Grâce à la chirurgie non-invasive, les médecins ont moins besoin de réaliser de grandes incisions. Parallèlement, des nano-polymères permettent de recoller des tissus. Cependant, ces colles chirurgicales ne devraient pas remplacer totalement les sutures, selon des spécialistes.

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    Fièrement, Jean-Marc Chalot exhibe un fil de suture ophtalmique de sa société Péters Surgical, épais d'à peine quelques décimales de millimètre, et pourtant serti à la main sur l'aiguille. Basé à Bobigny (Seine-Saint-Denis), Péters est le quatrième acteur mondial des sutures chirurgicales, mais loin derrière les géants américains des dispositifs médicaux Ethicon et Medtronic ainsi que l'allemand B. Braun, qui dominent ce marché mondial évalué à quelque trois milliards de dollars.

    Pour se démarquer, Péters mise sur des produits de niche plutôt que sur de gros volumesvolumes, car « dans un contexte de globalisation on ne sera jamais les moins chers », explique à l'AFP M. Chalot, directeur général du groupe depuis 2003. L'entreprise se concentre sur les sutures pour les chirurgies cardiaque et digestive, deux domaines où le chirurgien a encore son « mot à dire » sur le choix de ses outils de travail fondamentaux, selon M. Chalot.

    Les sutures d'origine naturelle sont en perte de vitessevitesse : le catgut, fabriqué à partir de boyaux d'animaux, a longtemps été courant mais a été banni en chirurgie en Europe après la crise de la vache follevache folle. Quant à l'usage de certains textiles, essentiellement la soie, il tend à se limiter à quelques niches comme l'ophtalmologie ou le dentaire. Les matériaux synthétiques dominent aujourd'hui le marché mondial. « Ils sont beaucoup plus faciles à produire et moins traumatisants pour les patients, dans le sens où il y a moins de risque d'allergies » grâce à leur meilleure biocompatibilité, explique à l'AFP Cloé Péchon, responsable des produits sutures chez B. Braun France.

    Dans la vaste panoplie des sutures, on distingue notamment les résorbables, par hydrolysehydrolyse avec les fluides du corps, et les non-résorbables, selon que les fils sont destinés à des zones à cicatrisation rapide ou lente. Malgré tout, « la suture reste un corps étranger », admet Mme Péchon. D'où les efforts des industriels d'aller « vers des colles et des gelsgels », y compris en chirurgie interne.

    De plus en plus, les nouvelles techniques médicales telles que la chirurgie non-invasive limitent la taille des incisions, et donc des sutures. © shefkate, Fotolia

    De plus en plus, les nouvelles techniques médicales telles que la chirurgie non-invasive limitent la taille des incisions, et donc des sutures. © shefkate, Fotolia

    Des nano-polymères pour recoller les plaies

    « Avant on disait : "Aux grands chirurgiens les grandes incisions", mais ce n'est plus du tout vrai aujourd'hui », déclare Michel Therin, directeur général du pôle mondial de chirurgie générale chez Medtronic. Les nouvelles technologies de chirurgie mini-invasive permettent désormais « d'économiser les incisions » en utilisant des micro-caméras, ou en passant par des voies naturelles comme les artères pour la chirurgie vasculaire, explique-t-il l'AFP. « Pour suturer deux vaisseaux sanguins afin de les rendre étanches, il faut faire de tout petits points de suture. Une colle pourrait avoir un intérêt important, en badigeonnant la surface », reconnaît-il.

    De telles colles chirurgicales existent déjà. « Mais elles ne sont pas toujours très simples à utiliser et peuvent manquer de résistancerésistance ou d'adhérence en milieu humide, relève-t-il. Le fil et l'aiguille, cela paraît très basique mais c'est redoutable d'efficacité », insiste M. Therin. Il voit plutôt les colles « compléter l'offre existante » des sutures dans certaines applicationsapplications, à mesure qu'elles deviendront plus performantes et plus économiques.

    Il y aura toujours des sutures.

    Les grands acteurs des sutures ont tous des projets confidentiels sur le sujet. Et suivent de près les efforts de start-upstart-up en quête de la meilleure alchimie de nano-polymèrespolymères. Les adhésifs « sont clairement l'axe de croissance » du marché du traitement des plaies, selon Christophe Bancel, directeur général de la jeune medtech parisienne Gecko Biomedical, qui développe un gel censé cocher toutes les cases : biocompatible, biodégradablebiodégradable, hydrophobehydrophobe, adhésif et souple.

