Un problème. Deux solutions. Comment choisir ? Des chercheurs montrent que les humains ont tendance à se focaliser sur la solution apprise. Alors que les singes optent plus volontiers pour la solution la plus efficace. Une belle preuve de flexibilité cognitive de la part de nos cousins.


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    « L'être humain est indéniablement exceptionnel. Mais il sait aussi parfois se montrer très bête », remarque Julia Watzek, chercheur en psychologie à l'université de l’État de Georgie (États-Unis). Une conclusion qu'elle tire de travaux menés sur la flexibilité cognitive des singes, et qui montrent que nos cousins apparaissent bien plus enclins que nous à explorer des solutions différentes de celles qu'ils connaissent lorsqu'il s'agit de résoudre un problème.

    Les chiffres sont parlants. Face à un problème, 70 % des singes capucins et des macaques rhésus n'hésitent pas à passer à une solution plus efficace que celle qui leur a été au préalable enseignée. Alors que seulement un humain sur les 56 qui ont participé aux tests s'y est risqué.

    Les mêmes tests menés sur des enfants ou sur les membres d’une tribu isolée ont donné, pour les humains, des résultats plus proches de ceux des singes. © La Planète des Singes, Twentieth Century Fox France
    Les mêmes tests menés sur des enfants ou sur les membres d’une tribu isolée ont donné, pour les humains, des résultats plus proches de ceux des singes. © La Planète des Singes, Twentieth Century Fox France

    Revoir notre système éducatif

    Après avoir visionné une vidéo montrant l'efficacité de la solution nouvelle, beaucoup d'humains s'y sont résolus. Mais 30 % se sont malgré tout obstinés à employer la première méthode apprise. De quoi suggérer que des préjugés acquis peuvent nous mener à prendre des décisions inefficaces ou à manquer des occasions.

    En conclusion, les chercheurs recommandent de réfléchir à la pertinence de notre système éducatif qui a tendance à suivre les lignes bien tracées. Ils suggèrent que nous pourrions parfois apprendre à nos enfants qu'ils peuvent aussi penser par eux-mêmes et imaginer des solutions loin des sentiers battus.


    L’intelligence spatiale des chimpanzés surpasse celle des enfants

    Amenés à évoluer dans les mêmes labyrinthes virtuels que des enfants et des adultes humains, les chimpanzés ont montré une nouvelle fois l'étendue de leurs talents intellectuels. Dans les environnements complexes, nos cousins se repèrent mieux dans l'espace que les plus jeunes Hommes. Une femelle sort même du lot, faisant globalement mieux que les adultes...

    Article de Janlou Chaput paru le 09/03/2014

    Les chimpanzés comptent parmi les animaux les plus intelligents. Ils disposent même de capacités très avancées pour se repérer dans l’espace, plus importantes que celles des enfants. © Convex Creative, cc by 2.0
    Les chimpanzés comptent parmi les animaux les plus intelligents. Ils disposent même de capacités très avancées pour se repérer dans l’espace, plus importantes que celles des enfants. © Convex Creative, cc by 2.0

    Les chimpanzés, nos semblables à bien des égards, manifestent un comportement social complexe à tel point qu'ils manient les règles de la politique, utilisent des outils, apprennent par essais et erreurs, montrent une excellente mémoire immédiate et souffrent même de la crise de la quarantaine. Cependant, bien que dotés de facultés intellectuelles avancées, les chimpanzés ne dépassent pas les enfants humains au niveau des capacités cognitives dans certains domaines.

    Qu'en est-il pour l'aptitude à se repérer et s'orienter dans l'espace ? Celle-ci est nécessaire à la survie, car elle permet de se représenter l'environnement, les sources de nourritures privilégiées et les lieux pour se mettre à l'abri. Qui de l'Homme ou du chimpanzé surpasse l'autre ? Une question peu étudiée d'après Francine Dolins, spécialiste du comportement animal à l'université du Michigan à Dearborn. Accompagnée de trois collègues, elle a désiré apporter la réponse et vient même de le faire dans l'American Journal of Primatology.

