« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, faisons de nouveau un petit détour par la ferme pour nous pencher sur le cas d’un animal décidément étonnant : le cochon.


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    Le cochon est le plus intelligent des animaux de la ferme. Voilà, l'idée est lâchée. Sur certains points, il est capable de rivaliser avec le chien, le dauphin ou même le chimpanzé. Il est capable de reconnaître des symboles. Et il a de la mémoire. Une bonne mémoire. Tout ce qu'il faut pour apprendre à jouer à des jeux vidéo.

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    Le cochon, nous en avons déjà parlé, passe également avec succès le fameux test du miroirmiroir. Ou au moins, une variante spécialement conçue pour lui par les chercheurs. Une preuve que le cochon a la conscience de soi. Ce qui laisse espérer qu'il puisse avoir aussi conscience des autres. Les scientifiques ont d'ailleurs déjà pu montrer que le cochon sait tromper son ennemi. Comprenez, un cochon qu'il ne connait pas. Faisant preuve de ce que l'on pourrait appeler, une certaine forme d’intelligence « machiavélique » pour cacher sa nourriture. Le cochon, en revanche, se comporte tout différemment en présence d'un congénère qu'il connait. En lequel il a confiance.

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    Ainsi, le cochon a une personnalité. Il ressent des émotions. Et il les exprime par des vocalisations que les autres cochons savent décrypter. L'ennui, c'est que nous, en simples humains que nous sommes, nous ne parlons pas... le cochon. C'est bien dommage. Car comprendre les émotions exprimées par le cochon pourrait permettre aux éleveurs d'améliorer leur bien-être. Imaginez-vous sur un logiciel de traduction, sélectionner la langue « cochon » et obtenir aussitôt la traduction des vocalisions en français. C'est un peu ce que des chercheurs sont parvenus à mettre au point. Un outil qui décrypte les sons émis par les cochons pour aider les éleveurs à mieux comprendre les émotions qui se cachent derrière.

    Traduire le langage du cochon

    Parmi eux, Cocorico ! des chercheurs français. Ils ont d'abord enregistré des milliers de vocalisations de cochons à des âges et dans une vingtaine de situations très différentes, de leur naissance jusqu'à l'abattoir en passant par différents types d'élevage pour obtenir près de 7.500 enregistrements de bonne qualité, aussi bien d'émotions positives que d'émotions négatives.

    Il a ensuite fallu mobiliser l'expertise d'éthologues et de bioacousticiens. Les premiers pour classer les émotions qu'ils étudient depuis une trentaine d'années maintenant chez les animaux en fonction des situations qu'ils vivent. Leur évaluation a été doublée, quand c'était possible, de données sur le rythme cardiaque des cochons. Les bioacousticiens, quant à eux, étaient là pour analyser, de manière plus technique la structure acoustique des vocalisations, leur fréquence, leur pureté, etc.

    Les cochons communiquent entre eux. Ils se parlent à grand renfort de cris et de grognements. Une intelligence artificielle nous traduit aujourd’hui leur langage. © Janecat, Adobe Stock
    Les cochons communiquent entre eux. Ils se parlent à grand renfort de cris et de grognements. Une intelligence artificielle nous traduit aujourd’hui leur langage. © Janecat, Adobe Stock

    Ce qui ressort de ces travaux, c'est que les émotions négatives appellent préférentiellement des vocalisations de haute fréquence, de type cris. Les vocalisations de basse fréquence comme les grognements peuvent en revanche traduire des émotions aussi bien positives que négatives. Mais, dans le premier cas par exemple, les vocalisations sont plus brèves et présentent de faibles fluctuations d'amplitude.

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    Pour capitaliser sur leurs résultats, les chercheurs ont fait appel à l'intelligenceintelligence... artificielle, cette fois. Ils ont mis au point un système qui, par comparaison avec les premiers 7.500 sons classés, est capable de traduire, dans plus de 90 % des cas, la valencevalence émotionnelle de l'émotion exprimée -- s'il s'agit d'une émotion positive ou négative -- par une vocalisation, mais aussi de remontrer, dans plus de 80 % des cas, à la situation à l'origine de cette émotion. La technologie pourrait aider à signaler un problème aux éleveurs. Ou leur permettre de renforcer le bien-être de leurs cochons en mettant à leur disposition de nouveaux jeux.

    Alors, même si nous avons besoin d'un intermédiaire pour réussir à le comprendre, nous pouvons désormais en être convaincus. Le cochon... n'est pas si bête !