Une fois encore, des scientifiques semblent avoir bénéficié d’un heureux coup de pouce du destin. Depuis des mois, ils scrutaient les immenses structures magnétiques en forme de casques à pointe qui émergent du Soleil, à la recherche de traces de pluies coronales. C’est finalement dans des structures beaucoup plus modestes qu’ils en ont trouvé. De quoi éclairer d’un nouveau jour la question de la température de la couronne solaire, mais aussi celle de l’origine du vent solaire lent.


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    Saviez-vous qu'il peut aussi pleuvoir sur le Soleil ? Oh ! bien sûr, il n'est pas question ici d'eau qui tomberait sur notre étoile. Mais plutôt de particules ionisées. Parfois, après une éruption solaire, en effet, lorsque le plasma propulsé dans l'atmosphère du Soleil se refroidit brusquement -- d'environ un million de degrés Celsius à moins de 10.000 °C --, il retombe à sa surface en ce que les astronomesastronomes appellent une pluie coronale.

    Et des chercheurs de la Nasa se sont demandé s'il ne pouvait pas -- de manière similaire à ce qu'il se passe sur Terre pour le cycle de l’eau -- exister une sorte de cycle du plasma qui donnerait naissance à des pluies coronales beaucoup plus systématiques. Un phénomène qui éclairerait d'un jour nouveau la question de la température de la couronne solaire, mais également celle de l'origine du vent solaire lent.

    Le saviez-vous ?

    La température de la couronne solaire atteint les millions de degrés Celsius alors que la surface du Soleil ne dépasse pas les quelques milliers de degrés. Les astronomes ne savent pas encore expliquer le phénomène. Quant au vent solaire lent, ils ont découvert qu’il en existait une composante rapide, constituée d’un flot de matière ionisé se déplaçant à plus de 700 km/s, et une composante lente dans laquelle les particules voyagent à moins de 300 km/s. Un phénomène qui reste lui aussi à expliquer.

    Pour mettre toutes les chances de leur côté, les astronomes se sont concentrés sur l'étude de boucles magnétiques en forme de casques à pointe. Des structures colossales qui s'étendent dans la couronne solaire bien au-delà de la surface de notre étoile et que l'on voit apparaître lors des éclipses de Soleil. Pendant près de six mois, les chercheurs de la NasaNasa ont analysé les images prises par Solar Dynamics ObservatorySolar Dynamics Observatory (SDO) à la recherche de traces de pluies coronales dans ces boucles. En vain.

    Les pluies coronales observées dans ces boucles magnétiques relativement petites suggèrent que la couronne peut être chauffée dans une région beaucoup plus restreinte que prévu. © Emily Mason, Solar Dynamics Observatory, Nasa

    Des pluies coronales là où on ne les attendait pas

    C'est finalement dans d'autres structures magnétiques que les pluies coronales ont été observées. Des structures assez différentes de celles en forme de casques à pointe. Surtout par leur taille, beaucoup plus petite. « Cela nous indique que la couronne solaire est chauffée de manière bien plus localisée que nous ne le pensions », explique Spiro Antiochos, physicienphysicien solaire.

    Car les simulations montrent que les pluies coronales ne se forment que lorsque le plasma est chauffé au pied de la boucle, à moins de 10 % de sa hauteur maximale. Or, certaines des structures impliquées ne mesurent pas plus de 50.000 kilomètres de haut, soit seulement 2 % de la hauteur des structures en forme de casque à pointe dans lesquelles les pluies coronales étaient initialement recherchées.

    Par ailleurs, les théories voudraient que les pluies coronales ne se forment qu'au cœur de boucles magnétiques fermées dont le plasma ne peut pas s'échapper. Mais au milieu de leurs données, les chercheurs de la Nasa ont aussi découvert que des pluies coronales peuvent se former sur des lignes de champ magnétiquechamp magnétique ouvertes sur l'espace. Une anomalieanomalie qu'ils expliquent en liantliant les minuscules structures qu'ils ont identifiées comme source de pluies coronales au vent solairevent solaire lent.

    Ainsi, par un processus de reconnexion magnétique bien connu, le plasma commencerait sa course sur une boucle fermée avant de passer sur une boucle ouverte, à l'image d'un train qui change de voie à un aiguillage. Une partie du plasma se refroidit et tombe alors en pluie et le reste s'échappe dans l'espace, formant le vent solaire lent. Et les chercheurs espèrent maintenant que Parker Solar Probe -- lancé en août 2018 vers la couronne solaire -- viendra apporter la preuve de leurs hypothèses.


