« ARN messager, la révolution du siècle », titrait le journal de 20 heures sur TF1 en avril dernier. Cette technologie, encore inconnue du grand public et jamais expérimentée dans des vaccins chez l’humain, a éclipsé tous les autres vaccins, quasiment jugés obsolètes. Ces vaccins à ARNm sont-ils vraiment supérieurs aux autres ? Vont-ils finir par s’imposer dans toutes les maladies ?


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    Le match semble plié. Alors que des millions de doses d'AstraZeneca n'arrivent pas à trouver preneurs dans le monde, les vaccins à ARNm comme PfizerPfizer ou Moderna s'écoulent comme des petits pains. Une efficacité supérieure et une fabrication ultra-rapide... La technologie de l'ARN messager, encore jamais expérimentée chez l'humain avant 2020, et qui éveillait encore en janvier toutes les suspicions, s'est finalement imposée comme la solution ultime pour résoudre l'épidémie.

    ARN messager : le nouveau Graal des laboratoires pharmaceutiques

    À tel point que l'ARN est désormais perçu comme la technologie d'avenir, susceptible de tout renverser sur son passage. Sanofi vient ainsi de commencer un essai de phase I pour un vaccin contre la grippe avec de l’ARNm. « L'actuelle pandémie nous a permis de constater combien la technologie de l'ARNm était prometteuse et nous allons à présent chercher à l'étendre à d'autres vaccins annuels », explique ainsi Jean-François Toussaint, responsable Monde, Recherche et Développement de Sanofi Pasteur. « Toutes les grandes sociétés pharmaceutiques sont, d'une manière ou d'une autre, en train de tester la technique », confirme Jeffrey Ulmer, ancien directeur de la recherche et du développement de la division Vaccins de GlaxoSmithKline (GSK), au magazine Pour la Science. Désormais, l'ARN messager est envisagé contre les tumeurs, la mucoviscidose, le cytomégalovirus, le paludismepaludisme ou même le VIHVIH. Est-ce à dire que nos bons vieux vaccins vont bientôt finir aux oubliettes ?

    Les vaccins à ARN sont plus coûteux à fabriquer et leurs effets secondaires sont plus importants. © the_mist, Adobe Stock
    Les vaccins à ARN sont plus coûteux à fabriquer et leurs effets secondaires sont plus importants. © the_mist, Adobe Stock

    Vaccins à ARN : un simple coup de bol ?

    « Certainement pas ! balaye un virologue renommé interrogé par Futura (qui a souhaité rester anonyme). Avec la Covid, la technologie ARN a juste eu un gros coup de bol ! Car cela fait des années qu'on essaye de mettre au point des vaccins ARNm contre la grippegrippe, la ragerage ou Ebola et ça ne marche pas bien. Plusieurs laboratoires travaillant sur l'ARN étaient d'ailleurs sur le point d'abandonner leurs recherches quand la Covid-19Covid-19 a débarqué ». Et même si la supériorité de ces vaccins concernant leur efficacité est indéniablement meilleure, rien ne dit qu'il en serait de même pour d'autres maladies. Sur le papier, un vaccin ARN est même moins performant qu'un vaccin avec un virus vivant inactivé. « Le coronaviruscoronavirus contient plus de 30.000 nucléotidesnucléotides, et le vaccin ARN n'en cible que quelques-uns, ceux de la protéineprotéine Spike. Les vaccins vivants atténuésatténués ou inactivés, comme ceux de la rougeolerougeole ou des oreillonsoreillons, comprennent la totalité du génomegénome du virusvirus et développent donc une réponse immunitaireréponse immunitaire bien plus complète », détaille l'expert.

    Mettre des vaccins ARN partout reviendrait à ruiner tous les pays

    L'autre raison pour laquelle les vaccins ARNm sont loin de pouvoir supplanter tous les autres, c'est la question du prix. Ces vaccins sont en effet bien plus coûteux à fabriquer que ceux simplement « incubés » dans des œufs par exemple. « Pour la Covid, personne ne s'est posé la question et l'argentargent a été dépensé sans compter, observe le virologue. Mais, en temps normal, qui sera prêt à payer 19 euros pour un vaccin ARN quand le vaccin contre la rougeole, qui a fait se preuves depuis plus de 30 ans, coûte à peine 26 centimes ? » Selon le spécialiste, mettre des vaccins ARN partout reviendrait à « ruiner tous les pays ». « Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que les vaccins ARN ont été développés par des laboratoires qui ne sont pas du tout spécialistes des vaccins, poursuit-il. Les principaux fabricants mondiaux, comme GSK, Merck ou le Serum Institute of India ne se sont pas lancés dans l'aventure ».

    Le vaccin de Novavax est efficace à 90,4 % contre la Covid-19. © diy13, Adobe Stock
    Le vaccin de Novavax est efficace à 90,4 % contre la Covid-19. © diy13, Adobe Stock

    Vaccins à ARN messager : deux réussites… et seize échecs

    Le 14 juin dernier, la biotech NovavaxNovavax a annoncé une efficacité de 90,4 % pour son vaccin contre la Covid-19, y compris pour les derniers variants. Un chiffre qui rivalise avec ceux de Pfizer ou Moderna. Le vaccin de Novavax ne repose pourtant pas sur l'ARN, mais sur des protéines dites recombinantes, où les protéines pseudo-virales sont produites dans des cellules d'insectesinsectes. Curieusement, l'annonce est pourtant passée quasi inaperçue, alors que chaque étude concernant Pfizer ou Moderna fait l'objet d'un intense battage médiatique. Également passés sous le radar, les résultats décevants du vaccin ARNm de CureVac qui s'est avéré efficace à seulement 47 %, soit en-dessous du seuil de 50 % fixé par l'Organisation mondiale de la SantéOrganisation mondiale de la Santé.

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    Comment fonctionne un vaccin à ARN ?

    En mai 2020, 18 vaccins à ARN étaient en cours de développement à travers le monde. Un an plus tard, seuls deux sont finalement parvenus à émerger, tandis que neuf autres vaccins basés sur des technologies plus traditionnelles ont passé avec succès les essais cliniquesessais cliniques de phase 3. Ne nous méprenons pas : le développement de vaccins à ARNm dans un laps de temps aussi court et avec une efficacité aussi forte constitue un véritable exploit scientifique. Mais rien ne dit que cet exploit pourra être réédité à l'identique lors d'une prochaine pandémie. « Dans l'histoire, jamais une technologie n'est devenue la panacée universelle », reconnait le virologue que nous avons interrogé.