Les premières étapes de l'explosion d'une étoile en supernova sont incroyablement courtes, même à l'échelle d'une vie humaine, et il est donc difficile de pouvoir les surprendre et de réaliser une série d'images, un film en quelque sorte, montrant ces étapes. C'est pourtant ce que des chercheurs ont trouvé dans les archives des observations de Hubble. Ces images montrent l'explosion d'une supergéante rouge il y a 11 milliards d'années grâce à un effet de lentille gravitationnelle.


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    Le télescope James-Webb occupe depuis quelques mois à répétition le devant de la scène en astronomie. Mais son vénérable prédécesseur, le télescope HubbleHubble, n'a pas dit son dernier mot, que ce soit avec de nouvelles observations ou tout simplement grâce à la sagacité des astronomesastronomes exploitant les données archivées de Hubble. C'est précisément ce qu'avait entrepris de faire une équipe internationale de chercheurs qui est tombée sur une surprise en analysant les mesures et les images prises en utilisant l'effet de lentille gravitationnelle de l'amas de galaxie Abell 370.

    Par son champ de gravitation puissant, l'amas a dévié les rayons de lumière provenant d'astresastres plus lointains que lui, permettant en quelque sorte de faire un zoom dans des stratesstrates de lumière âgées de 11 milliards d'années environ, soit presque 2,8 milliards d'années après le Big Bang seulement. On sait depuis EinsteinEinstein et les années 1930 que la courbure de l'espace-tempsespace-temps générée par un astre massif peut dévier les rayons lumineux comme le ferait une lentille et c'est ainsi que les astronomes ont été stupéfiés de découvrir trois images d'une même explosion de supernova survenue il y a 11 milliards d'années.


    Cet épisode de Space Sparks explore le concept de lentille gravitationnelle. Cet effet n'est visible que dans de rares cas et seuls les meilleurs télescopes – y compris le télescope spatial Hubble de la Nasa/ESA – peuvent observer les résultats d'une lentille gravitationnelle. La forte gravité d'un objet massif, tel qu'un amas de galaxies, déforme l'espace environnant, et la lumière des objets distants voyageant à travers cet espace déformé s'éloigne de sa trajectoire rectiligne. Cette vidéo montre comment la sensibilité et la haute résolution de Hubble lui permettent de voir des détails dans ces images faibles et déformées de galaxies lointaines. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESA/Hubble, ESA, Nasa

    Des temps de trajet différents des photons à travers un amas

    On connaissait déjà depuis des années des images multiples d'un même astre, comme une galaxie, par effet de lentille gravitationnelle lorsqu'elle est située en arrière-plan d'un amas de galaxie. Mais ce qui rend remarquable la publication dans Nature d'un article, dont Wenlei Chen est le premier auteur de l'article et chercheur postdoctoral à l'École de physiquephysique et d'astronomie de l'université du Minnesota, est que son contenu fait savoir que les images multiples montrent l'explosion débutante d'une supernova à quelques heures d'intervalle à son début, bien que ces trois images soient sur une seule photo prise par Hubble en 2010. Ces décalages sont dus au fait que la lentille fait voyager les rayons lumineux par des chemins différents et donc avec des temps de parcours variant avec la longueur de chaque chemin.

    Dans un communiqué, Wenlei Chen explique que : « Il est assez rare qu'une supernova puisse être détectée à un stade très précoce, car ce stade est vraiment court. Cela ne dure que quelques heures à quelques jours, et il peut facilement être manqué même pour une détection à proximité. Dans la même exposition, nous sommes capables de voir une séquence d'images, comme plusieurs visages d'une supernova. »

    Dans le même communiqué, Patrick Kelly, responsable de l'étude et professeur adjoint à l'école de physique et d'astronomie de l'université du Minnesota, ajoute que : « Vous voyez des couleurscouleurs différentes dans les trois images différentes. Vous avez l'étoileétoile massive, le noyau s'effondre, il produit un choc, elle se réchauffe, puis vous la voyez refroidir pendant une semaine. Je pense que c'est probablement l'une des choses les plus étonnantes que j'ai jamais vues ! ».

