Lorsque la colère de notre Soleil se déchaîne, les conséquences peuvent être lourdes pour notre Terre. Quelques exemples nous rappellent à quel point nous restons vulnérables à l’activité solaire.


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    Voici presque 300 ans maintenant que l'activité de notre Soleil est surveillée par les astronomesastronomes. Par le nombre de taches qui se dessinent à sa surface. Et lorsque cette activité s'intensifie, selon un cycle de 11 ans, les éruptions solaires se font plus vives. Il arrive même que notre Soleil envoie des quantités massives de rayonnements et de particules en direction de notre Terre. De quoi allumer quelques merveilleuses aurores polaires dans notre ciel. Mais aussi causer quelques perturbations -- plus ou moins sévères -- à nos systèmes électriques, de communication ou encore de navigation. Retour sur quelques-unes des plus marquantes de celles que les chercheurs appellent des tempêtestempêtes géomagnétiques. En commençant par l'événement sans doute le plus connu de tous.

    L’événement de Carrington

    Il était un peu plus de 11 heures du matin, en ce jeudi 1er septembre 1859, lorsqu'un certain Richard Carrington, un célèbre astronome solaire anglais, a été le témoin d'une puissante éruption à la surface de notre Soleil. Lui qui avait pour habitude de dessiner les taches solaires, raconte avoir observé, ce jour-là, à quelques mois seulement du maximum de l'activité solaire, deux taches brillantes, aveuglantes qui ont pris la forme d'un reinrein avant de s'affaiblir en quelques minutes seulement.

    Le lendemain, la planète entière s'est retrouvée sous le feu de merveilleuses aurores boréales rouges, vertes ou encore violettes. Si brillantes, rapportaient les témoins, qu'il était possible de lire son journal en pleine nuit. Les opérateurs de télégraphe, eux, ont déclaré avoir été choqués par leur équipement et avoir vu des arcs électriquesarcs électriques se déclencher en raison des puissants courants circulant dans les fils.

    La tempête géomagnétique provoquée par l'éruption solaire observée par Richard Carrington -- connue aujourd'hui sous le nom d'événement de Carrington, même si un autre astronome, Richard Hodgson, avait, semble-t-il, aussi observé l'éruption de son côté -- a été à l'origine de diverses pannes au niveau mondial. Elle est considérée comme la plus forte observée en 500 ans.

    L’éruption solaire de 1967 est survenue dans la région brillante en haut au centre de cette image de notre Soleil. © National Solar Observatory historical archive
    L’éruption solaire de 1967 est survenue dans la région brillante en haut au centre de cette image de notre Soleil. © National Solar Observatory historical archive

    À un rien d’une guerre nucléaire

    Un peu plus proche de nous dans le temps, une autre éruption solaire aurait pu avoir des conséquences extrêmement fâcheuses. L'histoire se passe en mai 1967, au plus fort de la guerre froide. Le 23 mai, très exactement, plusieurs observatoires font état d'une éruption solaire visible à l'œilœil nu. Et un observatoire radioobservatoire radio dans le Massachusetts (États-Unis) signale que le soleil émet des niveaux d'ondes radio sans précédent. Une importante tempête géomagnétique est attendue sur Terre entre 36 et 48 heures plus tard.

    Elle s'est effectivement déchaînée. Et elle a bloqué plusieurs systèmes de radar et de radiocommunications américains et britanniques dans les régions polaires. Croyant à une attaque soviétique, l'US AirAir Force a commencé à préparer ses avions au combat. Heureusement, les météorologuesmétéorologues militaires de l'espace sont intervenus juste à temps. De récents travaux montrent comment nous avons échappé là de justesse à une potentielle guerre nucléaire.

    La Lune, plus touchée que la Terre

    Au début du mois d'août de l'année 1972, une série d'importantes éruptions solaires a une nouvelle fois déclenché des aurores boréalesaurores boréales jusqu'à des latitudeslatitudes étonnamment basses. Certains rapportent en avoir vu jusqu'au nord de l'Espagne. La réceptionréception télé a elle aussi été perturbée pendant plusieurs jours. Et comme un rappel à l'épisode de 1967, les dispositifs de détection nucléaire de l'armée américaine ont vu -- à tort, vous vous en doutez -- une bombe nucléaire exploser quelque part sur Terre !

