Existe-t-il un lien entre la taille de notre réseau social et celle de notre cerveau ? Cette question a déjà été étudiée dans de précédentes recherches et une équipe de chercheurs a poursuivi dans ce sens pour mieux comprendre ce lien en observant des primates dans leur environnement naturel.
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Plus nos relations sociales seraient nombreuses, plus certaines structures de notre cerveau seraient développées. Telle est l'hypothèse au cœur de plusieurs travaux de recherche en neurosciences depuis plusieurs années. Des chercheurs et chercheuses de l'Inserm et de l'université Claude BernardClaude Bernard Lyon 1 au sein de l'Institut cellule souche et cerveau, en collaboration avec l'université de Pennsylvanie, se sont intéressés plus spécifiquement à une espèceespèce de macaques dont l’architecture du cerveau est comparable à celle de l'Homme.
En observant les animaux dans leur état naturel et en analysant des images de leurs cerveaux, ils ont découvert que le nombre de compagnons de ce primateprimate non-humain permettait de prédire la taille de certaines zones de son cerveau, qui sont notamment associées à la cognition sociale et l'empathie. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Science Advances.
Les liens entre le réseau social et la taille du cerveau ont fait l'objet de précédentes études dans le domaine des neurosciences. Des scientifiques se sont par exemple déjà intéressés à la variation de la taille de l'amygdale du cerveau humain, en fonction du nombre d'amis FacebookFacebook que possède un individu. Pour compléter ces recherches et essayer de mieux comprendre l'organisation et les fonctions des réseaux neuronaux chez l'Homme, des équipes ont travaillé avec une espèce animale aux caractéristiques cérébrales proches de celles de l'humain, à savoir les macaques rhésus.
Des observations comportementales étayées par les scanners
Dans cette nouvelle étude, l'équipe de chercheurs a étudié un groupe de ces primates non-humains dans leur état naturel et pendant plusieurs mois avant d'imager leur cerveau. Le fait d'étudier les animaux en liberté leur a permis d'appréhender le groupe social dans toute sa complexité. Les scientifiques ont ainsi pu mesurer l'intensité des interactions (nombre d'interactions, coopératives ou agressives, et duréedurée) avec les autres individus ou encore d'identifier la position hiérarchique sociale de l'animal au sein du groupe.
Une partie des observations a porté par exemple sur les partenaires de toilettage, qui représentent des relations directes et importantes pour les macaques. En parallèle de ce travail d'observation comportementale, les scientifiques ont analysé les scanners cérébraux des individus du groupe, qui était composé de 103 macaques rhésusmacaques rhésus dont 68 adultes et 21 jeunes macaques âgés de moins de 6 ans. Ils ont découvert que, chez l'adulte, plus l'animal avait un nombre important de compagnons, plus certaines régions de son cerveau situées dans le lobe temporaltemporal étaient de taille importante.
“Plus l’animal avait un nombre important de compagnons, plus certaines régions de son cerveau situées dans le lobe temporal étaient de taille importante”
Il s'agit de l'insulainsula antérieur et de la partie médiane du sillon temporal supérieur qui sont des régions considérées primordiales pour se représenter les émotions et la perception des comportements d'autrui. Pour mieux comprendre comment ce phénomène se met en place, les scientifiques ont également pu recueillir les scanners cérébraux de 21 jeunes macaques nouveau-nés. Les travaux ont montré qu'ils ne sont pas nés avec ces différences de taille des structures cérébrale mais qu'elles se mettent en place au cours de leur développement.
Le cerveau évolue tout au long de la vie
D'après les observations des chercheurs, il n'y aurait donc à la naissance aucune corrélation entre la taille du réseau social et le volumevolume du cerveau. Ces résultats suggèrent que l'exposition à l'environnement social au cours de la vie participe à la maturation des réseaux cérébraux.
« Cet aspect est intéressant, car si nous avions observé la même corrélation chez les jeunes macaques, cela aurait pu signifier que naître d'une mère très populaire (ayant beaucoup d'interactions avec le groupe), aurait pu prédisposer le nouveau-né à devenir à son tour populaire. Au contraire, nos données suggèrent que les différences que nous observons chez l'adulte serait fortement déterminée par nos environnements sociaux, peut-être plus que par notre prédispositionprédisposition innée », explique Jérôme Sallet, directeur de recherche à l'Inserm.
