Une nouvelle technique d'édition génétique évitant d'avoir à « couper » l'ADN, vient d'être mise au point. Elle corrige ainsi un défaut majeur des méthodes utilisées jusqu'à présent : l'apparition de mutations non désirées dans le génome.


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    Cette nouvelle technologie « fonctionne plus comme une colle moléculaire que comme des ciseaux moléculaires », le surnom de la technique actuelle, résume dans un communiqué de presse l'université de ColumbiaColumbia (New York), dont est issue l'équipe de recherche.

    Développé depuis 2012 et maintenant utilisé dans des milliers de laboratoires de recherche du monde entier, l'outil Crispr-Cas9 a révolutionné l'édition génétique. Il permet de modifier de façon précise, rapide et à moindre coût une partie du génome, comme on corrigerait une faute de frappe dans un texte. Cela sert, par exemple, pour éliminer un gène muté porteur d'une maladie ou rendre une plante plus résistante.

    Cette méthode, inspirée d'un mécanisme découvert dans des bactéries, consiste à couper l'ADN à un endroit précis à l'aide d'une enzymeenzyme, d'où son surnom de « ciseaux moléculaires ». Elle met ensuite à profit les mécanismes d'auto-réparation de la cellule, qui « recolle » les brins d'ADN, parfois guidée par une séquence d'ADN synthétique sans anomalieanomalie apportée par les chercheurs.

    Mais ce processus de réparation peut conduire à des erreurs, créant des changements non intentionnels dans le génome. Une étude publiée l'an dernier avait conclu que ces mutations inattendues étaient importantes et fréquentes, et avaient été « largement sous-estimées jusqu'à maintenant ». Par ailleurs, le fait de couper l'ADN déclenche un mécanisme de réaction chez ce dernier qui peut entraîner d'autres effets indésirables.

    Cette méthode, inspirée d'un mécanisme découvert dans des bactéries, consiste à couper l'ADN à un endroit précis à l'aide d'une enzyme, d'où son surnom de « ciseaux moléculaires ». © from2015 / Istock.com
    Cette méthode, inspirée d'un mécanisme découvert dans des bactéries, consiste à couper l'ADN à un endroit précis à l'aide d'une enzyme, d'où son surnom de « ciseaux moléculaires ». © from2015 / Istock.com

    Incroyable précision de l'insertion d'un gène sauteur 

    Le nouveau système, décrit dans un article publié par la revue Nature, surmonte cette difficulté en procédant d'une autre manière, souligne Samuel Sternberg, l'auteur principal. Ce biochimistebiochimiste et son équipe ont exploité les propriétés des « transposons » ou « gènes sauteurs », des fragments d'ADN, capables de se déplacer ou de se copier d'un endroit à un autre sur les chromosomeschromosomes. Les gènes sauteurs « possèdent toutes les propriétés chimiques nécessaires pour s'insérer directement (...) sans cassure des deux brins de l'ADN », a expliqué le chercheur à l'AFP.

    Les scientifiques ont identifié un gène sauteur de Vibrio choleraeVibrio choleraela bactérie responsable du choléra chez l'Homme, et ont réussi à le programmer « pour qu'il s'insère avec une incroyable précision à des endroits pré-définis du génome ». Ils ont également montré que ce gène était capable de déposer une séquence d'ADN embarquée à un endroit donné, à l'aide d'une enzyme. « Cette approche pourrait permettre d'insérer des gènes thérapeutiques dans le génome d'une façon probablement plus sûre que ce qui est possible actuellement », estime Samuel Sternberg.

    Les recherches suscitent beaucoup d'espoirs mais relancent la controverse éthique

    Elle ouvre aussi la voie à l'intervention sur certains types de cellules comme les neuronesneurones, pour lesquels les ciseaux moléculaires ne fonctionnent pas bien, ou à l'édition du génomeédition du génome de communautés complexes de bactéries telles que le microbiotemicrobiote intestinal, ajoute-t-il.

    Cette approche pourrait permettre d'insérer des gènes thérapeutiques dans le génome d'une façon probablement plus sûre

    L'expérience publiée dans Nature a été réalisée sur une bactérie E.coli, mais Samuel Sternberg et son équipe travaillent actuellement à la reproduire sur des cellules de mammifèresmammifères, précise Columbia dans son communiqué. Les défenseurs de l'édition du génome mettent souvent en avant son potentiel pour traiter des maladies aujourd'hui incurables. Ces techniques ont notamment été utilisées pour restaurer l'audition chez des souris et réparer des gènes porteurs de maladies chez des embryonsembryons humains.

    Mais la controverse éthique sur son utilisation chez l'embryon humain a été relancée ces derniers mois, lorsqu'un chercheur chinois a affirmé avoir modifié l'ADN de jumelles pour y insérer une mutation les rendant résistantes au virusvirus du sidasida, en utilisant la technique Crispr-Cas9Crispr-Cas9. En mars, des sommités de la recherche ont plaidé pour un moratoiremoratoire sur les techniques de modification du génome, d'autres scientifiques redoutant à l'inverse un coup d'arrêt à des recherches qui suscitent d'énormes espoirs dans le traitement des maladies génétiquesmaladies génétiques.