Pour la première fois de son histoire, l’Inde s’est posée à la surface de notre Lune avec la mission Chandrayaan-3, et a commencé à y faire rouler un petit rover. Mais au-delà de l’exploit technique, quels sont les objectifs scientifiques de cette mission ?


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    ChandrayaanChandrayaan-3 s'est posé le 23 août à 14 h 34 heure de Paris sur la Lune, l'Inde est ainsi devenue la quatrième nation à savoir alunir, avec la Russie, la Chine, et les États-Unis. Le 23 août a d'ailleurs été nommé « journée nationale de l'espace » en Inde par le Premier Ministre Narendra Modi. Depuis l'alunissage, les opérations à la surface ont débuté. Le site a d'ailleurs été baptisé Shiv Shakti Point.

    Le temps de travail sur la Lune sera court. Ni le rover ni le lander ne sont suffisamment équipés pour survivre au froid de la nuit lunaire, autour de -180 °C. Par sa lente rotation, la journée et la nuit sur la Lune durent 14 jours sur Terre. Chandrayaan-3 a donc au mieux deux semaines pour finir sa mission à la surface. Le chef de projet à l'Isro (agence spatiale indienne) espère « une bonne quantité de science à la fin de la journée lunaire ». Désormais, tous les instruments scientifiques de la mission sont en service et récoltent des données.

    Chandrayaan-3 a trois objectifs : réussir l'alunissage, faire rouler le rover, et prendre des mesures scientifiques in situ. Les deux premiers sont réussis, le troisième est en cours et l'Isro a annoncé que toutes les charges utiles fonctionnent normalement.

    Premiers tours de roues sur la Lune

    Peu après le posé, le petit rover Pragyan de six roues, pesant 27 kilos, a été déployé à la surface en descendant la rampe à laquelle il était attaché. Le rover a ensuite pris le temps de recharger ses batteries à l'aide de son panneau solaire, puis a commencé à rouler. Après avoir dévoilé les images de la descente du rover, l'Isro a annoncé que Pragyan avait déjà parcouru huit mètres. Le rover a une autonomieautonomie de 150 mètres. Il roule à 1 cm/s en explorant le voisinage proche du lander Vikram. Au cours de ses premiers mètres, Pragyan a même réussi à surmonter l'obstacle d'un cratère, profond de 10 centimètres, ce qui est remarquable pour le rover haut de 40 centimètres (sans compter son panneau solaire une fois déployé).

    Les opérations du rover ne sont pas aisées. D'une part, la communication avec lui, via Vikram, n'est pas continue. D'autre part, il n'est pas entièrement automatique. À chaque fois, les équipes doivent télécharger les images des caméras de navigation pour déterminer les directions à prendre après. La position du Soleil doit être recalculée de sorte que la face du panneau solaire qui est intégralement recouverte de cellules soit la plus exposée pour une meilleure recharge (avec la rotation de la Lune sur elle-même, la position du Soleil sur place bouge de 12° par jour). Ainsi, les opérations ne peuvent se faire que toutes les cinq heures, pour avancer au mieux de cinq mètres.

    Les instruments scientifiques

    L'Isro se plaît à souligner qu'en cumulant Chandrayaan-3 et l'orbiter Chandrayaan-2Chandrayaan-2, qui tourne autour de la Lune depuis 2019, l'Inde dispose actuellement de 15 instruments scientifiques sur et autour de la Lune. Chandrayaan-3 en compte sept : deux sur le rover, quatre sur le lander, et un à bord du module de propulsion qui est toujours en orbiteorbite. Ce dernier se nomme Shape. Pendant plusieurs mois, il va faire des analyses spectroscopiques et de polarisation des nuagesnuages de notre atmosphèreatmosphère, et ainsi identifier les traceurs biologiques pouvant être détectés dans l'atmosphère d'une exoplanèteexoplanète.

    À bord du rover, on trouve un spectromètrespectromètre à particules alpha et à rayons Xrayons X. L'instrument bombarde un échantillon au sol avec des particules alpha et des rayons X, puis en analyse les effets pour déterminer sa composition chimique. Dans le même but, le second instrument est un spectromètre Libs (à induction laserlaser), qui analyse le rayonnement d'un élément chauffé par un rayon laser. Ce type d'instruments est aujourd'hui très connu avec ChemCamChemCam et Supercam à bord des rovers Curiosity et PerseverancePerseverance.

    Vikram héberge tout d'abord l'expérience ChaSTE, un instrument qui mesure la conductivité thermiqueconductivité thermique et la température au sol. L'Isro a déjà publié un premier graphique de profil de température entre le proche sous-sol (10 centimètres de profondeur), et 60 centimètres de hauteur. C'est le tout premier profil de température réalisé in situ, dans la région du pôle Sud lunaire.

    Profil de température mesuré par ChaSTE. © Isro, SPL, VSSC, PRL
    Profil de température mesuré par ChaSTE. © Isro, SPL, VSSC, PRL

    Vikram héberge également un sismomètresismomètre lunaire ainsi qu'une sonde de Langmuir qui servira à estimer la densité de plasma à la surface (pouvant notamment provenir du vent solaire). Enfin, la dernière charge utile à bord du lander est fournie par la NasaNasa. Il s'agit d'un réseau de réflecteurs sur lesquels on peut tirer au laser depuis la Terre. Du temps mis pour capter l'écho, on peut déduire avec précision la distance entre la Terre et la Lune, ainsi que la vitesse de rotationvitesse de rotation de notre satellite naturel.