L'Homme de Néandertal a disparu il y a environ 40.000 ans, mais les causes de cette extinction sont multiples et demeurent débattues. Certaines populations de Néandertaliens auraient-elles pu être évincées par d'autres groupes de la même espèce ? L'analyse de l'industrie lithique en Espagne tente de répondre à cette question.


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    Quels sont les facteurs responsables de la disparition de Néandertal ? Cette question est l'une de celles qui passionnent le plus le grand public dans le domaine de l'anthropologie, notamment en raison des étroits liens culturels et de parenté entre HomoHomo neanderthalensis et Homo sapiensHomo sapiens. Parmi les facteurs les plus souvent avancés figurent des facteurs endogènesendogènes tels que le niveau culturel mais également le changement climatiquechangement climatique ainsi que l'arrivée d'H. sapiens dans l'est de l'Europe. Dans une étude publiée dans le journal Plos One, les auteurs rappellent que la période pendant laquelle NéandertalNéandertal a disparu en Europe s'est étendue entre il y a environ -50.000 et -40.000 ans. Or, au cours de cette période, plusieurs patrons techniques et culturels sont également apparus en Europe, dont certains ont été introduits par H. sapiens tandis que d'autres ont été développés par diverses populations de Néandertaliens.

    Un site espagnol était spécifiquement utilisé par Néandertal pour tailler des pierres. © Joaquin Corbalan, Adobe Stock
    Un site espagnol était spécifiquement utilisé par Néandertal pour tailler des pierres. © Joaquin Corbalan, Adobe Stock

    Parmi l'industrie lithique et la culture qui caractérisent cette période figure le Châtelperronien, dont les auteurs rappellent qu'il était identifié entre le bassin parisien et le nord de la péninsulepéninsule ibérique. L'attribution de l'émergenceémergence de ce complexe à H. sapiens ou à H. neanderthalensis est toujours débattue bien que de récentes analyses moléculaires et morphologiques favorisent actuellement la seconde hypothèse. Dans leur article, les auteurs se sont intéressés à l'industrie lithique présente au niveau du site d'Aranbaltza II, au nord-ouest de l'Espagne. Ce site Châtelperronien fut découvert au milieu du XXe siècle et plusieurs campagnes de fouilles archéologiques y ont été menées depuis. Dans leur étude, les auteurs ont analysé plus de 5.500 restes lithiques provenant principalement de silex. Ils expliquent que la principale activité des Hommes au niveau de ce site préhistorique devait être la taille de pierres.

    Des restes d'industrie lithique caractéristiques du Châtelperronien ont été trouvés à Aranbaltza II. © Rios-Garaizar et al, 2022
    Des restes d'industrie lithique caractéristiques du Châtelperronien ont été trouvés à Aranbaltza II. © Rios-Garaizar et al, 2022

    Extinction et remplacement des Néandertaliens

    La découverte majeure des auteurs au niveau de ce site concerne la succession des industries et donc des populations préhistoriques qui ont occupé Aranbaltza II. L'industrie du Châtelperronien que décrivent les auteurs n'a aucun lien technologique avec l'industrie du Paléolithique moyen et supérieur qu'utilisaient les populations précédentes de Néandertal. Ils en déduisent donc que la culture des Néandertaliens qui ont produit l'industrie châtelperronienne d'Aranbaltza II ne dérive pas de cultures ancestrales de la péninsule ibérique. Les auteurs proposent l'hypothèse selon laquelle les Néandertaliens qui vivaient dans la région espagnole de la Cantabrie se sont éteints ou ont abandonné cette zone il y a environ 45.000 ans. D'après des données palynologiques, une succession de climatsclimats très froids et tempérés a en effet eu lieu entre il y a 50.000 et 39.000 ans. Ceci a probablement conduit les populations néandertaliennes à accroître leur territoire et à s'y déplacer plus souvent, notamment pour rechercher des ressources dans des écosystèmesécosystèmes alors devenus moins productifs.

    Les contacts entre petites populations de Néandertaliens sur des territoires désormais vastes ont pu conduire à une augmentation de la consanguinité et de maladies génétiques

    Les auteurs indiquent que les contacts entre petites populations de Néandertaliens sur des territoires désormais vastes ont pu conduire à une augmentation de la consanguinitéconsanguinité ainsi que des maladies génétiquesmaladies génétiques. La présence de ces Néandertaliens du Paléolithique moyen et supérieur était donc probablement rare dans la Cantabrie à partir de 48.000 ans en arrière. Ce déclin aurait donc permis aux Néandertaliens du sud de la France qui avaient développé la technologie châtelperronienne d'étendre leur aire de répartitionaire de répartition au nord de l'Espagne. Leur occupation de ce territoire fut cependant de courte durée et ils furent à leur tour remplacés par des H. sapiens arrivés en Europe de l'Ouest. Ce patron de remplacement au sein d'une même espèceespèce reflète sûrement, selon les auteurs, les trajectoires de différentes populations néandertaliennes avant leur extinction.