À la suite de cette étude, les chercheurs souhaitent désormais étudier les changements anatomiques au niveau cellulaire, afin de révéler les mécanismes en œuvre lors de l'augmentation de la taille des zones du cerveau identifiées à l'aide d'imagerie cérébrale.
Les réseaux sociaux augmentent la taille (d'une partie) de votre cerveau !
Pour savoir si une personne a beaucoup d'amis, observez son profil Facebook ou... son cerveau ! Les personnes possédant un cercle social étendu et complexe auraient en effet une augmentation significative du volume des amygdales.
Article de Claire PeltierClaire Peltier, publié le 4 janvier 2011
Utiliser Facebook implique-t-il d'avoir un cerveau particulier ? A priori oui, d'après des chercheurs de Boston. Des structures cérébrales particulières nommées amygdales, en plus d'être impliquées dans les émotions, sont aussi requises pour la socialisation des espèces animales. En effet, cela avait pu être montré grâce à des études antérieures basées sur des comparaisons des cerveaux des primates non humains où la taille des amygdales était corrélée au nombre moyen d'individus constituant le groupe.
Mais si l'amygdale semble donc être importante pour la socialisation des animaux, sa taille diffère-t-elle également parmi les être humains en fonction de leur réseau social ? Des chercheurs de la Northeastern University à Boston se sont intéressés à la question et ont choisi d'y répondre en observant la taille des amygdales de 58 personnes adultes en bonne santé physiquephysique et psychologique. Pour évaluer la complexité des réseaux sociauxréseaux sociaux de ces personnes, les chercheurs ont utilisé deux variables : une première comprenant le nombre global de personnes avec qui les volontaires entretenaient des contacts réguliers, et une deuxième indiquant le nombre de différents groupes dont ces contacts faisaient partie (famille, collègues...)).
Une observation du cerveau par IRM
Les amygdales ont ensuite été mesurées, grâce à des images du cerveau obtenues par de l'imagerie à résonancerésonance magnétique (IRMIRM) puis par reconstruction informatique à l'aide de programmes développés à l'université d'Harvard (FreeSurfer). Pour servir de contrôle en tant que structure cérébrale non impliquée dans les réseaux sociaux, les hippocampeshippocampes ont également été mesurés. Pour éviter les variations dues aux tailles des différentes boîtes crâniennesboîtes crâniennes, le volume mesuré des structures a été rapporté au volume cérébral total.
Des analyses de régression linéaire ont montré que les personnes possédant des réseaux sociaux plus vastes et plus complexes présentaient un volume des amygdales plus grand. Cette constatation a pu être établie quel que soit l'âge du participant (les amygdales rétrécissent avec l'âge), et quelle que soit l'amygdale considérée (il n'y a pas de latéralisation), alors que les hippocampes étaient totalement indépendants de la complexité du réseau social.
À l'inverse, la taille des amygdales n'était pas liée à d'autres paramètres comme la satisfaction de la vie, ou la perception du soutien social, indiquant que le bonheur d'avoir des amis n'est pas impliqué dans cette augmentation du volume des amygdales.
Mieux analyser pour mieux agir
En revanche, la mesure d'autres zones cérébrales et plus particulièrement de l'épaisseur corticale a permis de montrer que certaines régions en plus des amygdales sont aussi corrélées à la complexité du réseau social. Ainsi, le sillon temporal inférieur caudalcaudal, le gyrusgyrus frontalfrontal supérieur caudal et le cortexcortex cingulaire subgénual antérieur sont tous les trois significativement plus épais que les autres parties du cortex. Ces trois régions auraient évolué conjointement avec les amygdales pour assurer la gestion d'un réseau social complexe.
Selon les auteurs, il s'agirait de la première démonstration d'une corrélation entre la taille des amygdales et la taille du réseau social au sein d'une même espèce. Mais dans quel sens cette relation s'établit-elle ? De plus grosses amygdales favorisent-elles les réseaux sociaux ou, au contraire, la fréquentation active de réseaux sociaux augmentent-elle la taille des amygdales ? L'étude publiée dans la revue Nature Neuroscience ne le dit pas... Ce qui est sûr, c'est que les amygdales nous permettent, en tant qu'animaux sociaux, de mieux comprendre nos congénères, afin d'établir des stratégies pour mieux coopérer ou entrer en compétition.