    Ce polymère s'applique à l'état visqueux, puis se polymérise « en quelques secondes » par un stimulus lumineux activé à distance par le chirurgien, explique M. Bancel. En cas de succès d'un essai cliniqueessai clinique en cours, GeckoGecko espère décrocher dès cette année une autorisation de commercialisation en Europe sur une première indication, la reconstruction vasculaire. Cependant, « il y aura toujours des sutures » dans les prochaines décennies, prédit M. Bancel, qui essaie « d'apporter des solutions seulement là où la suture est délétère » pour le patient.


    Des nanoparticules pour réparer les tissus

    Article du CNRS paru le 9 mai 2014

    Des chercheurs français de l'ESPCI-ParisTech viennent de démontrer l'efficacité de nanoparticulesnanoparticules pour réparer des tissus et même des organes mous comme le foiefoie, pour lequel aucune méthode efficace et sûre n'existe pour le moment. Selon les auteurs, cette stratégie de collage est un grand pas en avant pour la médecine réparatrice.

    En décembre 2013, l'équipe de Ludwick Leibler, de l'ESPCI-ParisTech (École supérieure de physiquephysique et de chimiechimie industrielles), au sein d'une équipe CNRS, avait présenté un concept entièrement nouveau de collage des gels et des tissus biologiques grâce à des nanoparticules. Le principe est simple : des nanoparticules contenues dans une solution étalée sur des surfaces à coller se lient au réseau moléculaire du gel (ou du tissu) par un phénomène appelé adsorptionadsorption, et, dans le même temps, le gel (ou le tissu) lie les particules entre elles. Se forment ainsi d'innombrables connexions entre les deux surfaces. Le processus d'adhésion, qui ne comporte aucune réaction chimiqueréaction chimique, ne prend que quelques secondes. Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Angewandte Chemie, les chercheurs montrent que cette méthode peut être appliquée in vivoin vivo sur des rats et aurait le potentiel de bouleverser la pratique clinique.

    Dans une première expérience réalisée chez le rat, les chercheurs ont comparé la fermeture d'une plaie profonde de la peau par la méthode traditionnelle des points de suture et par l'application au pinceau de la solution aqueusesolution aqueuse de nanoparticules. Cette seconde stratégie, simple d'utilisation, permet de refermer la peau rapidement jusqu'à la cicatrisation complète, sans inflammationinflammation ni nécrose. Encore mieux : la cicatricecicatrice résultante est presque invisible.

    Les étapes de la réparation d’une plaie profonde sur des rats par application de la solution aqueuse de nanoparticules développée par des chercheurs. La fermeture de la plaie s’effectue en 30 secondes. © Laboratoire matière molle et chimie (CNRS, ESPCI ParisTech)

    Les étapes de la réparation d’une plaie profonde sur des rats par application de la solution aqueuse de nanoparticules développée par des chercheurs. La fermeture de la plaie s’effectue en 30 secondes. © Laboratoire matière molle et chimie (CNRS, ESPCI ParisTech)

    Les nanoparticules pour réparer des lésions du foie

    Dans une seconde expérience, les chercheurs ont appliqué cette solution à des organes mous comme le foie, le poumonpoumon ou la raterate, qui sont difficiles à suturer car ils se déchirent lors du passage de l'aiguille. Actuellement, aucune colle n'allie efficacité d'adhésion et innocuité pour l'organisme. Confrontés à une entaille profonde du foie avec forte hémorragie, les chercheurs ont refermé la blessure en étalant la solution aqueuse de nanoparticules et en pressant les deux bords de la blessure. La perte de sang s'est alors arrêtée. Pour réparer un lobe de foie sectionné, les chercheurs ont également utilisé des nanoparticules : ils ont collé un pansement recouvert de nanoparticules sur la blessure, arrêtant ainsi l'hémorragie. Dans les deux situations, le fonctionnement de l'organe est préservé et les animaux survivent.

    Coller un pansement pour arrêter les fuites n'est qu'un exemple des possibilités offertes par l'adhésion apportée par des nanoparticules. Dans un tout autre domaine, les chercheurs sont parvenus à fixer une membrane dégradable utilisée pour la thérapie cellulaire sur le cœur, malgré les fortes contraintes mécaniques liées à ses battements. Ainsi, ils démontrent qu'il est possible de fixer des dispositifs médicaux variés pour réparer des organes et des tissus.

    Cette méthode d'adhésion est exceptionnelle par son potentiel d'applications cliniques. Elle est simple, facile à mettre en œuvre et les nanoparticules utilisées, constituées de silicesilice et d'oxydes de ferfer, peuvent être métabolisées par l'organisme. Ainsi, la méthode peut facilement être intégrée dans les recherches actuelles sur la cicatrisation et la régénération des tissus et contribuer au développement de la médecine régénératrice.