    Perdus au milieu de labyrinthes virtuels

    Les sujets de l'étude se comptent sur les doigts de quatre mains : 20 participants, parmi lesquels 8 enfants entre 3 et 6 ans, 4 enfants de 11 ans et 4 adultes entre 38 et 49 ans, dont les performances sont comparées à celles de 4 chimpanzés adultes. Munis d'une manette, les cobayes doivent évoluer dans un environnement virtuel à la recherche d'un tronc d'arbrearbre et d'une balle verte, le plus vite possible, en optimisant la trajectoire. Mais cet objectif est caché de leur vue par des obstacles. Ils se guident alors à l'aide de signes dans le paysage qui leur indiquent la direction à suivre : il faut marcher en direction des rectangles bleus, mais pas des triangles marron.

    Voici un exemple de ce que les participants pouvaient voir dans les labyrinthes virtuels : les affiches avec les rectangles bleus indiquaient le chemin à suivre, celles avec un triangle marron celui à éviter. © Francine Dolins<em> et al.</em>, <em>American Journal of Primatology</em>
    Voici un exemple de ce que les participants pouvaient voir dans les labyrinthes virtuels : les affiches avec les rectangles bleus indiquaient le chemin à suivre, celles avec un triangle marron celui à éviter. © Francine Dolins et al.American Journal of Primatology

    Différents niveaux de difficulté sont proposés. D'abord, des labyrinthes en T, à un, deux ou trois degrés de complexité. Puis des espaces ouverts avec un ou deux obstacles, la solution étant derrière l'un d'eux. Ou bien des labyrinthes complexes, où le sujet peut se perdre dans les ruelles s'il ne se fie pas aux signes présentés. Les images ci-dessous donnent une idée plus précise des différents types d'environnement proposés.

    Ces différents schémas représentent la variabilité des labyrinthes utilisés. À chaque fois, le triangle violet représente le point de départ, le cercle jaune l’objectif à atteindre, et les rectangles jaunes les affiches avec les signaux indiquant le bon chemin. Dans la partie gauche, les labyrinthes en T avaient trois niveaux de difficulté. À droite, les schémas A et B représentent les espaces ouverts avec respectivement un et deux obstacles. Enfin, en C, on peut voir deux exemples de labyrinthes complexes, dans lesquels les jeunes enfants ont connu quelques difficultés. © Francine Dolins <em>et al.</em>,<em> American Journal of Primatology</em>
    Ces différents schémas représentent la variabilité des labyrinthes utilisés. À chaque fois, le triangle violet représente le point de départ, le cercle jaune l’objectif à atteindre, et les rectangles jaunes les affiches avec les signaux indiquant le bon chemin. Dans la partie gauche, les labyrinthes en T avaient trois niveaux de difficulté. À droite, les schémas A et B représentent les espaces ouverts avec respectivement un et deux obstacles. Enfin, en C, on peut voir deux exemples de labyrinthes complexes, dans lesquels les jeunes enfants ont connu quelques difficultés. © Francine Dolins et al., American Journal of Primatology

    Des chimpanzés qui ne manquent pas d’espace

    Dans tous les groupes, les participants sont allés au bout des tests, bien qu'il y ait quelques exceptions. Mais pour le dernier exercice, dans le labyrinthe complexe, les plus petits (entre trois et six ans) étaient en difficulté. Bien plus que les chimpanzés, qui restent dans la moyenne de leurs performances, globalement moins bonnes que celles des adultes.

    Cependant, il ne faut pas ranger tous les grands singes dans le même panier. Une des deux femelles, nommée Panzee, sort du lot. Ses résultats individuels sont meilleurs que ceux des enfants de 11 ans et des adultes mélangés. En revanche, ils restent inférieurs à ceux des Hommes majeurs.

    Francine Dolins a donc sa réponse : nos proches cousins disposent de très grandes aptitudes pour se repérer dans l'espace, avoisinant celles des adultes humains, et surclassant nettement les facultés des enfants. Alors, si vous êtes perdus au milieu de la jungle africaine, vous savez que vous pouvez vous adresser aux chimpanzés !