des énergies d'un peu plus de 10 TeV et que 1 TeV permet de créer presque 1 000 protons en raison de la fameuse relation d'EinsteinEinstein entre la massemasse et l'énergie.

    Une vue d'artiste de l'événement Amaterasu. La particule entrée en collision avec un noyau de la haute atmosphère a créé une gerbe de particules secondaires. En cognant dans des molécules plus basses dans l'atmosphère, ces particules ont provoqué des émissions par fluorescence, nourries de l'énergie initiale de la particule mystérieuse entrée en collision avec la Terre. Ce sont ces émissions qui ont été détectées par <em>The Telescope Array</em>. Rappelons qu'un système devient fluorescent lorsqu'il émet de l'énergie lumineuse à plus grande longueur d'onde que celle de la lumière tombée sur lui et ayant provoqué cette fluorescence. Ici, la fluorescence se fait dans l'ultraviolet et elle nécessite un air sec pour être détectée proprement, d'où le lieu de l'implémentation du détecteur, le désert de l'Utah aux États-Unis. © Osaka Metropolitan University, L-INSIGHT, Kyoto University, Ryuunosuke Takeshige<br type="_moz"> 
    Une vue d'artiste de l'événement Amaterasu. La particule entrée en collision avec un noyau de la haute atmosphère a créé une gerbe de particules secondaires. En cognant dans des molécules plus basses dans l'atmosphère, ces particules ont provoqué des émissions par fluorescence, nourries de l'énergie initiale de la particule mystérieuse entrée en collision avec la Terre. Ce sont ces émissions qui ont été détectées par The Telescope Array. Rappelons qu'un système devient fluorescent lorsqu'il émet de l'énergie lumineuse à plus grande longueur d'onde que celle de la lumière tombée sur lui et ayant provoqué cette fluorescence. Ici, la fluorescence se fait dans l'ultraviolet et elle nécessite un air sec pour être détectée proprement, d'où le lieu de l'implémentation du détecteur, le désert de l'Utah aux États-Unis. © Osaka Metropolitan University, L-INSIGHT, Kyoto University, Ryuunosuke Takeshige
     

    En 1991, les chercheurs ont été tellement stupéfaits par la détection de cette particule qu'ils ont appelé l'événement associé et la particule « Oh-My-God » (Oh mon Dieu ! en français) et on apprend aujourd'hui que, toujours aux États-Unis et dans l'État de l'Utah, le détecteur The Telescope Array a mis en évidence là aussi indirectement l'arrivée, le 27 mai 2021, d'une particule d'énergie environ 244 millions de TeV qui a été baptisée Amaterasu, du nom de la déesse japonaise du Soleil. Dans les deux cas, l'énergie d'une seule de ces particules est équivalente à l'énergie cinétiqueénergie cinétique d'une brique en plombplomb lâchée d'une hauteur de l'ordre d'un mètre environ !

    La détection est dite indirecte car quand un rayon cosmique entre en collision avec les noyaux d'oxygène ou d'azote des couches de la haute atmosphèreatmosphère de la Terre, il se produit une cascade de production de particules secondaires et ce sont certaines de ces particules que l'on détecte au sol et pas la particule source dont on déduit l'énergie des caractéristiques de la gerbe de particules secondaires (au passage, un des plus fameux théoriciens de ces gerbes n'était rien de moins que Robert Oppenheimer).

    L'université de l'Utah donne plus de détails sur la détection d'Amaterasu dans son communiqué en expliquant que « dirigé par l'université de l'Utah et l'université de Tokyo, le Telescope Array se compose de 507 stations de détection de surface disposées dans une grille carrée couvrant 700 km2 à l'extérieur de DeltaDelta, dans l'Utah, dans le désertdésert occidental de l'État. L'événement a déclenché 23 détecteurs dans la région nord-ouest du réseau de télescopestélescopes, s'étendant sur 48 km2. Sa direction d'arrivée semblait provenir du Vide Local » .


    En 1991, un probable noyau atomique, un proton en fait, percute notre atmosphère avec la force d'un objet macroscopique. On l'a appelé la Oh-My-God particule et on peut penser aussi qu'il ne s'agissait pas d'un proton mais d'une particule relevant d'une physique exotique, mais laquelle ? Quelques explications dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © PBS Space Time

    Des particules si énergétiques que les champs magnétiques cosmiques ne pouvaient les dévier

    Cette dernière précision est d'importance. La particule Amaterasu, avec son énergie phénoménale, ne devrait pas avoir été déviée de façon significative par les champs magnétiqueschamps magnétiques de la Voie lactéeVoie lactée ou intergalactiques en dehors de notre Galaxie. Ou pour le moins, pas avec les champs que nous avons détectés jusqu'à présent, ce qui veut dire que sa direction d'arrivée sur Terre doit nous indiquer précisément sa région d'émissionémission sur la voûte céleste.