    Nouveauté, en revanche, cette fois-là : la présence d'hommes dans l'espace. Ou presque. Parce que la mission ApolloApollo 16 avait déposé des hommes sur la LuneLune en avril de la même année et la mission Apollo 17, en décembre. À quelques mois près, les uns ou les autres auraient ainsi pu recevoir des doses de radiation peu recommandables. Car rappelons-le à l'heure où la conquête de la Lune est relancée, notre satellite naturel n'est pas aussi bien protégé des particules énergétiques éjectées par le Soleil que notre Terre.

    Une vue d’artiste du blackout qui a suivi une éruption solaire massive survenue en 1989. © Nasa
    Une vue d’artiste du blackout qui a suivi une éruption solaire massive survenue en 1989. © Nasa

    Blackout au Canada

    Un milliard de tonnes de gazgaz. C'est ce que les astronomes de la NasaNasa estiment qui a été libéré lors d'une puissante éruption solaire, le 10 mars 1989. L'équivalent en énergieénergie de l'explosion de milliers de bombes nucléaires. Le tout fonçant vers notre Terre à plus de 1,6 million de kilomètres à l'heure. Résultat : des perturbations quasi immédiates des signaux radio.

    Deux jours plus tard, lorsque le plasma solaire a finalement frappé le bouclier magnétique de notre Terre, des aurores boréales incroyablement intenses ont illuminé le ciel jusqu'à Cuba. Et quelques heures plus tard, au tout petit matin du 13 mars 1989, c'est l'ensemble de la province du Québec (Canada) qui a été plongée dans le noir. Un blackout de 12 heures qui a eu des répercussions jusqu'aux États-Unis. Plus de 200 problèmes de réseau ont été recensés.

    Dans l'espace, certains satellites ont également connu des difficultés pendant plusieurs heures. La Nasa rapporte plus de 250 anomaliesanomalies sur son satellite de communication TDRS-1 dues au passage de particules de haute énergie éjectées par notre Soleil.

    Les astronomes qualifient volontiers cette tempête géomagnétique de pire de l'ère spatiale.

    La tempête géomagnétique d’Halloween

    En 2003, c'est à la période d'HalloweenHalloween -- et étonnamment durant une période plutôt calme du cycle solaire -- que 17 éruptions majeures ont éclaté à la surface de notre Soleil. Des éjections de massemasse coronale (CMECME) -- des bulles de plasma de milliards de tonnes projetées dans l'espace -- s'en sont suivies et notre Terre a été secouée par des tempêtes géomagnétiques pendant plusieurs jours, entre le 19 octobre et le 7 novembre. Des aurores boréales ont été observées jusque dans le sud de la Floride (États-Unis). Une panne de courant -- d'une heure seulement -- a frappé la Suède. Et plus de la moitié des missions spatiales ont été affectées.

    Ce jour où nous avons échappé de peu au pire

    En juillet 2012, enfin, les astronomes de la Nasa ont enregistré grâce à la mission satellite STEREOSTEREO en orbiteorbite autour de notre Soleil, l'éruption solaire la plus puissante de ces 150 dernières années. Une éjection de masse coronale à une vitessevitesse vertigineuse, comprise entre 3 000 et 3 500 kilomètres par seconde. Les champs magnétiques associés ont été mesurés à environ 80 nanoteslas. Pour comparaison, ceux de l'événement de Carrington étaient de l'ordre de 110 nanoteslas. Le nombre de particules chargées -- celles qui sont à l'origine, une fois arrivées dans notre atmosphèreatmosphère, des aurores boréales ou d'autres perturbations -- près de STEREO a bondi de 100 000 fois dans l'heure qui a suivi le CME. Une intensité inédite.

    Et quelques-unes de ces particules chargées sont bien arrivées jusqu'à nous. Mais quelques-unes seulement. Car, par chance l'éruption s'est produite légèrement à l'arrière de notre Soleil. Et n'était donc pas directement orientée vers notre Terre. Par chance parce que « si nous avions été dans le flux, nous ramasserions encore les morceaux », estimait Daniel Baker, un chercheur de l'université du Colorado et auteur d'une étude détaillée de l'éruption solaire de 2012, dans un communiqué de la Nasa en 2014. « Cet événement était au moins aussi puissant que celui de Carrington -- et deux fois plus que celui de 1989. La seule différence, c'est qu'il nous a manqué. »