    En vidéo : spectaculaires arches de feu et pluie coronale sur le Soleil

    L'observatoire solaire Solar Dynamics Observatory (SDO) a brillamment terminé sa troisième année d'étude du Soleil. La Nasa a mis en ligne récemment de superbes vidéos avec des images ayant marqué l'année 2012. On voit en particulier celle de la formation d'une boucle coronale impressionnante, donnant lieu à ce qu'on appelle une pluie coronale.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 05/03/2013

    Solar Dynamics Observatory (SDO) est un satellite lancé par la Nasa le 11 février 2010. Il tourne autour de la Terre sur la fameuse orbiteorbite de Clarke (l'orbite géostationnaireorbite géostationnaire autour de l'équateuréquateur), il est donc en rotation géosynchrone. Sa mission est de permettre de mieux comprendre comment et pourquoi le champ magnétique du Soleil change et comment cela affecte l'activité de l'astreastre.

    Vers une météorologie solaire et spatiale

    À terme, on espère que cela contribuera à l'établissement d'une véritable météorologiemétéorologie spatiale qui nous permettra de mieux protéger notre civilisation technologique et ses satellites des colères du Soleil. On devrait aussi mieux comprendre les relations entre notre étoile et le climatclimat de notre planète.

    Une spectaculaire éruption solaire vue le 31 décembre 2012 par SDO. Notez la taille de la Terre (<em>Relative size of Earth</em>). La mission de SDO pourrait durer plus de cinq ans. © Nasa
    Une spectaculaire éruption solaire vue le 31 décembre 2012 par SDO. Notez la taille de la Terre (Relative size of Earth). La mission de SDO pourrait durer plus de cinq ans. © Nasa

    Les données fournies par SDO auraient certainement ravi Evry Schatzman s'il était encore avec nous. Mais pour ceux qui ne sont pas astrophysiciensastrophysiciens solaires, l'émotion devant la beauté des images impressionnantes d'éruptions solaires avec des éjections de massemasse coronale ou des boucles coronales est bien réelle. Cela fait trois ans maintenant que SDO nous régale avec des photos et des vidéos magnifiques. La mission est prévue pour durer cinq ans, mais elle pourrait bien être prolongée.

    Des tubes de plasma à 50.000 K

    L'une des plus extraordinaires vidéos mises en ligne par la Nasa (voir ci-dessous) montre ce qu'on appelle une pluie coronale. Elle a été filmée dans le domaine des ultravioletsultraviolets et commence par la formation d'une boucle coronale clairement identifiable. Les premières boucles de ce genre ont été découvertes en 1946 et en 1952 grâce aux instruments embarqués à bord des fuséesfusées Aerobee, de petites fusées-sondes suborbitales (8 m) non guidées utilisées pour la recherche sur la haute atmosphèreatmosphère et les radiations cosmiques aux États-Unis. Elles ont servi à faire des mesures concernant les rayons ultraviolets et les émissionsémissions Lyman alpha du Soleil.

     

    Cette vidéo est composée d'images prises toutes les 12 secondes par le Solar Dynamics Observatory, SDO, le 19 juillet 2012. Il y a 30 images par seconde, donc chaque seconde dans cette vidéo correspond à six minutes de temps réel. Elle montre la formation d'une pluie coronale. Notez à un moment la présence de la Terre (Earth) pour donner l'échelle. Le son que l'on entend n'est bien sûr pas réel. © Nasa ; musique : « Coup de foudrefoudre », de Lars Leonhard

     

    Les boucles coronales apparaissent lorsque des lignes de champ magnétique s'élèvent dans la couronne solaire en formant des tubes de plasma. Souvent, les bases de ces boucles sont associées à des taches solairestaches solaires. Ce plasma affiche des températures dépassant les 6.000 K et pouvant même atteindre le million de kelvinskelvins. Dans l'impressionnante boucle capable d'engloutir la Terre que montre la seconde vidéo de SDO, la température est de l'ordre de 50.000 K. Les émissions qui en résultent se retrouvent alors dans l'ultraviolet extrême.