La journée mondiale des donneurs de sang est célébrée le 14 juin. C’est l’occasion de mettre en avant une étude parue cette semaine qui propose un moyen de transformer un sang de groupe A en sang universel. Le mécanisme utilise des enzymes provenant du microbiote intestinal.


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    En France, les besoins quotidiens en sang s'élèvent à 10.000 dons par jour, d'après l'établissement français du sang. Accidents, hémorragies, opérations chirurgicales, sont autant de situations qui peuvent nécessiter une transfusion sanguine. Le don du sang permet de soigner plus d'un million de personnes en France chaque année ! Entre le 11 juin et le 13 juillet, l'établissement français du sang lance son opération #PrenezLeRelais pour sensibiliser la population au don du sang, un geste particulièrement important en période estivale.

    Pour qu'une transfusion sanguine réussisse, il faut respecter les compatibilitéscompatibilités de groupes sanguins entre donneur et receveur, afin d'éviter des réactions potentiellement fatales. Dans le système ABO, le sang de type O est considéré comme donneur universel, car il est dépourvu d'antigènes A et B : il ne sera pas rejeté par le receveur. De même, concernant le système Rhesus (Rh), les personnes de Rh- peuvent donner aux personnes Rh+ ou Rh-.

    Le saviez-vous ?

    Le système ABO est lié à la présence ou non d’antigènes sur les globules rouges. Si une personne de groupe A reçoit du sang B, elle fera une réaction immunitaire dirigée contre les antigènes B. Le groupe O ne possède pas ces antigènes, mais l’antigène H, qui est le précurseur du A et du B.

    En France, les groupes sanguins les plus fréquents sont les groupes A (44 % de la population) et O (42 %), devant les groupes B (10 % et AB (4 %). Comme le sang A est le plus courant, il serait intéressant de pouvoir le transformer en sang de groupe O. Pour cela, il faudrait retirer l'antigène A des globules rougesglobules rouges, grâce à des enzymesenzymes.

    Des enzymes du microbiote convertissent le sang A en O

    Un article paru sur le site de Science explique que les chercheurs ont d'abord essayé d'améliorer des enzymes déjà connues pour catalyser cette réaction, mais elles étaient peu efficaces. Comme cette stratégie n'a pas porté ses fruits, les chercheurs de l'université de la Colombie-Britannique à Vancouver (Canada) ont adopté une autre méthode : ils ont cherché des enzymes plus efficaces chez les micro-organismesmicro-organismes du microbiotemicrobiote intestinal. En effet, certaines bactériesbactéries du microbiote digèrent des glycoprotéinesglycoprotéines de la paroi intestinale, des mucines, dont la composition se rapproche de celle des antigènes des globules rouges.

    Le don de sang sauve des vies ! © Belish, Fotolia
    Le don de sang sauve des vies ! © Belish, Fotolia

    Les chercheurs ont utilisé des échantillons de selles humaines pour extraire de l'ADNADN des bactéries intestinales et ils ont cherché des gènesgènes d'enzymes qui digèrent les mucines. C'est ainsi qu'ils ont trouvé deux enzymes intéressantes provenant de la bactérie Flavonifractor plautii : elles convertissaient l'antigène A en antigène H, correspondant au sang de groupe O. Les sucressucres typiques du groupe A étaient éliminés ! Grâce à cette technique basée sur des enzymes bactériennes, il serait donc possible de doubler la quantité de sang universel, en utilisant du sang de groupe A...

    Ces travaux paraissent dans une revue à comité de lecture, Nature Microbiology. Ils avaient déjà fait l'objet d'une communication très remarquée lors d'un congrès en août 2018 (voir article ci-dessous). D'autres travaux seront nécessaires pour vérifier que ces enzymes bactériennes qui modifient le sang n'ont pas d'effets indésirables.


    Don du sang : du sang de groupe O pour tous grâce à une enzyme

    Article de Céline DeluzarcheCéline Deluzarche paru le 8 septembre 2018

    Des chercheurs ont découvert une enzyme capable de découper les antigènes à la surface des globules rouges, les transformant ainsi en cellules de type O pouvant être transfusées à n'importe quel receveur. 

    Alors que l'Établissement français du sang a lancé cet été un appel urgent aux dons pour pallier les faibles réserves, une découverte pourrait bien mettre fin à ces pénuries récurrentes. Stephen Withers, un biochimistebiochimiste de l'University of British ColumbiaColumbia, vient de trouver une enzyme capable de transformer n'importe quelle cellule sanguine en cellule de type O, c'est-à-dire en sang universel. Et devinez où lui et son équipe ont découvert cette enzyme miraculeuse ? Dans une bactérie peuplant nos intestins.

