Ce vendredi 3 mars, au siège de l’Agence spatiale européenne, la commission d’enquête en charge du crash du lanceur Vega C survenu en décembre 2022, a rendu ses conclusions. Une pièce fabriquée par un sous-traitant ukrainien est à l’origine de la perte du moteur du second étage du lanceur. Le retour en vol de Vega C est prévu au mieux vers la fin de l’année !


au sommaire


    Le mardi 20 décembre 2022, le lanceur Vega CVega C ratait sa seconde mission et s'écrasait au sol avec les satellites d'observation de la Terreobservation de la Terre Pléiades Neo 5 et 6 d'Airbus Defence and Space qu'il devait envoyer dans l'espace. Cet échec est le troisième d'un lanceur de la filière Vega en seulement quatre ans, après VV15 en juillet 2019 et VV17 en novembre 2020.

    Vendredi 3 mars, la Commission d'enquête indépendante a rendu publiques ses conclusions sur les causes de la perte du lanceur. « Après le fonctionnement nominal du premier étage P120C de Vega C et l'allumage nominal du deuxième étage (Zefiro 40), une baisse progressive de la pression a été observée 151 secondes après le décollage, conduisant à la perte de la mission », explique le rapport qui met en cause une « détérioration graduelle de la tuyère du moteur Zefiro 40 ». Dans le détail, le rapport souligne que la cause était due à une « sur-érosion thermo-mécanique inattendue du composite carbonecarbone/carbone (C/C) constituant l'insertinsert du col de tuyère, acheté par Avio en Ukraine. Des investigations complémentaires ont conduit à la conclusion que ce phénomène était probablement dû à un défaut d'homogénéité du matériaumatériau utilisé pour cette pièce ».

    Voir aussi

    Ariane 6 est reporté à l’année prochaine et ce n’est pas sans conséquence

    Un échec qui s'explique par un choix raté de réduction de coûts 

    Plus surprenant, on apprend que des économies de bout de chandelle sont à l'origine de cet échec. En effet, cette pièce critique était auparavant fournie par ArianeGroup -- qui livre également des cols de tuyère au ministère des Armées pour les missilesmissiles de la force de dissuasion -- et avait jusqu'ici donné satisfaction sur l'ensemble des vols Vega.

    En conclusion, le retour en vol du lanceur Vega C n'est pas envisagé avant au mieux la fin de l'année. Pour ArianespaceArianespace, c'est un moindre mal. Considérant la nature de l'anomalieanomalie de VV22, la Commission souligne que ses conclusions sur le Zefiro 40 ne « remettent pas en question la qualification des moteurs Zefiro 23 et Zefiro 9 ». Dans ce contexte, Arianespace peut utiliser les deux lanceurs Vega restants, ce qu'elle prévoit de faire en réaffectant une mission sur l'un de ses deux lanceurs, avec une date de lancement prévue avant la fin de l'été 2023.

    13 juillet 2022, premier vol de Vega C dont l'étage principal, le P120C sera utilisé comme étage d'accélération (EAP) pour les deux versions d'Ariane 6 : Ariane 62 avec 2 EAP et Ariane 64 avec 4 EAP. © ESA-Cnes-Arianespace, Optique video du CSG - S. Martin
    13 juillet 2022, premier vol de Vega C dont l'étage principal, le P120C sera utilisé comme étage d'accélération (EAP) pour les deux versions d'Ariane 6 : Ariane 62 avec 2 EAP et Ariane 64 avec 4 EAP. © ESA-Cnes-Arianespace, Optique video du CSG - S. Martin

    L’autonomie de l’accès à l’espace malmenée

    Aujourd'hui, l'Europe se trouve dans un contexte particulier dans lequel elle n'aura cette année quasiment plus d'accès autonome à l'espace. Les deux dernières Ariane 5Ariane 5 seront lancées d'ici la fin juin, et la mise en service d’Ariane 6 n'est pas prévue avant le premier semestre 2024. Comme le carnet de commandes d'Ariane 6Ariane 6 est déjà bien rempli, il n'y a plus beaucoup de possibilités de lancer des satellites avec Ariane 6 dans les années qui viennent. Quant aux lanceurs SoyouzSoyouz et Vega qui auraient pu aider à faire la transition entre Ariane 5 et Ariane 6, l'utilisation du lanceur russe a été abandonnée à la suite du conflit russo-ukrainien et Vega est confronté à des problèmes de fiabilité.

    Une situation qui pousse de nombreux industriels et responsables spatiaux à remettre en cause le principe du retour géographique -- ou du moins à exiger un assouplissement sévère -- qui veut que chaque État membre de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne, et donc pays contributeur au budget de l'ESA, récupère sous forme de contrats attribués à son industrie un montant équivalent à sa contribution. Une situation qui entrave l'innovation et la compétitivité alors que certains contrats sont confiés à des pays et des partenaires industriels qui ne sont pas forcément les meilleurs.

    Quant au Cnes, qui s'étonne que l'Agence spatiale européenne ait autorisé Avio à se fournir auprès d'une entreprise extra-européenne, il demande une révision profonde du management des projets à l'ESA.