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    Les assemblages fossilesfossiles ne résultent pas seulement de l'accumulation en un point de faunesfaunes variant verticalement et horizontalement mais aussi de mélanges dus aux courants, de la dissolution sélective dans la colonne d'eau, de la dissolution à la surface puis au sein des sédimentssédiments et lors de la diagenèsediagenèse.

    Le nombre d'individus et le nombre d'espècesespèces sont beaucoup moins importants dans le sédiment (et a fortiori la roche) que dans le plancton. Cette diminution drastique du nombre de tests est due aux dissolutions successives.

    <em>Castanidium moseleyi</em>. © Ernst Haeckel, <em>Wikimedia commons</em>, DP
    Castanidium moseleyi. © Ernst Haeckel, Wikimedia commons, DP

    Les radiolairesradiolaires sont abondants dans les boues actuelles des fonds océaniques équatoriaux où, en surface, la productivité planctonique est élevée. Cependant, la productivité des autres organismes y est également importante si bien que les radiolaires sont souvent masqués par de grandes quantités de foraminifèresforaminifères et de nannoplancton pour l'essentiel. Une exception concerne les fonds situés sous le niveau de compensation des carbonates (CCDCCD). Là, se déposent des boues siliceuses, en général dominées par la présence de radiolaires dans le Pacifique équatorial et par des diatoméesdiatomées ailleurs.

    Production annuelle de silice biogénique par le plancton en gramme de silice amorphe par mètre carré par an (d'après Lisitzin, 1971a, b et 1985).
    Production annuelle de silice biogénique par le plancton en gramme de silice amorphe par mètre carré par an (d'après Lisitzin, 1971a, b et 1985).

    Les radiolaires sont aussi relativement abondants sous les ceintures de grande productivité des hautes latitudeslatitudes, particulièrement autour de l'AntarctiqueAntarctique et dans le Pacifique Nord où les tests calcairescalcaires sont généralement peu abondants. Dans ces régions de hautes latitudes, les diatomées sont plus abondantes encore que les radiolaires. Dans les parties centrales et les plus profondes des bassins océaniques, la productivité biologique et le taux de sédimentationsédimentation terrigène sont faibles. Ainsi, la faible dilution pourrait laisser apparaître une sédimentation siliceuse biogène, mais la durée de l'exposition des tests à l'interface eau-sédiment provoque une dissolution presque complète. Dans ces régions s'accumulent des « boues rouges » azoïques.

    Abondances de silice exprimées en pourcentages de sédiment sec. Cette silice est principalement composée de tests de radiolaires et de frustules de diatomées (d'après Lisitzin, 1971a, b et 1985).
    Abondances de silice exprimées en pourcentages de sédiment sec. Cette silice est principalement composée de tests de radiolaires et de frustules de diatomées (d'après Lisitzin, 1971a, b et 1985).

    Dans les sédiments des marges continentales, les radiolaires sont généralement rares ou absents : ils sont dilués par d'importants apports de matériel terrigène.

    Du sédiment à la roche

    Quatre processus majeurs contrôlent l'évolution d'une boue biogène de son stade initial à son actuel état de roche : apport de matériel biogène, dissolution de ce matériel durant la sédimentation, dilution du sédiment par d'autres composants (biogènes ou non) et transformations diagénétiques du produit initial.

    Dissolution des tests

    Après la mort de l'individu, un test est sujet à dissolution pendant sa chute, lors de son exposition à l'interface eau de mer-sédiment et finalement dans le sédiment. La susceptibilité à la dissolution est fonction de la taille des particules, de la température et de la pression, du vernisvernis protecteur, qu'il soit organique ou non, des ions adsorbés, et du degré de l'ordre cristallographique. Ainsi, les organismes siliceux peuvent-ils être classés en fonction de leur susceptibilité croissante à la dissolution : spicules d'éponge, radiolaires, silicoflagellés et enfin diatomées. Globalement moins de 1 % de la silicesilice fixée par les organismes planctoniques en surface est conservé dans l'enregistrement géologique.

    • Dissolution dans la colonne d'eau

    Le temps moyen de résidence d'un test de radiolaire mort dans la zone de productivité biologique (les 200 mètres supérieurs de la colonne d'eau) est de 2 semaines à 1 mois et demi (Takahashi, 1983). Selon Takahashi (1981), la durée de chute d'un test libre durerait de deux semaines à 14 mois dans une colonne d'eau d'environ 5.000 mètres. La dissolution complète d'un test intervient entre quelques heures et quelques jours (Vinogradov & Tsitlin, 1983).

