Quand ils ont été découverts par les satellites militaires Vela, en 1967, les sursauts gamma semblaient étranges mais dans les décennies qui suivirent, plusieurs explications possibles ont été avancées. Elles ont été partiellement remises en question depuis quelques années avec la détection de deux sursauts gamma énigmatiques. Des simulations conduites avec des superordinateurs semblent bel et bien avoir résolu le mystère en proposant un nouveau modèle unifié pour des sursauts gamma longs et courts.


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    Il y a plus de 50 ans, les satellites militaires mis en orbite par les États-Unis faisaient la découverte de sursauts gamma, en anglais des gamma-ray bursts ou GRB. Ces satellites avaient pour mission de détecter des explosions nucléaires interdites dans ou hors de l'atmosphèreatmosphère. Mais rapidement, les scientifiques en charge des satellites comprirent que ces événements étaient cosmiques et pas du tout d'origine humaine. Des années plus tard, leur découverte fut déclassifiée, ce qui allait laisser perplexe la communauté des astrophysiciensastrophysiciens.

    En effet, l'énergie libérée était colossale, incompréhensible même jusqu'au moment où quelqu'un a proposé d'admettre que ces GRB n'étaient pas des émissions de rayonnement gamma selon une sorte de sphère de lumière, mais selon des jets focalisés. L'énergie libérée était bien moindre quoique toujours gigantesque, mais cette fois-ci compréhensible dans le cadre de l'astrophysiqueastrophysique connue.


    La saga de la détection de GW170817. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Science vs Cinema

    Les kilonovae, des sources gamma et gravitationnelles

    On s'aperçut aussi que l'on pouvait diviser les GRB en deux classes : les courts, durant moins de deux secondes, et les longs, durant souvent une dizaine de secondes. Dans le premier cas, il devait probablement s'agir de collisions d'étoiles à neutronsétoiles à neutrons, donnant ce que l'on a appelé par la suite des kilonovae, des explosions plus fortes que des novaenovae mais plus faibles que des supernovaesupernovae. On a fini par valider cette hypothèse avec la détection de la source d’ondes gravitationnelles GW170817.

    Les sursauts longs devaient, eux, être produits par des étoiles très massives en rotation rapide qui en s'effondrant gravitationnellement formaient un trou noirtrou noir dans leur cœur, trou noir accrétant alors de la matièrematière et produisant deux jets alors que l'étoile continuait de s'effondrer sur le trou noir avant de devenir une supernova qualifiée parfois d'hypernovahypernova. C'est ce qui a aussi été appelé en anglais le modèle du collapsar, contraction des termes anglais collapse (effondrementeffondrement) et star (étoile), officiellement « étoile implosante » en français, bien que ce nom ne soit guère utilisé en pratique.

    Les choses se sont compliquées à partir du 11 décembre 2021 quand les détecteurs X et gamma à bord des satellites SwiftSwift et Fermi ont signalé un GRB d'une duréedurée de près d'une minute et donc typique d'un sursaut gamma long et que l'on pouvait associer à une galaxiegalaxie connue distante d'un milliard d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée.

    Toutefois, des observations à différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde comme en infrarougeinfrarouge, par exemple, au télescopetélescope Gemini North (Hawaï, États-Unis) ou avec HubbleHubble, montraient clairement que GRB 211211A avait des caractéristiques que l'on attribuait jusqu'à présent aux kilonovae et donc aux sursauts gamma courts.


    Le 11 décembre 2021, l’observatoire Neil Gehrels Swift de la Nasa et le télescope spatial Fermi à rayons gamma ont détecté une explosion de lumière à haute énergie provenant de la périphérie d’une galaxie située à environ 1 milliard d’années-lumière. Cet événement a ébranlé la compréhension des scientifiques sur les sursauts gamma (GRB), les événements les plus puissants de l’Univers. Cette rafale est appelée GRB 211211A. De nombreux groupes de recherche se sont penchés sur les observations recueillies par Swift, Fermi, le télescope spatial Hubble et d'autres. Certains ont suggéré que les bizarreries de cette explosion pourraient s’expliquer par la fusion d’une étoile à neutrons avec un autre objet massif, comme un trou noir. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA's Goddard Space Flight Center

    Ore Gottlieb est chercheur au Center for Computational Astrophysics (CCA) du Flatiron Institute à New York. Avec des collègues il vient de publier un article dans The Astrophysical Journal Letters dont on peut trouver une version en accès libre sur arXiv dans lequel ils annoncent avoir trouvé une explication pour le cas paradoxal de GRB 211211A et d'un autre survenu en 2023, GRB 230307A, et qui est similaire.

    Les chercheurs ont conduit des simulations numériquessimulations numériques savantes faisant intervenir notamment la magnétohydrodynamique des plasmas qui peuvent constituer des disques d'accrétiondisques d'accrétion en espace-tempsespace-temps courbe. Ils ont découvert que l'on pouvait rendre compte des observations de deux manières et ce faisant, ont construit un cadre unifiant la description de nombreux sursauts gamma, en théorie du moins.

    Un modèle unifié avec des trous noirs accrétant la matière d'étoiles à neutrons

    Dans le premier cas, les deux étoiles en neutrons qui entrent en collision selon le scénario d'une kilonova ordinaire forment aussi un trou noir en fusionnant. Mais ce qui change, c'est que le trou noir accrète une partie de la matière laissée par la collision, formant là aussi un disque d'accrétion et des jets de matière sources de rayons gammarayons gamma.

    Le deuxième cas est une variante avec une collision plus rare entre une étoile à neutrons et un trou noir stellairetrou noir stellaire. Mais, là aussi, on obtient un disque d'accrétion et des jets de matière à l'origine d'un sursaut gamma long.

    C'est ce qui fait dire à Ore Gottlieb : « Nos découvertes, qui relient les observations à la physiquephysique sous-jacente, ont unifié de nombreux mystères non résolus dans le domaine des sursauts gamma. Pour la première fois, nous pouvons examiner les observations du GRB et savoir ce qui s'est passé avant la formation du trou noir. Si nous voyons un long GRB comme ceux observés en 2022, nous savons maintenant qu'il provient d'un trou noir doté d'un disque massif. Et sachant qu'il existe un disque massif, nous pouvons maintenant déterminer le rapport des massesmasses des deux objets parents car leur rapport de masse est lié aux propriétés du disque. Par exemple, la fusionfusion d'étoiles à neutrons de masse inégale produira inévitablement un GRB de longue durée. »


    Les astrophysiciens de la Northwestern University (États-Unis) ont développé la première simulation numérique qui suit l'évolution d'un jet lors d'une fusion trou noir-étoile à neutrons sur de grandes distances. © Ore Gottlieb, Danat Issa, Alexander Tchekhovskoy

    Les découvertes de GRB devraient se multiplier à l'aide de l’observatoire Vera C. Rubin dans quelques années, ce qui fait dire à Ore Gottlieb en conclusion du communiqué de la Simons Foundation  : « Au fur et à mesure que nous obtiendrons davantage d'observations de GRB à différentes durées d'impulsion, nous serons mieux en mesure de sonder les moteurs centraux qui alimentent ces événements extrêmes. ».