    Pour comprendre cette découverte, rappelons d'abord quelques notions sur les groupes sanguins. Il en existe quatre : A, B, AB et O, déterminés par des antigènes à la surface des globules rouges. Un sujet de type A possède des antigènes A et des anticorpsanticorps anti-B. Si on lui transfuse du sang de groupe B, ses anticorps anti-B vont provoquer une réaction immunologique qui va conduire à la destruction de ses globules rouges (hémolysehémolyse). Les sujets de type O ne possèdent eux aucun antigène : leur sang est compatible avec tous les groupes. Ce qu'ont découvert les chercheurs, c'est justement le moyen de supprimer les antigènes A et B des globules rouges pour les transformer en cellules de type O.

    Le sang des donneurs de type O peut être transfusé à n’importe quel individu. © EFS
    Le sang des donneurs de type O peut être transfusé à n’importe quel individu. © EFS

    Une bactérie intestinale à la rescousse

    Pour dénicher une moléculemolécule capable d'une telle prouesse, les chercheurs ont eu recours à la métagénomique. « Nous avons mis en commun tous les organismes d'un environnement donné et extrait l'ensemble de l'ADN  mélangé », relate Stephen Withers. Ils ont ensuite utilisé la bactérie E.coli pour sélectionner les morceaux d'ADN codant pour la propriété recherchée (ici, la suppression des sucres à la surface des cellules). Après avoir exploré le génomegénome du moustiquemoustique et de la sangsue, le scientifique a fini par trouver la perle rare à l'intérieur de notre intestin.

    La muqueusemuqueuse du tube digestiftube digestif est en effet tapissée de protéinesprotéines glycosylées appelées mucines produisant les sucres servant à nourrir les bactéries intestinales lors de la digestiondigestion. Pour les ingérer, ces dernières se servent d'une enzyme « découpant » le sucre de la mucine. Or, il se trouve que ces sucres ressemblent fortement aux antigènes des cellules sanguines A et B. Lors des tests en laboratoire, l'enzyme a ainsi découpé avec succès les antigènes des cellules sanguines, transformant des cellules A et B en cellules sans marqueur, c'est-à-dire des cellules « universelles » de type O. « Cette enzyme est 30 fois plus efficace que les autres candidats jusqu'ici testés », se félicite Stephen Withers.


    La bactérie produit une enzyme qui découpe les sucres des mucines pour se nourrir. © American Chemical Society, YouTube

    Le problème Rhésus

    Il reste cependant de nombreux obstacles à franchir avant d'arriver à un sang vraiment universel. D'une part, la compatibilité du sang dépend aussi du système Rhésus, lié à la présence d'un antigène D qui n'est lui pas un sucre comme les autres antigènes, mais une protéine qui ne sera donc pas touchée par l'enzyme. Cela signifie qu'il faut choisir des cellules sanguines A ne possédant pas l'antigène D (c'est-à-dire A-) pour que le sang soit vraiment compatible avec tous les groupes. Or, 85 % des personnes possèdent ce fameux antigène D. Il faudrait donc trouver une deuxième enzyme capable de s'y attaquer.

    Deuxièmement, les chercheurs n'ont pour l'instant expérimenté leur solution qu'en laboratoire. « Il va falloir mener plusieurs essais cliniquesessais cliniques pour s'assurer qu'il n'y a pas d'effets indésirables », reconnaît Stephen Withers. « Mais je suis persuadé que nous avons là un excellent candidat pour obtenir un sang universel », s'enthousiasme-t-il. Ses travaux ont été présentés le 21 août dernier lors du meeting annuel de l'American Chemical Society.


    Du sang de groupe O pour tous ?

    Article de France-science publié le 29/03/2004

    La compagnie de biotechnologiesbiotechnologies Chiron (Californie) et la petite société du Massachusetts ZymeQuest ont signé un accord pour le développement et la commercialisation d'un système de traitement du sang. Il s'agit en fait de réussir la conversion enzymatiqueenzymatique des cellules sanguines des groupes A, B et AB en cellules d'un groupe universel semblable au groupe O, appelé ECO (pour Enzyme- Converted group O).

    Les prémices de ce projet qui, s'il aboutissait, pourrait permettre de simplifier grandement les procédures d'analyse et de conservation utilisées par les banques de sang, remontent aux années 1980.

    A l'époque, une enzyme, découverte dans des grains de café vert, se montre capable de débarrasser les protéines des globules rouges des sucres qui déterminent le groupe sanguin (et qui peuvent donc provoquer une réaction immunitaire en cas de mauvaise transfusion).
    Mais cette enzyme ne fonctionne que sur des protéines de type B.

    Depuis, la société ZymeQuest a travaillé à l'élaboration d'un système automatisé de transformation du sang de groupe B en groupe ECO et a obtenu, au cours d'essais cliniques, des résultats encourageants.
    La conversion du type A s'est toutefois révélée plus difficile et il a fallu recourir à d'autres enzymes, bactériennes cette fois.

    L'accord conclu entre les deux entreprises prévoit, de la part de Chiron, un soutien financier aux recherches de ZymeQuest en échange des droits de commercialisation de la technologie.