    Ces données montrent clairement que les chances pour un test d'atteindre le fond sont certes faibles mais ne diminuent pas avec la profondeur. Lors de leur chute, les organismes siliceux (radiolaires et diatomées) sont protégés de la dissolution s'ils sont englobés dans des pelotes fécales ou des agrégats organiques (Schrader, 1971; Casey et al., 1979 ; Takahashi, 1981). Cette observation est d'importance car, au moins dans certains bassins, la part la plus importante de la sédimentation se fait de cette façon. 

    • Dissolution dans le sédiment

    La disparition progressive de dépôts biosiliceux dans les sédiments, en profondeur, n'est pas régulière et est davantage redevable aux fluctuations de la bioproductivité qu'à la dissolution. Quand la productivité est élevée, les premiers organismes dissous enrichissent l'eau en silice qui devient alors moins agressive pour les formes qui se sédimentent ensuite (effet de seuil). La dissolution des tests se produit surtout à l'interface eau-sédiment, ou dans les quelques centimètres de la tranche supérieure du sédiment.

    Diagenèse

    Transformation des phases silicatées

    La silice biogène du test des radiolaires est amorpheamorphe (= non cristalline) quand elle est observée aux rayons X. Elle est appelée  opaleopale-A (opale amorphe). Cette opale-A est instable et tend à se transformer en opale-CT (qui correspond à un mélange d'opale de cristobalite et de tridymite). Une roche à ce stade est appelée porcelanite. La transformation de l'opale-A en opale-CT résulte d'un mécanisme de dissolution-précipitation (Mizutani, 1966).

    Relations entre diagenèse, minéralogie et lithologie des roches siliceuses de la Formation de Monterey (d'après Pisciotto et Garrison, 1981). 
    Relations entre diagenèse, minéralogie et lithologie des roches siliceuses de la Formation de Monterey (d'après Pisciotto et Garrison, 1981). 

    À plus haute température (enfouissement ou flux thermique plus important) ou avec le temps, l'opale-CT se transforme en calcédoine et/ou quartzquartz microcristallin, qui représente une phase siliceuse stable.

    Diminution de la porosité et compaction

    Les transformations de phases silicatées successives sont accompagnées d'une réduction de porosité du sédiment puis de la roche.

    Schéma de la diminution de la porosité pendant la diagenèse. A : pour des roches très siliceuses et leurs équivalents diagenétiques. Le tireté correspond à des roches très siliceuses. Il montre deux étapes de réduction importante de la porosité qui correspondent aux transformations des phases silicatées. Le pointillé représente l'évolution de roches calcaro-siliceuses de la Formation de Monterey (Isaacs et al. 1983).<br>B : diminution de porosité pour des sédiments pélagiques calcaires et terrigènes (Isaacs et al., 1983). 
    Schéma de la diminution de la porosité pendant la diagenèse. A : pour des roches très siliceuses et leurs équivalents diagenétiques. Le tireté correspond à des roches très siliceuses. Il montre deux étapes de réduction importante de la porosité qui correspondent aux transformations des phases silicatées. Le pointillé représente l'évolution de roches calcaro-siliceuses de la Formation de Monterey (Isaacs et al. 1983).
    B : diminution de porosité pour des sédiments pélagiques calcaires et terrigènes (Isaacs et al., 1983). 

    Dans les roches, la diminution de porosité se traduit par une diminution d'une seule dimension : l'épaisseur.

     

    Compaction liée à la diagenèse. Épaisseur actuelle des alternances de radiolarites du Pinde-Olonos (Grèce) et évaluation de ce qu'elles devaient être à l'origine avant la compaction liée à la diagenèse. On notera la variation des facteurs de décompaction (de 5 et 2) entre les niveaux holosiliceux et niveaux argilo-siliceux.
    Compaction liée à la diagenèse. Épaisseur actuelle des alternances de radiolarites du Pinde-Olonos (Grèce) et évaluation de ce qu'elles devaient être à l'origine avant la compaction liée à la diagenèse. On notera la variation des facteurs de décompaction (de 5 et 2) entre les niveaux holosiliceux et niveaux argilo-siliceux.

    Durée des transformations de phases

    Outre la pression et la température, le temps favorise la transformation des phases siliceuses. Les sédiments siliceux cénozoïquescénozoïques sont généralement à l'état de porcelanites alors que les jaspes (ou silex, ou chailles, ou phtanites ou lydiennes...) sont plus fréquents dans les terrains mésozoïquesmésozoïques et paléozoïquespaléozoïques.

    Conclusion

    Toutes les vicissitudes que subit un test (dissolution dans la colonne d'eau, à l'interface eau-sédiment, lors de la diagenèse...) font que les chances, pour que le squelette d'un radiolaire parvienne aux archives géologiques, sont quasiment nulles.

    Image du site Futura Sciences

    Il reste ensuite au paléontologuepaléontologue à réussir à extraire ces radiolaires de la roche par attaques chimiques et dissolutions différentielles. Autant dire que les squelettes qu'observe le micropaléontologiste sont autant de miracles !