    Dans le cas des rayons cosmiques ordinaires provenant d'au-delà du Système solaireSystème solaire, on voit généralement ces particules à basses énergies provenir de toute la voûte céleste sans direction préférée. C'est conforme à la thèse comme quoi ces particules sont déviées chaotiquement par les champs magnétiques turbulents et tout aussi chaotiques au moins de notre Galaxie et qu'ils effectuent techniquement ce que l'on appelle une marche au hasard stochastiquestochastique (il existe une exposition fameuse de ce genre de phénomène que l'on doit au prix Nobel Chandrasekhar) comme celle d'un homme ivre, effaçant donc toute trace de la zone originale d'émission (voir également le cours de Feynman sur le mouvement brownien).

    Or, bien que l'énergie soit si élevée qu'elle est difficilement explicable par des accélérateurs cosmiques connus, on pouvait espérer que la particule d'Amaterasu, avec son énergie extrême, ait été émise aux abords d'un noyau actif de galaxies, pour être plus précis au voisinage d'un trou noir supermassiftrou noir supermassif en rotation. Mais on n'en voit aucun, on pourrait même penser que la particule a été créée dans le Vide local.

    Rappelons que le Vide local est une région vaste et vide du milieu intergalactique, adjacente à notre propre Groupe localGroupe local (un groupe de plus de 60 galaxies auquel appartient la Voie lactée et dont le diamètre est d'environ 10 millions d'années-lumièreannées-lumière) découvert en 1987 par R. Brent Tully et Rick Fisher, deux astronomesastronomes états-uniens bien connus pour la mise au point d'une méthode empirique dite « loi de Tully-Fisher » qui permet de déterminer la distance de galaxies spiralesgalaxies spirales. Il s'étend sur environ 200 millions d'années-lumière. La distance entre la Terre et le centre du Vide local serait d'au moins 75 millions d'années-lumière.

    Des particules de nature inconnues issues de sources tout aussi inconnues

    « Ces événements semblent provenir d'endroits complètement différents dans le ciel. Ce n'est pas comme s'il existait une source mystérieuse. Il pourrait s'agir de défauts dans la structure de l'espace-tempsespace-temps, de collisions de cordes cosmiques. Je veux dire, je ne fais que lancer des idées folles que les gens proposent parce qu'il n'y a pas d'explication conventionnelle », a déclaré John Belz, professeur à l'université de l'Utah et co-auteur de l'étude publiée dans Science au sujet de la découverte de la particule Amaterasu.

    Le Telescope Array est en cours d'agrandissement et l'opération une fois terminée, 500 nouveaux détecteurs élargiront le réseau de télescopes et échantillonneront les gerbes de particules induites par les rayons cosmiques sur 2 900 km2, une zone presque aussi grande que Rhode Island aux États-Unis. Un plus grand nombre d'événements comme Amaterasu et Oh-My-God devraient probablement être détectés, nous donnant peut-être les clés nécessaires pour résoudre l'énigme de l'origine et la nature de ces particules mystérieuses.

    Cela pourrait nécessiter une nouvelle physique car, déjà en l'état, les observations des deux particules étranges semblent violer ce que l'on appelle la coupure GreisenGreisen-Zatsepin-Kuzmin (GZK). Selon cette limite, des particules de très hautes énergies ne peuvent provenir d'une grande distance et précisément, dans le cas de particules avec des énergies proches, mais plus faibles de celles d'Amaterasu et Oh-My-God, cela tendrait à impliquer en venant de la même direction qu'elles pourraient être nées dans le Vide local. Mais étant proche de la Voie lactée, on devrait facilement y trouver notamment des noyaux actifs de galaxies, toutefois ce n'est pas le cas dans les observations.

    Le saviez-vous ?

    En 1966, Kenneth Greisen de l’université Cornell et, indépendamment, Georgiy Zatsepin et Vadim Kuzmin de l’Institut de physique Lebedev de Moscou eurent la même idée suite à la découverte du rayonnement de fond diffus (CMB) par Penzias et Wilson. Si des rayons cosmiques d'énergies suffisantes se propagent dans l’Univers, ils finiront par entrer en collision avec les photons à 2,7 K du rayonnement fossile en donnant des pions. Ainsi, il se produira une coupure dans la courbe donnant le flux de rayons cosmiques arrivant sur Terre lorsque l’on s’approchera des énergies de l’ordre de 1020 eV, celle correspondant au choc avec les photons du fond diffus.

    Plus précisément, si l’on considère des particules, comme des protons, possédant initialement une énergie au-dessus de la limite précédente baptisée GZK, pour Greisen-Zatsepin-Kuzmin, une série de collisions avec les photons du CMB finiront pas faire perdre de l’énergie à ce proton pour le faire descendre en dessous de cette limite. Cela se traduit aussi par une distance maximale de l’ordre de 50 mégaparsecs (ou Mpc, soit 160 millions d’années-lumière environ) pour la provenance de protons dont l’énergie dépasse la limite GZK.