Une technologie récente, appelée CRISPR-Cas9, facilite la modification des génomes. Appliquée aux embryons humains, elle permettrait de corriger des « défauts » génétiques. La communauté scientifique s'en émeut dans un article qui soulève des questions éthiques.

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    Les scientifiques craignent que la technique CRISPR-Cas9 soit appliquée à l’Homme pour modifier son génome. © Miran Rijavec, flickr, cc by 2.0

    Les scientifiques craignent que la technique CRISPR-Cas9 soit appliquée à l’Homme pour modifier son génome. © Miran Rijavec, flickr, cc by 2.0

    Du nom de CRISPR-Cas9, cette nouvelle technique simple et peu coûteuse est en train de révolutionner le génie génétiquele génie génétique. CRISPR-Cas9CRISPR-Cas9 trouve son origine dans un système immunitaire bactérien : il permet à la cellule de reconnaître la séquence d'un virus et de couper l'ADN contenant la séquence pour détruire le virus s'il infecte à nouveau la cellule. La protéine bactérienne est guidée par un ARN qui cible une séquence particulière d'ADN.

    En 2012, Jennifer Doudna et la Française Emmanuelle CharpentierEmmanuelle Charpentier ont adapté ce système au génie génétique : il est désormais possible de couper la séquence d’ADN de son choix en changeant l'ARN qui guide la protéine. Pour utiliser cette méthode, les scientifiques doivent fabriquer un ARN qui corresponde à la séquence d'ADN à couper. Attaché à la protéine bactérienne Cas9, l'ARN se lie à sa séquence d'ADN et Cas9 coupe l'ADN à cet endroit. La cellule essaie alors de réparer la coupure mais souvent avec des imperfections, d'où une inactivation du gènegène. Pour changer le gène, il suffit d'incorporer dans la cellule un morceau d'ADN similaire à celui qui a été coupé, mais contenant la « bonne » séquence.

    Ce système inspiré des bactéries permet des modifications dans l'ADN de plantes et d'animaux et crée des animaux génétiquement modifiés de manière plus aisée qu'auparavant. Des scientifiques chinois ont aussi pu obtenir des singes avec des changements dans deux gènes. Prochaine étape : l'Homme ?

    Le système CRISPR-Cas9 s’inspire d’un mécanisme immunitaire bactérien permettant de reconnaître et d'éliminer des bactériophages. © Zappys Technology Solutions, flickr, cc by 2.0

    Le système CRISPR-Cas9 s’inspire d’un mécanisme immunitaire bactérien permettant de reconnaître et d'éliminer des bactériophages. © Zappys Technology Solutions, flickr, cc by 2.0

    CRISP-Cas9 facilite la modification de l’ADN d'un génome

    La technique pourrait permettre de corriger certains gènes responsables de maladies humaines, soulevant ainsi de nombreuses questions éthiques. Dans un article paru dans Science, un collectif de 18 chercheurs appelle à la prudence s'agissant de la modification de lignées germinales humaines ; ils demandent que l'utilisation de CRISPR-Cas9 pour la manipulation du génomegénome humain fasse l'objet d'un débat.

    Parmi ces 18 chercheurs se trouve David Baltimore, prix Nobel de Médecine : « Nous voulons avertir les gens que c'est désormais facile ». Si les essais cliniquesessais cliniques sont bien encadrés aux États-Unis et en Europe, dans d'autres pays, où la réglementation est plus laxiste, des dérives seraient à craindre. Les scientifiques demandent donc qu'il y ait un moratoiremoratoire sur les applicationsapplications cliniques.

    La manipulation des cellules germinalescellules germinales humaines, qui fournissent ovocytesovocytes et spermatozoïdes, permettrait des modifications génétiques transmissibles à la descendance. Au-delà de la question éthique de la manipulation du génome humain, la technique pourrait comporter des risques à cause de coupures indésirables dans le génome. Le risque d'erreurs et les conséquences sur l'individu sont inconnus.