    Cinq panneaux sont présentés. Le plus grand panneau de gauche montre la partie de l'amas de galaxies Abell 370 où les multiples images de la supernova sont apparues, qui est représentée dans quatre panneaux étiquetés de A à D sur la droite. Ces panneaux montrent les emplacements de la galaxie hôte à images multiples après la disparition d'une supernova et les différentes couleurs de la supernova en cours de refroidissement à trois étapes différentes de son évolution. © Nasa, ESA, STScI, Wenlei Chen (UMN), Patrick Kelly (UMN), Hubble Frontier Fields
    Cinq panneaux sont présentés. Le plus grand panneau de gauche montre la partie de l'amas de galaxies Abell 370 où les multiples images de la supernova sont apparues, qui est représentée dans quatre panneaux étiquetés de A à D sur la droite. Ces panneaux montrent les emplacements de la galaxie hôte à images multiples après la disparition d'une supernova et les différentes couleurs de la supernova en cours de refroidissement à trois étapes différentes de son évolution. © Nasa, ESA, STScI, Wenlei Chen (UMN), Patrick Kelly (UMN), Hubble Frontier Fields

    En bonus, le « film » en quelque sorte de cet événement cosmique permet de déterminer la luminositéluminosité et le taux de refroidissement de la supernova, qui dépendent tous deux de la taille de l'étoile génitrice. On en tire l'image d'une supergéante rougesupergéante rouge dont la taille était de 500 fois celle du SoleilSoleil.

    C'est la première fois que des astronomes ont pu mesurer la taille d'une étoile mourante dans l'universunivers primitif. Cela a été rendu possible grâce à des algorithmes d'apprentissage automatique mis au point par Wenlei Chen pour traquer ce genre de phénomènes dans les archives de Hubble. Lui et ses collègues ne vont pas en rester là car ils entendent bien jouer au même jeu avec les observations du James-Webb. Chen et Kelly espèrent ainsi contribuer à un catalogue de supernovaesupernovae très lointaines pour aider les cosmologistes à comprendre si les étoiles qui existaient il y a plusieurs milliards d'années sont différentes de celles de l'Univers proche.

    Le saviez-vous ?

    C'est au début des années 1930, après la découverte du neutron, que l'on peut faire débuter les conceptions modernes sur les novae et les supernovae. On les doit aux astrophysiciens Walter Baade et Fritz Zwicky qui avaient en effet pris conscience qu'il fallait introduire en astronomie une nouvelle catégorie de novae, ces étoiles transitoires très brillantes apparaissant comme nouvelles et une seule fois dans le ciel pour ensuite disparaître à jamais et dont certaines ont été observées par les bâtisseurs du ciel qu'étaient Tycho Brahe et Johannes Kepler.

    Le nom qu'ils proposent alors va faire fortune : supernova. En compagnie de Rudolph Minkowski, astronome et neveu du célèbre mathématicien, Hermann Minkowski, Baade se rend compte que ces supernovae (SN) peuvent également être séparées en deux types, en fonction de leurs raies spectrales et des caractéristiques des courbes de lumière montrant l'évolution dans le temps de leur luminosité. D'autres divisions s'ajouteront mais ces travaux sont à l'origine de la classification moderne avec des SN II et les SN Ia.

    Walter Baade et Fritz Zwicky comprennent surtout que certaines supernovae sont des explosions gigantesques accompagnant l'effondrement gravitationnel d'étoiles qui vont devenir des étoiles à neutrons. L'idée est simple, en s'effondrant, la matière est comprimée au point de forcer bon nombre des électrons des atomes à se combiner avec les protons des noyaux, la réaction donnant des neutrons et des émissions de neutrinos très énergétiques. Si l'effondrement ne se poursuit pas en donnant un trou noir, ce qui reste de l'étoile occupe alors un volume sphérique de quelques dizaines de kilomètres de diamètre tout en contenant une masse de l'ordre de celle du Soleil, avec une surface contenant peut-être beaucoup de fer conducteur et très certainement des ions avec des électrons libres.